Chapitre 5 - Greyson

50 4 0
                                    

VOCABULAIRE :
Seattleites : Habitants de Seattle.
Becher : Petit récipient servant en chimie.
Sorbonne : Hotte de laboratoire ventilée.
Paillasse : Plan de travail d'un laboratoire.
Pissette : Récipient de laboratoire, muni d'un bouchon laissant passer un tube recourbé, contenant généralement de l'eau pouvant être évacuée sous forme de jet.
Exothermique : Qui dégage de la chaleur.
Kératite : Inflammation de l'œil et en particulier de la cornée.


2015 - Seattle - État de Washington

La sonnerie stridente de mon téléphone portable résonna. Elle eut au moins le mérite de me ramener à l'instant présent. Je repoussai les pages noircies de formules chimiques sur lesquelles je travaillais jusqu'alors, absorbé au point de ne pas me rendre compte de l'heure qui défilait. Dans la foulée, je décrochai et me rejetai au fond de ma chaise de bureau montée sur roulettes. Elle glissa d'ailleurs vers l'arrière, entraînée par la force de mon mouvement.

- Jackson, le saluai-je, portant l'appareil à mon oreille. Que me vaut ce plaisir ?

- Tu m'as oublié... Cet idiot m'a oublié, répéta-t-il d'une voix un peu plus étouffée, comme s'il couvrait le micro avec un de ses doigts.

Pensant pour la première fois à consulter ma montre depuis... depuis plusieurs heures, je m'excusai :

- Je n'ai pas vu la matinée passer, je suis désolé. Tu es toujours au Sunrise ?

- Je veux, oui ! s'exclama-t-il de nouveau nettement. Et si tu ne rappliques pas maintenant pour honorer notre déjeuner, il y a de fortes chances pour que ce soit moi qui reparte avec la serveuse. Elle est déjà sous mon charme, c'est évident.

Un rire féminin me parvint, semblant confirmer ses dires.

- Je fais au plus vite, juste le temps de trouver un taxi.

- Un taxi ? Prends plutôt le tramway, c'est plus rapide, grogna-t-il. J'ai faim. Grouille, mec !

Retirant ma blouse blanche - de scientifique fou, m'aurait charrié Riley -, j'enfilai prestement ma veste de costume, retenant comme je pouvais le téléphone contre mon oreille à l'aide de la pointe de mon épaule.

- Je suis en route. Je raccroche !

Et, sans l'autoriser à répliquer, je m'exécutai tout en sortant de mon bureau. Je remarquai au passage que la plupart de mes collègues étaient absents. J'étais l'étourdi en chef de cette firme. À moins que je sois plutôt le seul vrai passionné ?

D'ailleurs, puisque je réalisais mes oublis, Jackson n'était pas l'unique personne à qui j'avais fait faux bond. Je devais aussi un coup de fil à Riley, notre routine chaque midi lorsqu'il était en déplacement. Il me fallut attendre la fin de ma descente en ascenseur et ma traversée du hall des Laboratoires GenChemistry pour retrouver un réseau suffisant et l'appeler. Je lançai donc la communication et entendis la tonalité. Il décrocha juste avant que je bascule sur la boîte vocale.

- Connor.

À sa façon concise et impersonnelle de s'annoncer, j'appris qu'il était soit en pleine réunion de travail, soit qu'il en sortait tout juste et n'avait pas encore retiré sa casquette sérieuse de jeune chef d'entreprise.

- Tu peux parler ? demandai-je, murmurant pour que son entourage - s'il en avait un - ne puisse pas saisir le moindre indice sur l'identité de l'appelant.

Un silence me répondit. Je crus d'abord qu'il avait coupé le micro, le temps de s'excuser auprès de ses collaborateurs. Puis, je distinguai le bruit d'une porte qui coulissait. Deux fois. Probablement dans un sens et dans l'autre.

La Prunelle de mes yeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant