2015 – Île de Melita – État du Montana
Bien que soulagé d'avoir retrouvé l'intimité de ma chambre, cela faisait deux heures que je me tournais et me retournais dans mon lit.
Et direque j'avais failli le céder à l'un des Quatre Mousquetaires au profit du canapé ! Heureusement pour moi, quand j'avais quitté le groupe, ils avaient tous l'intention de poursuivre la soirée et Tom avait annoncé qu'il y dormirait volontiers à ma place. « Moins de marches à monter, moins dangereux. » C'étaient ses mots, pas les miens, mais ils donnaient le ton. Je n'avais pas discuté, trop heureux.
J'en étais là, couché sur le dos, un bras derrière la tête. Je venais de renoncer à m'endormir, préférant regarder les premières lueurs de l'aube poindre à l'horizon, colorant l'eau de mille éclats rouges, roses et orangés.
Mon cerveau bouillonnait. Il refusait d'oublier le défi lancé par Greyson. Je détestais ce genre de provocations, d'autant plus lorsqu'elles étaient prononcées devant d'aussi nombreux spectateurs... Tous prêts à me railler pour un rien, à l'affût d'un faux pas qui m'amènerait à être un peu moins intouchable, alors que je veillais à l'être.
Greyson avait-il conscience de ce qu'il avait éveillé ? Pouvait-il réaliser à quel point la proposition avait pu me paraître séduisante ? Je ne pensais pas. L'alcool avait parlé pour lui, j'en étais persuadé. Pourtant, je ne lui avais jamais caché qu'il me plaisait. Souvent, au cours de discussions légères, je distribuais de clairs indices à ce sujet. Il les ignorait toujours avec application ce qui rendait notre amitié facile à vivre. Il pardonnait toujours mes moments d'égarements, au même titre que je ne réprouvais que peu sa collection de conquêtes.
Mais ce soir, quelque chose résonnait différemment en moi. Un détail sur lequel je ne parvenais pas à mettre le doigt et qui m'empêchait de rester sourd à cet encouragement qu'il m'avait lancé.
Pendant que je réfléchissais, le temps, lui, filait. À présent, la luminosité était telle que je voyais le contour de chacun de mes meubles. Suffisante donc, pour que je puisse le rejoindre sans avoir besoin d'allumer la moindre ampoule. Un sourire carnassier étira mes lèvres alors que je m'imaginais longer le couloir en partance pour sa chambre, m'y faufiler et que, sans lui laisser l'occasion de fuir, je me glissais contre lui.
Meurtri par l'assaut de mes fantasmes, je craquai. Je rejetai mon drap et m'assis au bord du lit. Les coudes sur les cuisses, je pris mon visage dans mes mains et frottai mes yeux avec mes paumes. J'espérais que ce geste pourrait m'éclaircir les idées, m'amener à renoncer à cette obsession qui me contrôlait depuis que je m'étais replié dans ma chambre. Mais non, ce ne fut pas suffisant et mes jambes se dressèrent et se mirent en branle, en pilotage automatique. En toute honnêteté, j'avais tellement pensé ce trajet jusqu'à lui que j'aurais même pu le faire à l'aveugle et en marche arrière...
Pourtant, rien ne se passa à l'image de ce qui était prévu. Si je gagnai sa chambre sans encombre, la suite différa de ce que j'avais pu planifier.
Il était étendu à plat ventre, l'avant-bras sous l'oreiller, une jambe ouverte vers l'extérieur du lit, le genou plié. Le drap, que ses mouvements nocturnes avaient chassé, ne le couvrait plus que de mi-dos à mi-cuisse. Le jour naissant baignait son profil de lumière et le spectacle me captiva. Je fus dans l'incapacité d'agir plusieurs minutes durant. Il semblait si vulnérable...
Tous les traits de son visage étaient détendus, dévoilant sa facette la plus vraie, la plus belle. Chacun de ses muscles se dessinait dans la pénombre. Le relief marbrait sa peau de zones d'ombre, lui conférant des allures de statue grecque. Je soupirai bruyamment. Trop bruyamment. Presque les prémices d'un gémissement sourd.
Il ne dormait pas aussi profondément que je l'avais cru, puisque le son le fit réagir. Il se dressa sur un bras, pivota sur le côté, et chercha la porte des yeux. Lorsqu'il m'y surprit, adossé et silencieux, il se tourna sur le dos et se positionna en appui sur ses coudes. Il m'observa un moment, s'octroyant le temps d'émerger et de réaliser que je me trouvais vraiment là.
Ses cheveux, pour une fois loin d'être ordonnés, me donnaient envie d'y glisser mes doigts. Je ne fis rien. Je me contentai de laisser nos regards se capturer, se fouiller, se provoquer, s'accepter, s'inviter...
Le silence était si lourd, si tendu, que je sursautai quand il finit par prendre la parole. Sa voix était sourde et... rauque ?
— Tu es venu réclamer ta raclée ? demanda-t-il, toujours immobile.
— Plutôt te la mettre, répliquai-je en avançant vers le lit où je posai un genou.
De plus près, j'admirai dans ses prunelles la lueur de surprise que fit naître cette réponse à double sens et presque trop crue. Puis, comme il ne semblait pas me repousser, mes mains rejoignirent ma jambe sur le matelas. Doucement, mouvement lent après mouvement lent, je rampai jusqu'à Greyson, lui offrant, minute après minute, une chance de m'échapper...
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La Prunelle de mes yeux
Romance« - Si ça se termine sur ces mots, il y a de fortes chances que ce soient les derniers. » Greyson et Riley, deux trentenaires, partagent une amitié fusionnelle depuis le lycée. Greyson est exubérant et collectionne les conquêtes. Riley, plus discret...