Mon corps s'écroula sous la fatigue sur le sol boueux. Mon âme s'effondra sous la désillusion. Je franchis la ligne d'arrivée, mais j'y étais trop tard. Je prétendais à une médaille, mais je reviendrais uniquement avec le souvenir amer d'une course sur laquelle tout m'avait échappé en si peu de temps.
La course à pied est une drôle de passion : on focalise toute notre attention, toute notre énergie sur une seule chose : avancer le plus vite possible. On ne court pas derrière un ballon, mais derrière la fierté, le dépassement de soi, derrière des objectifs.
Je m'appelle Joaquim Gonzalez Moyano de Launay, mon nom a été affiché à l'écran, depuis lequel ma famille et mes amis regardaient la course. J'ai 16 ans et je m'épanouis dans la course à pied, bien qu'ayant participé qu'à un seul championnat de France et aucune course internationale.
Aujourd'hui, j'étais annoncé comme l'un des favoris de ce championnat. J'avais tant à prouver ; à mon coach, mes proches et surtout à l'équipe de France, pour laquelle je rêve de porter le maillot tricolore. Je voulais rayonner ce jour-là. Le championnat national de cross est l'un des plus grands rendez-vous pour tous les coureurs. C'est notamment le premier grand évènement de la saison et il permet aux talents de se révéler, de s'exposer aux yeux du public.
Après trois kilomètres, j'étais dans les premières positions et je rêvais déjà de rentrer chez moi avec un métal autour du cou. Soudain, deux athlètes décidèrent de prendre le devant de la course. Il restait alors deux kilomètres. Je m'étais solidement accroché à la 3ᵉ position, luttant de toute mon âme. Le regard portant sur mes adversaires, qui s'étaient échappé depuis déjà longtemps, je luttai. J'étais essentiellement conscient que nombreux étaient les athlètes derrière moi qui auraient les qualités pour revenir à ma hauteur et me passer devant, ruinant mes illusions de médaille.
Les derniers 500 mètres eurent raison de moi. En quelques secondes, tous mes espoirs de médaille furent anéantis.
Sévère, froid, souvent même violent et humiliant avec ses apprentis, l'échec est pourtant le meilleur des professeurs. On n'espère ne jamais le croiser, il est néanmoins pédagogue d'excellence. Lorsqu'il donne un cours, il faut du temps pour s'en remettre. L'échec de ce championnat m'a anéanti pendant les trois jours qui suivirent. Toutefois, les jours passaient et j'acceptais, j'intègrerais la leçon. Je compris que je pouvais être plus qu'un mauvais résultat, je pouvais être plus qu'un échec dans le chemin, je pouvais être et incarner le chemin pour devenir une attitude : l'attitude de la résilience.
J'appris alors à trouver mes refuges : d'abord le soutien de mes proches, ceux qui étaient capables d'accueillir dans leur foyer et dans leur cœur, que je sois le glorieux vainqueur ou que je sois le perdant, le piètre second ou pire : l'inconnu du fond du peloton, l'oublié des médiats, l'ignoré du public. Mon second refuge était le travail, le travail dans le labeur, le travail dans le dépassement de soi. Il y avait d'abord le travail intellectuel dans mes cours de sciences et de français, puis y avait le travail sur la piste d'athlétisme. J'étais à la charge pour devenir plus aguerri, plus puissant et montrer au petit monde du demi-fond français qui j'étais. Deux semaines s'étaient écoulées depuis le cuisant échec du cross et j'avais l'intention de tourner la page, de changer le chapitre de ma jeune carrière.
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