L'humaine de la ventilation, El, était rentrée de sa nuit. Korman l'avait entendu ramper jusqu'à sa place habituelle, puis il l'avait entendue tourner plusieurs fois. Elle ne trouvait pas le sommeil.
Lui non plus, au demeurant. Il avait été inquiet toute la nuit de la savoir affamée alors qu'elle était déjà faible. Tout en elle criait au secours, sa maigreur, son teint trop pâle, ses yeux creusés de noir. Mais elle n'avait pas voulu de son aide. Il espérait qu'elle ait accepté celle de Keren. Il finit par se lever ; Cela ne servait à rien de rester au lit à ruminer. Il enfila sous-vêtement et pantalon et se rendit compte qu'en dessous, l'odeur de l'humaine avait changé. Elle dégageait une senteur de peur très forte, qui lui piqua le nez. Il l'entendit respirer anormalement vite. Quand il l'appela, elle ne répondit pas. Elle se mit à gémir.Alors, inquiet, il se décida à faire ce qu'il n'avait jamais fait. Il ouvrir la grille de ventilation en espérant qu'El ne soit pas trop loin. Il tâtonna, et quand il toucha enfin l'humaine du doigt, elle cria. Il trouva des cheveux, puis ce qu'il supposa être un poignet se logea dans sa main. Il la tira vers lui et la prit dans ses bras. Elle faisait une crise d'angoisse.
Il la ramena sur le lit avec lui, la gardant contre son torse, en sécurité. Il lui murmura des mots de réconfort. Il lui caressa les cheveux. Il se sentait désemparé. Elle n'était pas blessée, mais elle n'était manifestement plus très consciente de la réalité. Il savait qu'elle ne voudrait pas aller à l'infirmerie. Après son enlèvement par les esclavagistes, elle avait une peur panique des médecins. Elle avait une peur panique de tout le monde. Même de lui apparemment. Il ne pouvait pas la laisser comme ça. Alors s'il ne pouvait l'emmener à l'infirmerie, il ferait venir le médecin. Il l'enroula dans son drap, pour qu'elle ne se fasse pas mal, pour s'éloigna dans la salle de bain avec son communicateur. Il garda la porte entrouverte pour la surveiller. Elle ne hurlait plus mais il l'entendait gémir et pleurer. Elle peinait à respirer.
- Ouais ?
Thoran, le médecin qui s'occupait de lui avait mit longtemps à décrocher. Il l'avait réveillé et ne semblait pas de bonne humeur. Korman joua la carte de la franchise. S'il voulait être aidé, il ne pouvait pas mentir. Le visage de Thoran se décomposa à mesure qu'il parla.
- Je comprends. J'arrive. Ne la laisse pas seule. Si elle reprend contact avec la réalité, essaye de ne pas l'effrayer. Explique-lui ce qui s'est passé, et que je viens.
Il commença à se détourner pour éteindre le communicateur mais se ravisa.
- Et habille-toi, au lieu de parader comme un tarnag en rut.
Korman soupira. Effectivement, il était encore torse-nu. Il s'en voulait de ne pas y avoir pensé. Elle avait été violée durant sa captivité, et le voir à moitié à poil n'avait pas dû apaiser sa terreur. Il se demanda où était passé son cerveau. Réfléchir c'était son truc pourtant, sinon il ne ferait pas parti des services de renseignement. Il enfila une tunique sans la quitter des yeux. Il remarqua alors que, même si elle lui tournait le dos, elle réagissait quand il faisait du bruit. Elle était consciente de sa présence, à défaut d'avoir conscience des lieux. Alors il se remit à lui parler, doucement. Il fournit des efforts pour moduler sa voix, pour la garder basse, alors qu'il avait juste envie de hurler. Il sentait la haine monter pour ces esclavagistes, et pour les espèces d'enfoirés qui ne jugeaient la valeur de la vie que par le pouvoir. Qui se permettaient de briser des vies juste pour leur plaisir. Il dit à El combien elle était en sécurité. Il essayait de la convaincre qu'il ne lui ferait pas de mal. Il ne pouvait pas lui dire que plus jamais cela n'arriverait, ce serait mentir. On ne sait jamais de quoi demain sera fait. Mais pour l'heure, il lui décrivait ou elle se trouvait. Qui il était. Il n'aimait pas parler de lui, mais il se dit que peut-être, si elle le connaissait mieux, El n'aurait plus peur de lui. Il lui rappela son travail sur le pont d'envol. Il évoqua les mécaniciens. Il connaissait bien l'équipe de nuit pour avoir souvent travaillé avec eux. Il lui demanda si elle souhaitait qu'il les appelle mais elle ne réagit pas. Un grattement léger se fit entendre à la porte.
Thoran entra. Korman trouva étrange le comportement du médecin.
- Bonjour, je m'appelle Thoran, je suis le mari de Lalie. Est-ce que tu m'entends ? Est-ce que tu me comprends ?
La fille s'était recroquevillée encore un peu plus quand Thoran était entrée, mais elle ne donnait pas signe de compréhension.
- Je vais toucher ton bras. J'ai les mains froides. Et ensuite tu dormiras. Tu te réveilleras dans ta chambre, en sécurité.
Korman ne put s'empêcher d'intervenir.
- Elle ne se sent pas en sécurité dans sa chambre.
Thoran le regarda de travers. Il n'envisageait pas qu'on ne se sente pas en sécurité chez soi. Mais la fille n'était pas chez elle. S'y sentirait-elle en sécurité d'ailleurs ? Certaines humaines avaient été enlevées dans leurs maisons, dans leur propre lit. Korman soupira.
- Elle dort dans la ventilation, sous ma cabine depuis au moins deux mois.
- Elle ne peut pas rester ici, tu n'es pas accouplé, et tu n'es pas son compagnon.
- Emmène là dans le hangar de réparation. Je vais demander à Clotare de lui trouver une place.
Elizabeth
Elle se réveilla complètement dans les vapes, comme après une sieste un après-midi d'été lorsqu'on a soudain trop chaud. D'ailleurs, elle bouillait sous la couverture qu'elle tenta de rejeter, en vain. Elle ne fit que s'empêtrer dedans encore un peu plus. Déshydratée, désorientée, incapable de se sortir de là, elle se mit à pleurer de rage. Elle était épuisée. Elizabeth ne se souvenait pas s'être endormie. Ni où, ni quand. La panique la gagna. Elle fut surprise de voir Keren venir à son secours. Sans un mot, il dénoua la couverture avec des gestes brusques. Il lui approcha un plateau roulant avec de la nourriture et quitta la pièce presqu'en claquant la porte. Elle ne comprenait pas et sentit la tristesse l'écraser. Les larmes se mirent à couler de nouveau. Regardant autour d'elle, elle constata qu'elle était dans uns des ateliers qui se trouvait au fond des hangars. Les gars avaient poussé le matériel pour lui faire de la place. Quelle heure était-il ? Elle appuya sur le bracelet interactif qu'elle portait. Bordel ! Il était déjà si tard ? Presque la fin de la nuit ! Qu'est-ce qu'il s'était passé ?
Elle se souvenait de la cafétéria, Keren qui l'avait sermonnée de ne pas avoir mangé. Elle avait fait son quart de travail, et elle pensait être rentrée dans son trou, au fond du tuyau. S'était-elle évanouie en cours de route ? Avait-elle-même quitté le hangar ? Cela expliquerait la fureur de Keren. Mais il avait promis de l'amener à l'infirmerie, et elle n'y était pas. Ca ne collait pas.La nourriture lui infligea des sentiments partagés. Elle avait vraiment faim, mais l'idée de porter quelque chose de solide à sa bouche lui donnait la nausée. Elle opta pour une gorgée de la boisson rose-orange. Elle l'avait déjà pris, elle savait que c'était assez sucré pour rendre diabétique. Que n'aurait-elle donné pour un coca-glaçons ?
Elizabeth sursauta quand on frappa à la porte. Clotare entra. Il croisa les bras sur sa poitrine, menaçant. Il la toisait de toute sa hauteur. Elle se mit à trembler.
- Je ne sais pas par quoi commencer, El. Je suis furieux. Les gars sont furieux. Et toi tu es malade, mais tu ne laisses personne t'aider. Je n'aime pas avoir recours au chantage, mais si tu ne te soigne pas, je ne t'autoriserais plus à toucher aux navettes. Tu risques de commettre des erreurs, et ici on n'y a pas le droit. Une erreur peut coûter la vie à quelqu'un. Celle des autres, ou la tienne.
Elizabeth sentait les larmes couler sur ses joues. Il avait raison, mais elle n'y arrivait pas. Elle ne voyait pas de solution. Et si elle ne travaillait pas, elle savait qu'elle deviendrait folle. Ses cauchemars la tourmentaient de nuit comme de jour. Clotare frappa à la porte qui s'ouvrit presque immédiatement sur un Taraxien qu'elle ne connaissait pas. La terreur monta en elle. Elle était coincée avec deux mâles dans une petite pièce de rien du tout. Elle n'avait aucun moyen de s'échapper. Elle allait mourir. Elle ferma les yeux.
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La station Taraxienne
Science Fiction"Romance extraterrestre" revue et corrigée par mes soins. La Terre a été découverte récemment par des extra-terrestres, qui y ont vu un vivier d'esclaves à piller avant que les divers empires galactiques ne placent la planète sous protection. Les T...