— Comment tu vas ?
Neuf mois après, dans le calme ponctué par le bip-bip de l'électrocardiogramme, les mots résonnent de manière ironique, comme un souvenir d'un autre temps. Cet étrange bruit électronique, c'est ce que l'on appelle un monitoring. C'est-à-dire que l'appareil posé derrière moi, juste au-dessus de ma tête rend compte de l'activité électrique de mon cœur grâce à des patchs sur mon corps à des emplacements précis, mais également de mon pouls, de ma tension et de ma saturation en oxygène par l'intermédiaire d'un dispositif relié à mon pouce. On me dit que je n'ai pas à m'inquiéter, que je suis entre de bonnes mains. Et ce son, perçant, régulier, est là pour me le rappeler en permanence.
Étendue sur ce lit d'hôpital, j'ai mal dans le haut du dos et il m'est impossible de me tourner. Je sais que c'est idiot, mais l'impression qu'un camion m'a roulé dessus est la seule expression que je trouve adéquate pour décrire cet état. L'infirmière me rassure, c'est ce que tout le monde ressent après ce genre d'opération, je ne dois pas m'inquiéter. Encore une fois. Personnellement, je préfère tout de même ne pas songer à ce qui resterait de mon corps après le passage réel d'un 38 tonnes sur lui.
Plus tard dans la nuit, j'aperçois les blouses blanches traverser régulièrement la pièce à pas feutrés, nous veillant toujours, les autres inconnus et moi. Nous sommes plongés dans le noir tandis qu'une lumière faiblarde leur permet de travailler dans un espace séparé, les yeux rivés sur les écrans de contrôle, prêt à intervenir si besoin, j'imagine. Certains sont debout, d'autres sont assis. Je me demande ce qu'ils se racontent.
Ils se relaient pour soulager les douleurs, parfois en vain, et ce matin, c'est leur relève qui s'occupe de la toilette, refait les pansements, enlève les sondes... Les soignants font leur job, difficile, et je fais le mien, facile. Je n'ai pas vraiment guéri de quoi que ce soit. J'ai quelque chose de particulier, un problème qui ne se voit pas, ne se ressent presque pas. Alors je fais ce que j'ai à faire. Je subis, j'écoute. Je patiente. Je ne vais pas dire pour autant que je n'ai jamais pesté contre certaines personnes. J'avoue, je suis comme tout le monde, enfin je crois.
Parfois, je prends quelques libertés avec les traitements qui me sont prescrits. Je sais qu'il ne faut pas, même si par ma formation scientifique, j'ai quelques bases qui me permettent de ne pas faire n'importe quoi non plus. Je réalise que ce n'est pas une excuse, mais je ne suis qu'un être humain après tout. J'ai mes qualités, mes défauts, et somme toute, de prime abord, j'ai plutôt tendance à faire confiance. Peut-être bien que c'est une de mes faiblesses. Ou ma force.
Quelle que soit sa spécialité, le personnel médical a sa propre expérience, et moi la mienne. Certains ont réussi neuf ans d'études ou plus, et moi non. Ça ne doit pas être pour rien. Mais j'avoue, je suis davantage rassurée quand on peut discuter, quand on m'explique. J'ai entendu trop longtemps que je devrais prendre des vitamines, que j'étais une petite nature et non, je ne crois pas que ce soit vrai. Je me suis souvent battue comme une lionne, j'y ai toujours cru même quand ça ne servait peut-être plus à rien. J'ai même cru en ceux qui ne croyaient pas ou plus, en eux sûrement plus qu'en moi-même. Alors non, je n'aime pas qu'on me serve de la psychologie à deux balles. Peut-être que c'est une question de génération aussi, je ne sais pas. Ce serait trop simple d'être déjà blasée à trente-cinq ans.

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L'écho
Historia CortaEt si on vous annonçait après une rupture amoureuse que votre cœur était un peu brisé, au sens propre du terme ? Impossible, pensez-vous ? C'est pourtant l'histoire vraie que je vous raconte dans L'écho.