Chapitre 3

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- Layah -

J'étais légèrement outrée par sa dernière phrase, phrase qui dont conclut cette conversation profonde que j'avais avec mon professeur. Je préférais fermer ma bouche - pour le moment - et suivre ce cours. Ma meilleure amie Firdaws a mes côtés me faisait les grand yeux l'air de dire que j'étais folle de provoquer à ce point Monsieur Moreno. Qui ne tente rien n'a rien, je suis comme ça après tout. Je finis par lever la tête vers le tableau mes paumes de main posées sur mes joues. J'avais certes un petit rictus au coin des lèvres mais je n'en menais pas large. Durant tout le cours, je fixais de mes yeux azur le professeur noter des mots clés sur le tableau et faire toutes sortes d'exercices.

Lorsque la pause sonnait interrompant ce cours en deux, les élèves se pressent pour sortir. Tandis que je prends juste le stricte nécessaire afin de prendre une pause, j'intercepte le regard enjoué de Firdaws à mes côtés qui me tend une clope. Avec un sourire, je la prends et la cale derrière mon oreille. Nous descendons les marches pour sortir mais je ne peux m'empecher de regarder en direction des filles qui draguent mon professeur. Minaudant contre lui, elles papillonnent des yeux pour le soudoyer. Un mélange de sentiments se déferlent en moi. Une perception de jalousie avec une pointe d'amusement. Je sais qu'au fond de lui, il en a marre parfois. Parfois. Je le crève des yeux avant de reprendre ma marche pour sortir de cette salle, ma salle favorite.

« — Tu en as mis du temps ! » rouspétait Firdaws.

« — Excuse moi, j'avais oublié quelque chose. »

Nous nous dirigeons vers la cour remplie d'étudiants, et allons vers le coin fumeur. Je n'ai pas pour habitude d'abîmer mes poumons mais il faut admettre que quelques fois ça me fait du bien. Au contraire de moi Firdaws fume une dizaine de cigarettes par jour. C'est ce qui nous différencie. Cette pensée me fait doucement rire alors qu'elle allume ma clope. Ensemble, nous observons les élèves se pavaner à travers le grillage.

« — Est-ce que tu viens demain soir à la soirée prévue à la bibliothèque ? » demande mon amie.

« — Parce qu'il y en a une ? »

« — Oui. Évidemment lorsque les surveillants de nuit seront partis. A partir de 00h. »

Je hausse les épaules pour lui signifier que je ne sais pas si elle peut compter sur ma présence. Tout de suite, ses yeux bruns se voilent de désespoir et j'éclate de rire. Nous verrons bien demain si je me sens d'y aller. J'expire la fumée d'entre mes lèvres lorsque je vois une scène qui me fait frémir de l'intérieur. Devant moi, de l'autre côté du grillage, mon ex copain avec mon ancienne amie. Je grince des dents. Cette pourriture m'avait trompée avec mon amie, enfin ex amie du moins. Et moi naive, j'avais rien vu venir. Qui se ressemble s'assemble comme on dit. Dégoûtée, je tourne le dos à ces deux ordures. Ils ont été contaminés par la médiocrité.


- Adam -

Pas de réponse. Je gagne la manche, mais je sais que le match Sanchez-Moreno n'est pas encore terminé. J'ai bien compris son caractère. Et je dois avouer que je serais curieux d'en découvrir un peu plus. Sa décision de ne plus répondre me montre qu'elle peut être intelligente et docile. Je serais vraiment tenté de pouvoir dompter ce caractère, la rendre docile ou impétueuse d'un claquement de doigt, d'un regard ou d'un seul mot. Comme un hypnotiseur, d'un signal, la mettre entièrement sous mon contrôle.

Après lui avoir jeté un regard de gagnant, je reprends le cours, dans le calme. Puis, je suis finalement interrompu par cette agaçante sonnerie, annonçant la pause. Les élèves se lèvent dans un brouhaha intenable. Je vois directement un petit groupe de filles descendre sur l'estrade en se dandinant. Je sens que je vais encore avoir droit à mon quart d'heure lêche-botte, tortillage de fesses et questions débiles pour m'amadouer et gagner quelques points pour le cours et en séduction. D'ordinaire, j'apprécie ce genre d'attentions qui me rappelle mes dons de beau professeur séducteur. Mais, aujourd'hui, je n'avais plus qu'une envie : reprendre la partie avec Melle Sanchez.

Ces filles, ces petites naives, je peux les mener du bout des doigts. Un haussement de sourcils, un clin d'oeil, parfois un léger frolemment de mains sur une feuille, elle tombe sous mon charme, se mettent dans tous leurs états. Une question, une réponse, un compliment sur leur travail, ça y est, elles sont à mes pieds. Melle Sanchez, c'est un réel défi pour moi. Je suis d'humeur joueur, je vais le tenter, et bien évidemment, je vais réussir.

Après deux questions, je me permets de faire l'inaccessible, l'homme occupé, ayant déjà donné suffisamment de temps.

« — Si vous permettez mesdemoiselles, j'aimerais prendre un peu l'air avant la reprise du cours. Pour vos autres questions, téléphonez-moi ce soir. »

Un dernier clin d'oeil et je dépose un paquet de cartes de visite sur le bureau. J'ai plus urgent à faire : une blonde m'attend dans la cour pour jouer. Je l'ai vue traverser l'amphi, cigarette à l'oreille, je m'en ferais bien une aussi tiens.

J'attrape ma sacoche et pars la rejoindre à l'extérieur, dans le coin fumeur. Je ne suis pas débutant, je vais à nouveau la jouer fine : je me mets dans un coin à l'opposé de Sanchez et sa camarade, une fille insipide à mes yeux, une étudiante comme les autres. Je sors mon paquet de tabac et de feuille, et je roule. Je mets ma clope entre mes lèvres et fait mine de chercher mon briquet. Je secoue la tête d'un air naïf.

« — Dites, la souffleuse et la gueulante, vous n'auriez pas du feu avant que cette pause clope ne se termine ? »

Les interpelle-je d'un ton aussi insolent que celui de mon adversaire une heure plus tôt, un sourire narquois sur les lèvres.


- Layah -

Cette voix ne voulait plus quitter ma tête. Cette voix si insolente et séductrice à la fois, celle de Monsieur Moreno. Je suis étonnée de le voir fumer, lui qui d'ordinaire préfère amplement aller prendre un café en salle des professeurs avec ses poufs de collègues. Il faut croire qu'il aime le changement. On se retourne Firdaws et moi en un seul et même mouvement pour lui faire face et des piques semblent traverser mes rétines. Je le hais tout autant que je l'adore. Son comportement exécrable me fascine autant qu'il m'horripile. J'ai bien envie de le faire mariner un peu. Avant que mon amie puisse esquisser un geste, je prends la parole.

« — La souffleuse et la gueulante comme vous le dites si bien, n'ont pas de feu. A moins qu'un petit mot de politesse dépasse vos lèvres. »

Firdaws me jette un coup d'œil accusateur, alors qu'elle allait lui passer son feu. Mais elle doit pertinemment savoir qu'on ne donne pas sans recevoir. Je croise les bras en-dessous ma poitrine, avec un haussement de sourcil aiguisé. On n'est définitivement pas à l'un de ses cours alors il pourrait se permettre de dire s'il te plaît sans utiliser son excuse de supériorité. A moins que sa fierté l'en empêche. Je louche quelques secondes dans ses yeux et me demande pourquoi s'il fume n'a-t-il pas pensé à prendre un feu avec lui?


- Adam -

Je souris. La partie reprend jusqu'à la nouvelle mi-temps du cours. Une seule pause cigarette de divertissement et de challenge. Je dois bien m'y prendre si je veux garder la balle dans mon camps. J'ai la main, je connais mes cartes, je les connais même par coeur. J'y ai déjà tant de fois joué, je suis un champion en la matière. Ce n'est pas cette gamine d'une vingtaine d'années qui me fera douter de mes talents.

« - Ouh, veuillez m'excuser Melle Sanchez. Je veux dire « merci ». »

Nouveau sourire de satisfaction et nouvelle carte du séducteur : l'humour. Placer une petite blague toute bête peut faire tomber n'importe quelle femme sous votre charme, surtout si comme je viens de le faire, vous ajouter votre plus beau sourire, agrémenté de deux fossettes de part et d'autre et c'est gagné.

Pourquoi retourner à la salle des profs boire le jus de chaussette servi à la machine avec les commères alors que je peux m'amuser et me tester ?

Unlimited loveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant