WRONG

Chapitre 14

Lorsque j'ai eu huit ans, j'ai poussé une petite fille qui s'est moquée de moi dans les escaliers. Elle est partie à l'hôpital par ma faute. Lorsque j'ai eu quatorze ans, j'ai voulu me suicider. Lorsque j'ai eu seize ans, j'ai fait le mur et mes parents ont appelé la police pour me retrouver. Lorsque j'ai eu dix-huit ans, j'ai trompé mon premier petit copain en embrassant un type - que je n'ai jamais revu- à une soirée.

Des bêtises, je n'en suis pas à mes débuts. Toute ma vie, j'ai commis des actes irréparables qui n'ont fait que de se succéder sans grande conséquence. A vingt-quatre ans, j'ai couché avec l'amour de la vie de ma meilleure amie. Et j'ai aimé ça. Et je crois que cela n'était pas une erreur, pas pour moi. Pourtant, cela reste la chose la plus odieuse que je n'ai jamais commis. Le genre d'acte qui me donne envie de vomir dès que j'y repense.

Le lendemain matin, j'ouvre les yeux la première. Logan est blotti contre moi sous la couette. Il dort à poing fermés. Son corps chaud entoure tendrement ma taille, tel un enfant serrant son nounours. Paniquée, je me dégage rapidement de son emprise. Je ne peux pas être présente quand il se réveillera. Il prendra trop vite conscience de notre erreur. C'est idiot, mais...je ne veux pas qu'il se sente encore plus mal qu'il ne se sente déjà à cause de la mort de son père. Je l'observe durant de longues secondes avant de me lever : il est magnifique quand il dort. Son odeur emplit la chambre, ce qui est rassurant mais à la fois terrifiant. Je n'ai qu'une envie, c'est de l'embrasser une dernière fois pour graver notre nuit dans ma mémoire à tout jamais. C'est si horrible de ressentir une sensation aussi délicieuse que d'avoir trouvé sa place auprès d'un homme qui ne pourra jamais être à soi.

Très vite, je m'habille. J'enfile n'importe quel vêtement sur lequel je tombe pour pouvoir m'enfuir d'ici. En refermant la porte, je respire un grand bol d'air. J'ai quitté la chambre. Le rêve est fini. Tout est fini.

Je n'ai plus qu'à regretter encore et encore ce que j'ai fait. A tout jamais.

*

– Dis, t'en fais une tête ! me lance Maya ce midi à la pause déjeuner.

– Un peu fatiguée...

L'excuse de la fatigue fonctionne à chaque fois. En revanche celle du "j'ai couché avec le copain de ma meilleure amie" ne doit pas faire succès. C'est pourquoi je ne la tente pas. Je veux que cette nuit ne refasse jamais surface. Si Lily l'apprend...je la perdrais. Je ne veux pas la perdre, ah ça non. Elle est tout ce que j'ai.

– Tu es sûre ? Des problèmes avec monsieur le patron ?

– Monsieur le patron ? répété-je sans comprendre.

– Ton ex-patron ! Ton copain !

– Ah ! Ah oui ! Non, pas de problème tout se passe bien avec Cal...

Lorsque son prénom franchit mes lèvres, je manque de tomber à la renverse de ma chaise, prenant conscience de l'existence de mon petit-ami. Mon dieu Cal. Hier encore, il me parlait de faire l'amour avec lui lorsque je serai prête. Le soir même, je l'ai fait avec un autre homme. J'ai trompé Lily, mais j'ai aussi trompé Cal. Cal, qui tient de tout son cœur à moi. Que faire maintenant ? Qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire ? Sur mon bureau, je me passe les mains sur le visage : un geste de désespoir qui ne trompe pas Maya.

– C'est à cause du père de ton ami qui est mort ?

– En quelque sorte...

Si seulement tout pouvait se résumer à cela...Le boulot m'a donnée une occasion de m'échapper ce matin. Ce soir, il va falloir affronter mes deux colocataires. J'ignore lequel j'ai le plus envie de voir : mentir à Lily ou lutter contre l'effet que me procure Logan. Argh, Logan. Pourquoi quand je pense à son fichu prénom je commence à sourire comme une idiote ? Je me hais. Je le hais aussi, avec ses sourires à la con, ses mimiques, ses mains douces et son regard de braise. Je le hais tellement que je n'ai qu'une envie : le rejoindre pour l'embrasser encore une fois.