Touch

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L'obscurité est totale. Otabek avance dans la neige, son souffle apparent dans l'air glacial. Il empoigne son téléphone, la lumière de l'écran ne suffit pas à éventrer les ténèbres. Il lui est impossible d'appuyer dessus pour appeler ; le froid ronge ses mains et lui fait lâcher l'appareil. Ses genoux lâchent peu de temps ensuite et il s'écroule dans la poudreuse.

La neige tombe, tombe et tombe au-dessus de lui.

Tout devient noir et Otabek se réveille en sursaut. Il décolle les draps pleins de sueur de sa peau, puis attrape son portable. Yuri ne lui a pas adressé la parole depuis plus de vingt-quatre heures, quand il s'est enfui de son appartement au petit matin sans lui adresser un mot.

Le cœur d'Otabek lui fait plus mal que son lamentable corps, comme si on avait pressé son organe vital à la manière d'un fruit pourri, en extirpant les sentiments positifs. Au retour d'Otabek à Almaty l'an dernier, son père l'avait accusé de s'autosaboter, et il avait raison. Il préfère se priver plutôt que de tomber de haut, il a préféré blesser Yuri avant que l'inverse ne se produise. Si l'occasion se présentait, il recommencerait sans hésiter. Alors, pourquoi, aujourd'hui encore, le contact de Yuri sur sa peau le hante-t-il encore ?

La sonnerie du téléphone le fait sursauter. Il est déçu lorsqu'il découvre que c'est un appel vidéo de Dimash.

— Woah, mec, ça a l'air dur ! s'égosille Dimash, proche de donner un mal de crâne à Otabek. Euh, salut, Beka !

— Salut, Dimash.

— Putain, c'est quoi cette tête de déterré ? T'es tout seul, j'espère ?

Otabek inverse l'appareil photo pour montrer une vue panoramique de la pièce. Il n'y a rien de plus à observer que ses affaires lancées n'importe comment sur les meubles.

— J'ai peu dormi. Je suis sorti hier soir.

Pourquoi l'a-t-il fait, d'ailleurs ? Pour se prouver qu'il n'a pas besoin de Yuri ? Il avait tort, parce qu'il est rentré tôt, accompagné de ses regrets et de sa gueule de bois.

— Ah ! ricane Dimash, semblant dubitatif. Et Yuri, alors ? Il n'était pas avec toi ?

— Non.

— Tu élabores là-dessus ?

— On s'est disputés.

— Qu'est-ce que t'as fait ?

Otabek ne peut pas en vouloir à Dimash de présumer que c'est de sa faute.

— Euh... Je lui ai dit que mon genou est défoncé, mais, euh, il avait deviné.

— Je suppose qu'il l'a mal pris ?

— Oui.

Ils savaient tous deux ce qui allait arriver, et Dimash a du mal à cacher sa frustration.

— T'as été capable de louer un appartement pour passer un mois avec lui, mais tu as été incapable de lui dire la vérité à temps. Je te suis pas, mec.

Une porte s'ouvre derrière Dimash, Rusya sort de la salle de bain, couvert d'une serviette nouée autour de sa taille. Il s'approche de la caméra pour déposer un baiser sur la tempe de Dimash. Otabek baisse les yeux. Quelle impression ça ferait, de se sentir assez bien avec quelqu'un pour vivre avec lui ?

— Qu'est-ce qu'il arrive à Beka ? demande Rusya d'une voix taquine.

— Il a merdé avec son mec, répond Dimash.

— C'est pas mon mec... proteste faiblement Otabek.

— Ah, Yuri ?

— Ouais, dit Dimash. Il lui a avoué son vilain secret un peu trop tard.

Smoke RingsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant