Rouge & Or?

25: James: responsable?

   Remus risqua l'amputation de ses deux jambes, rien qu'en se jetant littéralement au-devant de cette vision horrifique, recentrant péniblement toutes les parcelles de son attention sur sa propre ouïe améliorée. Malgré les centaines astronomiques de sons parasites les entourant tous les trois au cœur de cette maudite forêt, ses tympans surdoués détectèrent enfin le pouls régulier et misérablement discret de la petite silhouette inerte. Si son sang pulsait audiblement aux oreilles entraînées de Lunard, il n'en demeurait pas moins que son rythme alarmant ne se distinguait guère plus rapide qu'un escargot vorace. Il était atrocement lent. Beaucoup trop lent.

   Quand Remus atteignit finalement l'être misérablement recroquevillé, son ancienne victoire contre sa nausée virulente lui parut tout-à-coup superficielle. Ce que ses billes, teintées d'une peinture chocolatée, révélaient à son esprit le révulsait et fit naître un semblant de borborygme mêlé à un sanglot étranglé dans les tréfonds de sa gorge. Ses mains, victimes éternelles de spasmes irréversibles, ignoraient tout de leur utilité habituelle, refusaient tout bonnement de toucher à ce qu'elles avaient commis. C'était atroce de comparer le souvenir de sa malicieuse Malie à ce visage pâle et taché de fins filets pourpres séchés. Sa chemise blanche, maintenant affreusement déchirée à de multiples endroits, souffrait de si nombreuses apparitions terreuses qu'il était en fait difficile de définir s'il s'agissait bien encore d'un vêtement approprié. Ses longs cheveux, comme à leur habitude incessante, emmêlés, s'entortillaient bizarrement entre mèches voisines et recouvraient encore une partie inquiétante des traînées rougeâtres roulant sur sa mâchoire toujours aussi joliment dessinée. De nombreux morceaux brisés de feuilles ternes décoraient sinistrement sa chevelure, royalement accompagnées de minuscules brindilles en tout genre.

   Ce fut Peter qui eut la présence d'esprit de s'agenouiller auprès de Malie, la retournant délicatement sur le dos pour étudier la source inconnue d'autant de sang, parfum métallique et repoussant qui atteignait violemment les narines dérangées de Lunard.

–Remus, viens m'aider, s'il-te-plaît, l'enjoignit faiblement Queudver, découvrant avec grimace et horreur que, si la chemise froissée de leur amie était aussi arrachée, c'était parce qu'une énorme entaille ornait lugubrement la surface blanche de son estomac.

   Au lieu de s'apitoyer et de se morfondre sur lui-même comme il l'eut cru au premier abord, Lunard, sentant son esprit pratique se réveiller avec une fureur démentielle, oublia consciemment que toute cette situation ne se serait jamais déroulée s'il n'avait pas été un loup-garou et se recentra immédiatement sur les maigres connaissances que Madame Pomfresh lui avait enseignées. L'infirmière lui avait toujours exprimé son insistance sur le fait de découvrir ce qui causait le plus de dégâts en premier lieu.

   Facile, la griffure colossale sur son ventre.

   La suite était tout aussi dénuée de difficultés, il suffisait de faire disparaître tout obstacle à la visibilité du plan de travail. Autrement dit, les flaques repoussantes du liquide poisseux qui coagulait répugnamment sur les bords intacts de sa peau.

–Tergeo!

   Sa voix cassée et rauque lui informa généreusement que ses sanglots refoulés étaient encore d'actualité à l'instant même et que des larmes épaisses se plaisaient à flotter grossièrement sur l'écran de sa vision.

   Allez, reprends-toi, mon vieux. Elle a besoin de toi. Concentre-toi juste quelques minutes.

   Quelle était la suite instruite par Madame Pomfresh?

   Ses yeux ne parvenaient plus à détacher leur attention venimeuse des paupières fermées de son amie, ses cils noirs chatouillant, avec toute la délicatesse qui leur était due, ses pommettes trop blêmes. Des sillons terreux de larmes avaient séché le long de ses joues creusées, leur invisibilité dénoncée par la crasse inévitable de leur environnement.