Le bruit des aiguilles qui rentrent dans ma peau. Le bourdonnement de la machine. Je ne sais pas depuis combien de temps, je suis allongée là. Mon corps tremble sous l'effet de la douleur. La fin approche. Après ce tatouage, je m'en vais...
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Plusieurs semaines s'étaient passées. J'avais enfin coupé définitivement les ponts avec ce qui m'avait servi de mec autrefois et j'avais démissionné de mon boulot. Certains diront que j'ai « pété un câble ». Pourtant, moi, c'est la première fois depuis qu'il est parti que je me sens libre et sûre de moi. Je me suis réveillé le lendemain de ma première lettre et rien n'avait changé. Tous les jours qui ont suivi étaient identiques : mornes, déprimants, vide de sens. Mon travail, qui autrefois me permettait de tenir, ne suffisait plus. Un soir, j'ai avalé plusieurs somnifères. Je voulais juste dormir longtemps. Quelques jours peut-être. Mais ça n'a pas eu l'effet escompté. Je me suis juste réveillée super tard le lendemain avec une sacrée tête dans le cul. Je ne sais pas pourquoi, mais, ce n'est qu'à partir de ce moment-là où j'ai vraiment compris qu'il fallait que je réagisse. Et peut-être aussi parce que ce même jour quand mon Bluetooth s'est désactivé dans la voiture, la chanson qui passait à la radio, c'était sa chanson préférée :
« She said there is no reason
And the truth is plain to see
But I wandered through my playing cards
And would not let her be »J'ai eu envie de croire au destin, comme le jour où un faisan a traversé la route devant moi et où j'ai pleuré parce que j'avais envie de croire en la réincarnation ce jour-là. Il y a des jours où je décide de croire en n'importe quoi juste parce que ça me fait du bien.
J'ai entendu cette chanson en allant travailler et j'ai décidé de faire demi-tour. J'ai appelé mon collège, je leur ai dit que leurs gamins n'auraient plus de prof de français dorénavant, que j'avais décidé de plier bagage et surtout d'arrêter ce métier qui me plaisait finalement autant que de bouffer des épinards et du poisson tous les vendredis à la cantine.
Je ne suis pas rentrée directement chez moi. Nous avons été mangés une part de carrot cake mon nouvel ami changement et moi-même. J'ai sorti un carnet et un stylo et j'ai commencé à faire une liste tout en déversant des miettes de gâteau partout et en l'arrosant de thé matcha coco.
Elle ressemblait à ça après quelques heures d'introspection intense :— Chanter dans un bar
— Faire un tour en montgolfière
— Aller dans un vieux cinéma et voir tous les films en un après-midi
— Sauter en parachute
— Dormir sur le sable un soir de pleine lune
— Voir des baleines
— Lire des livres pour le plaisir
— Allez voir Stéphane en concert (entre autres)
— Retourner danser dans une boîte de nuit jusqu'à l'aube
— Courir un semi-marathon
— Trouver un nouveau job (que j'aime) pour pouvoir faire cette liste et pour que je n'aie pas à ne dormir que sur le sableJe regardais cette liste, satisfaite et amusée. Je cours aussi bien que la tortue dans la fable de De La Fontaine, je n'ai plus jamais osé chanter devant qui que ce soit après la soirée d'anniversaire de mamie quand j'avais douze ans et j'ai autant de courage que La Binocle dans les Razmokets. Bon, le reste me semblait réalisable, alors pourquoi pas après tout ? Je venais quand même de tout plaquer sur un coup de tête, je pouvais bien trouver le courage de faire chaque chose de cette liste quand même. Et il fallait commencer par la dernière de la liste : trouver un nouveau job. Je décidais de parcourir les annonces en ligne sans vraiment savoir ce que j'avais envie de faire là maintenant. De toute façon, c'était juste un travail en attendant... En attendant quoi ? Je ne sais pas vraiment, mais c'est ce que je me disais.
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Ramène-Moi Là Où Tout A Commencé
Fiksi UmumIl y a des voyages plus difficiles que d'autres à entreprendre et qui pourtant sont ceux qui peuvent faire basculer une vie. C'est l'histoire d'Havannah. Elle est jeune et pourtant elle a l'impression que sa vie est déjà terminée. Ses fissures semb...