Non Conforme

Les relations

Différence amitié / amour

Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours ressenti un certain inconfort à faire la différence entre l'amitié et l'amour. De ma perception, les barrières censées séparer ces deux concepts ne sont pas aussi imperméables que la société nous le murmure.

En effet, il arrive souvent qu'on puisse ressentir du désir pour des personnes de notre entourage sans pourtant être en relation amoureuse avec elles. Et inversement, nos sentiments de désirs peuvent également évoluer, augmenter ou diminuer vis-à-vis d'une personne que l'on considère comme notre amour.

De ce fait, je perçois l'amour et l'amitié comme un spectre fluide sur lequel on est libre de définir ou non chacune de nos relations à un instant de notre vie. Je dis "définir ou non", car on peut tout à fait se poser la question si cela fait sens de définir systématiquement les relations dans lesquelles nous évoluons.

Le sens de définir

J'aime bien me demander pourquoi je fais les choses, pourquoi je perçois les choses de telle ou telle manière, et ce qui me pousse à penser d'une certaine manière, et pas d'une autre. Cela peut-être des réflexions énergivores, mais si elles sont amenées à terme, elles peuvent m'apporter beaucoup de sérénité et de nouvelles clés de compréhension. Jusqu'à ce que je recommence ce processus.

Oui, je pense beaucoup. Je dirais même que cela peut parfois être handicapant dans certains domaines de ma vie, comme par le passé dans mes relations. D'où la réflexion que je me suis faite sur le sens de définir mes liens aux autres selon des critères dictés par mon environnement.

Je me suis rendu compte que ce besoin de catégoriser et définir nos relations est entretenu par le besoin de partage avec notre entourage. Nous avons besoin de mots pour expliquer aux autres les liens que nous entretenons avec nos proches. Mais tout comme le genre, je suis persuadée que je n'aurai pas eu besoin à ce point d'un vocabulaire spécifique sur mes relations si je n'avais pas eu besoin de communiquer avec autrui.

J'ai pu heureusement construire une perception de mes relations avec laquelle je suis en adéquation, en découvrant le concept d'anarchie relationnelle.

Comment percevoir autrement ?

L'anarchie relationnelle, c'est le fait de ne pas hiérarchiser ses relations. Je pourrai m'arrêter là, car le principe de base n'est pas plus complexe que cela. Cependant, je souhaite tout de même développer la manière dont je vis ce concept et ce qu'il implique dans ma vie relationnelle.

Depuis que j'ai commencé à voir mes relations avec les lunettes de l'anarchie relationnelle, je n'ai plus ressenti le besoin de catégoriser mes relations en fonction d'où je les place sur le spectre amitié / amour. Ces deux notions ont perdu de leur intérêt, car à mon sens, je préfère définir une relation par les interactions qui ont lieu ainsi que les besoins que j'ai en lien avec la personne.

Par exemple, avec une personne de ma vie, j'adore faire des activités créatives côte à côte, et j'ai envie d'habiter avec lui ainsi que d'avoir un chien. En définissant ma relation de cette manière, je me détache de l'injonction à placer cette personne dans une catégorie fixe, et je me laisse la liberté de redéfinir ces termes à tout moment de la relation si nos envies et besoins respectifs étaient amenés à changer.

En parallèle, l'anarchie relationnelle a eu comme effet de me laisser beaucoup plus de place à l'expression de mes besoins et à l'acception des changements de ceux-ci au fil du temps. Je ne vis plus les ruptures comme une redéfinition de hiérarchie entre mes proches, mais plutôt comme un changement de besoins et d'envie d'engagement à un moment de ma vie avec telle ou telle personne.

Il est tout à fait logique de ne pas conserver les mêmes liens avec tout le monde au fil du temps, que d'autres liens se créent au fur et à mesure que nous évoluons, quand bien même la société nous fait croire à des sentiments romantiques très intenses et inchangés avec une seule personne, toute sa vie.

Cette injonction est encore bien encrée d'ailleurs et peu questionnée par mon entourage. Je pense que la raison est que son abolition remet profondément le système monogame en question dans les rapports de couple, en touchant aux concepts d'exclusivité et de jalousie.

De multiples modèles relationnels

Le modèle romantique exclusif est très présent dans notre système sociétal. Il peut convenir pour beaucoup de personnes, mais certaines personnes, dont moi, se sont retrouvées face à une perte de sens et ont dû rebondir sur de nouveaux concepts afin de mener une vie relationnelle plus épanouie.

Je vais parler principalement du polyamour, car c'est le modèle relationnel dans lequel j'évolue depuis maintenant plus de deux ans. Mais sachez qu'il existe d'autres modèles qui varient en fonction des besoins de chacun.x.e.s.

Le polyamour est le fait de pouvoir relationner de manière amoureuse et/ou sexuelle avec plus d'une personne en même temps, avec le consentement de toutes les parties. La notion de consentement et de communication est au centre du polyamour.

D'une part, ce modèle relationnel m'a permis de ne plus projeter toutes mes attentes sur une seule personne en attendant qu'elle puisse répondre à chacun de mes besoins. Chacun.x.e de mes partenaires me soutient à sa manière et la multiplicité des façons de faire est une grande source de richesse émotionnelle pour moi.

D'autre part, j'ai pris conscience de mes besoins de solitude et de ressourcement, et j'exprime de manière plus adéquate mes émotions

Dans tous les cas, ce n'est pas temps le modèle relationnel qui importe, mais la conscientisation des injonctions liées au modèle exclusif, l'analyse de ses besoins propres ainsi que la communication dans toute relation humaine.

En effet, la transparence, l'honnêteté et la sincérité sont les gages d'une relation saine et épanouie.

La famille, les liens de sang

La dernière injonction qui complète le tour des pressions relationnelles que je ressens fortement dans notre société est l'injonction à considérer les liens de sang par-dessus toutes les autres relations.

J'ai mis beaucoup de temps à prendre mes distances avec une partie de ma famille qui pesait du mauvais côté de la balance par rapport à mes émotions. Je continuai à aller à toutes les fêtes de famille pour faire plaisir aux personnes qui comptaient, mais je ne ressentais pas ce lien fort du sang, ni avec les personnes éloignées ni avec les personnes proches.

Je me suis beaucoup questionnée sur ces liens de sang qu'on croit solides et à l'épreuve des balles. Je ne me sentais pas en adéquation, ni avec la puissance et l'importance présumées de ces liens, ni avec l'appartenance à ma famille de manière générale. Je percevais un décalage de valeurs avec elleux, et en divorçant, j'ai même conservé le nom de famille que j'avais changé en me mariant, cela dans le but de marquer davantage la distance avec les liens du sang. Alors, j'ai pu me rapprocher à nouveau de certaines personnes, mais avec parcimonie.

Depuis deux ans, j'ai aussi réfléchi différemment à comment je percevais l'avenir par rapport à l'enfantement. Il faut savoir déjà qu'en tant que personne transgenre sous hormonothérapie, je suis stérile, et j'ai donc déjà questionné les liens biologiques que l'on peut avoir avec son enfant. À mon avis, cela ne fait pas sens de faire une différence entre un enfant adopté ou biologique, dans l'idée qu'élever un enfant est avant tout un acte sociopédagogique et n'a rien à voir avec la biologie.

Je m'étais quand même dit à ce moment que je souhaiterai peut-être enfanter, mais actuellement, j'exprime fièrement mon besoin d'espace et de temps, et un enfant (ou plusieurs) ne rentre pas dans ce projet que j'ai de cultiver ma liberté et mon temps avec mes partenaires. Je préfère me détacher de cette pression à l'enfantement, qui reste une possibilité de vie pour qui le souhaite sincèrement.