Article 1: Toute personne s'opposant aux lois suivantes sera considérée comme hors-la-loi et sera exécutée. Toute action jugée perturbatrice par le nouveau gouvernement sera considérée comme crime contre l'humanité et l'initiateur sera exécuté.
J'ouvre les yeux en silence et je reprends mes esprits. Rêver de la capture de ma mère est toujours quelque chose de difficile, malgré les dix années passées. Je me lève et regarde par le hublot. Observer les étoiles me calme. Toutes ces couleurs et ces lumières, c'est apaisant. Chaque matin je me réveille avec un nouveau paysage sous les yeux, c'est l'avantage d'être nomade. Je détache mes pupilles de cette immensité sombre et j'enfile une fine combinaison pour sortir. Après avoir traversé le couloir à l'aspect lugubre d'un hôpital désaffecté, je monte un à un les barreaux de l'échelle et je ferme le sas de décompression. Je mets mon casque et j'attache la ligne de vie à mon mousqueton de sécurité. Après quelques secondes d'attente je peux ouvrir la trappe. Je m'élève dans les airs et la sensation de flottement me prend jusque dans les tripes. Les livres disent que l'espace ressemble fortement aux profondeurs des océans. Le silence, l'apesanteur et l'absence de lumière... Il paraît que la station près de Kepler-62f s'est reconvertie en station balnéaire et que la HRSC a tenté une reconstitution d'un lac de montagne.
Je me vide l'esprit et je respire un grand coup l'air de ma bombonne d'oxygène. Des milliers et des milliers d'étoiles scintillent, semblables à des paillettes reflétant la lumière d'un astre. D'un coup de pied sur le rebord du ponton, je m'élève encore plus haut, bien au-dessus du vaisseau, m'imaginant toucher les étoiles. Je me retrouve totalement seul, perdue dans les abysses de l'espace. Comment décrire cette sensation ? Je me sens bien. Je suis libre et défaite du joug de la HRSC.
Quelque chose me tire d'un petit coup à la hanche et me ramène à la réalité. C'est ma ligne de vie qui est à présent tendue. Le vaisseau a continué sans m'attendre... Un petit grésillement se fait entendre sur ma radio portative.
" Léonades, ne laisse pas ta ligne de vie te traîner, tu vas finir par abîmer le matériel."
Je me détache de ma contemplation et me tourne vers le vaisseau.
" Léo ?"
J'appuie sur le petit bouton carré situé au niveau de ma poitrine et réponds :
" Bien reçu papa, j'arrive."
Je me propulse avec mes bras et mes jambes dans un mouvement que mon père appelle "la brasse". Je pose les pieds sur le métal dur et je retourne dans le sas. Une fois la pièce pressurisée, je peux enlever mon casque et mes cheveux blonds délavés tombent sur mes épaules. Je glisse le long de l'échelle et je rejoins la salle de commande, où je retrouve mon père et Léandros. Celui-ci me sourit et m'embrasse pour me dire bonjour. Léandros est avec moi depuis trois mois. J'avais perdu espoir de trouver quelqu'un depuis longtemps, l'équipage de mon père étant entièrement constitué de vieux pirates rabougris.
- Encore perdue dans ses pensées ? me demande-t-il.
Je souris et hoche la tête. C'est lui qui est tout le temps ailleurs normalement. Je suis souvent obligé de lui taper sur l'épaule pour le ramener à la réalité. Il ne me dit jamais à quoi il réfléchit mais j'aime imaginer qu'il pense à moi. Mon père interrompt ma réflexion :
- Nous approchons de la douane, il faut se préparer.
J'acquiesce et je pars réveiller les lève-tard de l'équipage. Je commence par Wallace, que l'on pourrait définir comme le "second" de mon père. Je lui tapote gentiment l'épaule. Il sursaute et crie :
"Oui mon Capitaine ! Quels trésors allons-nous piller aujourd'hui ?"
Wallace aime beaucoup les pirates, comme mon père et moi en fait. Malheureusement, l'espace est dépourvu d'or et de pierreries.
- Mon père t'attend pour un passage de douane ! dis-je avec un air faussement enjoué.
Il plisse les yeux et me répond d'un air déçu :
- Ah, la douane... Préviens Elyzio que j'arrive.
La douane n'est pas vraiment un moment très agréable pour nous. Cela nous rappelle que nous ne sommes pas acceptés par la société. Que nous sommes des pestiférés. Mais ce que mon père redoute surtout c'est d'avoir recours à la violence. Certains douaniers pourraient prévenir la milice alors nous sommes obligés de faire quelque chose...
Nous ne pouvons pas passer à côté de ce moment. Nous ne pouvons pas éviter la douane. L'espace est comme du papier millimétré. Nous ne pouvons pas aller n'importe où. Une seule erreur de calcul et nous pourrions finir dans un trou noir. Cela ne nous est encore jamais arrivé, et nous prions pour que ça reste ainsi.
Malgré tout, nous ne pouvons pas rester immobiles, se serait comme appeler la milice pour dévoiler notre position.
Je sors de sa chambre pour le laisser se préparer. Ce n'est pas la peine de prévenir mon père, il sait très bien que Wallace arrive. Je vais frapper à chaque porte pour réveiller les traînards. C'est la même routine tous les jours. Je m'ennuie quelquefois. Et puis je sors dans l'espace et je me dis que cela n'a pas de prix. Je pourrais rester toute ma vie dans ce vaisseau à m'ennuyer, pour cinq minutes de sortie parmi les étoiles.
Tous ces gens dans les stations, ils ne connaissent pas ça. Ils sont enfermés dans leurs boîtes grises toute leur vie.
On aimerait tous vivre sur une planète. Pouvoir nager, galoper, être tous ensemble, respirer normalement et... prendre l'air. Sans casque, sans simulation et sans plafond écran. Toucher de l'herbe non plastifiée, boire de la vraie eau, pas celle venant de nos urines recyclées.
Tous ces livres que j'ai lu sur la Terre sont fascinants. Ces gens à l'époque, n'avaient pas conscience à quel point ils avaient de la chance. Chaque moment de leur vie était naturel. Ici sans machine, tout le monde pourrait crever en quelques minutes.
Et les animaux ! Je n'ai vu d'eux que de vieilles photos. Caresser le poil d'un chat, monter à cheval et se lier d'amitié avec un chien.
Oh, je ne parle même pas de la nourriture. Tous ces légumes, ces épices, nous ne mangeons que des algues indigestes. Elles sont malgré tout pleines de protéines et utiles dans plein de domaines. Ce sont d'ailleurs elles qui constituent la majeure partie du vaisseau. Elles sont bien sûr d'abord transformées et solidifiées.
C'est justement l'heure de manger avant la douane, mon père m'appelle dans la "salle à manger". Sans surprise, je le vois verser une bouillie verdâtre dans mon assiette. Je le remercie et commence à avaler mon repas. Cela a un goût d'eau, c'est flasque. Les livres disent que l'aliment le plus ressemblant sur Terre était l'épinard. Je n'aime pas les épinards.
Mon père explique son plan aux autres:
- Comme je le dis à chaque fois, celle-ci n'est pas très bien gardée. Il y a tellement de soldats dans le siège de la HRSC quelques kilomètres plus loin, que ça ne servirait à rien. Quand nous serons passés, il faudra très vite changer le cap pour l'éviter et se diriger vers la station Véga. Il y aura donc, un contrôleur en combinaison dehors rattaché par un câble censé nous arrêter au moindre faux-pas et un autre coincé dans sa cabine qui ne pourra pas sortir. Si nous coupons le câble du premier, il sera hors-jeu et l'autre douanier pourra le récupérer plus tard. Il faudra là aussi se dépêcher pour partir avant l'arrivée des renforts. Des questions ?
- Non, pas de questions, c'est presque toujours le même plan, répond un homme.
- D'accord, tant mieux. Finissez de manger et préparez vous. Nous arrivons dans moins d'une heure.
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Terra-Bis
Ciencia FicciónDepuis que sa mère n'est plus là, Léonades vit en paria sur le vaisseau de son père. Elle voyage à travers l'espace pour fuir le gouvernement, responsable de la mort de nombreux hors-la-loi comme elle. Mais alors que tout allait bien pour elle, auss...