— Comment veux-tu que j'aille ?!
Voilà ce que j'avais répondu quand la goutte d'eau avait fait déborder le vase. J'aurais voulu ajouter un « pauvre con », mais je crois que je me suis retenue. En fait, je n'en suis plus tout à fait sûre à présent. C'est si loin tout ça.
À l'époque, on venait de rendre les clés de l'appartement à notre bailleur. Bailleur qui croyait que nous déménagions pour plus grand. Quand sa phrase m'avait percutée, j'avais senti mon cœur et ma gorge se serrer. J'avais dû expliquer que non. Non. C'était plutôt tout le contraire. On quittait ce duplex qui avait vu les hauts et les bas de notre amour, ces murs devenus impersonnels et blancs, blancs comme ceux de l'hôpital dans lequel je ne savais pas encore que j'allais séjourner.
Ce jour-là, le jour des clés, cela faisait un peu plus de deux mois qu'il m'avait quittée. Et après notre rupture, pendant quinze jours, nous avions dormi côte à côte, dans ce lit qui occupait presque la moitié de l'étage, mais comme deux étrangers. Parce que je n'avais nulle part où aller et parce que « ce n'est pas parce que c'est moi qui décide que c'est à moi de m'en aller ». Quinze jours où je m'étais sentie encore moins qu'une colocataire, encore moins qu'une plante, encore moins que rien. Je sais que ce n'était pas son intention, que c'était sa façon à lui de se blinder. De ne pas replonger dans cette histoire à laquelle nous avions déjà donné une seconde chance. Mais ce comportement égoïste et maladroit n'était pas loin de me rendre folle.
On n'avait pas su communiquer pendant notre relation et ça ne s'arrangeait pas après. On était deux poissons d'une espèce différente dans le même aquarium. De celles qui se martyrisent entre elles.
Je plaide coupable. C'est facile de lui jeter la pierre alors que j'ai ma part de responsabilité dans ce désastre. Il avait confiance en moi. Il m'a aimé. Vraiment. Je le sais. Mais cette tendance que j'avais eue à m'oublier dans notre histoire a eu raison de nous.
Je ne suis pas moche, je pourrais même être jolie peut-être, mais ce n'est pas quelque chose que je considère d'une grande importance. En conséquence, j'ai toujours eu du mal à prendre soin de moi. C'est plus fort que moi, je me suis toujours fiée à mon instinct plus qu'aux apparences. Peut-être aussi parce que j'ai toujours imaginé que les autres valaient mieux. Et que si je n'ai jamais été celle qu'on regarde, c'est parce que je n'ai jamais rien fait pour.
Alors le jour où lui, a su voir ce que les autres ne voyaient pas, le jour où lui, il a cru en moi, j'ai tout quitté. Par amour, parce que j'avais des idéaux, des illusions. J'étais jeune, idiote peut-être. Bref, j'ai voulu croire à un conte de fées... à rien d'autre. Et il en a été ainsi.
C'est tout moi ça, j'ai toujours voulu faire bien ou alors je n'ai jamais voulu faire de mal, à personne, prenez-le dans le sens que vous voudrez. Je m'en rends compte, j'ai tout raté. J'avais redoublé d'efforts afin que les choses s'arrangent, et lui aussi. On le percevait, ce malaise entre nous, on tentait même de l'apprivoiser. Mais on était trop fiers et au fond de moi, cela faisait des mois que je pressentais que ça finirait comme ça.
La confrontation à la réalité de la séparation m'a foutu la claque dont j'avais certainement besoin. J'étais désemparée et seule. Et la solitude, c'est ma hantise. Je suis aux antipodes de l'image clichée de l'écrivain enfermé des heures dans son bureau.
Toutes les nuits, le manque de lui me rongeait. Mon esprit torturé cherchait la lumière. Une présence. Jusqu'à l'épuisement. Et la journée, j'essayais de donner le change...
Jusqu'à l'instant où je me suis effondrée pour de bon, comme une lavette usagée, entre les éprouvettes et les bouteilles de produits chimiques. Il ne manquait plus qu'à m'évacuer comme un vulgaire déchet d'activité de soin à risque infectieux, comme on dit dans mon jargon. Et je crois qu'à ce moment-là, je ne demandais que ça. Je ne me sentais bonne à rien, sauf dans ce travail où je m'appliquais. Alors ce n'était que justice de tomber au combat après tout.
Je n'attendais plus rien de la vie. Cependant, je n'ai jamais aimé l'idée de caresser la mort volontairement. Je ne me résolus toujours pas à lui faire ce plaisir d'ailleurs. Le jour où elle voudra m'emporter, faudra qu'elle vienne me chercher, c'est comme ça. À un moment, il faut prendre une décision. La vie entière est faite de choix et de coïncidences.
Après ma syncope, alors que je me réveillais doucement, l'un des sauveteurs-secouristes de mon boulot m'a demandé si je voulais prendre rendez-vous chez mon docteur ou être conduite à l'hôpital le plus proche par les pompiers. J'ai répondu qu'il fallait suivre la procédure. Je suis basique. Je ne voulais causer de tort à personne. Et puis de toute façon je n'avais pas de médecin traitant et j'avais besoin de repos. Mon corps était à bout de force, il le faisait savoir.
Une fois arrivée aux urgences, je me souviens avoir été prise en charge rapidement. Dans un premier temps, c'est une infirmière qui s'est occupée de moi, elle a vérifié mes constantes et on m'a questionnée. J'ai précisé que ce genre de situations m'arrivait de temps en temps, mais que contrairement aux autres fois, j'étais très fatiguée et j'avais mal à l'épaule gauche. Alors tandis que l'interne a continué son examen, consciencieusement, l'infirmière m'a fait une prise de sang.
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L'écho
Short StoryEt si on vous annonçait après une rupture amoureuse que votre cœur était un peu brisé, au sens propre du terme ? Impossible, pensez-vous ? C'est pourtant l'histoire vraie que je vous raconte dans L'écho.