Le cycle d'Hélios : I. Routine Epsilon [Autoédité]

8 - Le dilemme de l'omnio

Les paladins, aussi surnommés guerriers de la science abranique en raison de leur opposition à la cosmologie branaire — une théorie visant à décrire la structure de notre univers qu'ils jugent irréaliste —, anges gardiens d'Hélios ou plus rarement blancs-manteaux, sont les descendants d'un ordre lunien très ancien : le Temple Stellaire. Perfectionnant leur art au sein de leurs temples disséminés partout dans la station, ces redoutables soldats, reconnaissables à leurs armures démesurées, fascinent autant qu'ils inspirent la méfiance.

Leur amour pour la science leur a souvent valu le rapprochement avec le mouvement antithéiste, ces nostalgiques de la période néo-laïque. Le rôle que le Temple Stellaire a joué dans la grande épuration religieuse du premier millénaire de la république lunaire reste d'ailleurs ambigu.

« Le Temple Stellaire, une institution aux multiples facettes », par Carmen Newton, 1049 H.

Sur Hélios, dans un temple du quartier 1, secteur 13.

La paladine Mayer faisait défiler les brèves holographiques sur le terminal OrbNet de son laboratoire. Ses recherches se concentraient sur la première strate, et notamment sur le secteur 13, épicentre du phénomène. Cent témoignages similaires en deux jours, rien que dans ce secteur, déplora-t-elle. Le cas du quartier 12 semblait particulièrement préoccupant ; la quarantaine n'avait toujours pas été levée. L'argument de la panne généralisée invoquée par les autorités ne tiendrait pas une journée de plus. Les gens commençaient à se poser des questions.

Patricia Mayer serra le fragment de roche qu'elle portait autour du cou depuis la mort de son mari. Pour celle qui avait prêté serment devant la pierre de Lune, le dilemme, cornélien, donnait le vertige. En tant que contributeur du projet GRAVI-2, il lui suffisait d'envoyer un seul ordre au serveur central du Bureau de l'Atome pour saborder le travail de presque vingt générations de paladins. L'autre possibilité consistait à fermer les yeux sur les conséquences désastreuses du programme qui menaçait la survie même des héléens. Quel que soit son choix, son fils lui pardonnerait-il un jour ? Lui que le Temple Stellaire avait déjà amputé d'un père.

Un article récent d'une gazette sensationnaliste attira son attention. L'accroche mentionnait : « Un employé de la société AdCorp dévoré par un animal errant peu avant le black-out de Q12 ; la Coupole sera-t-elle en mesure d'assurer notre sécurité pendant la célébration de mise en orbite ? » Dévoré... Cela ne peut plus durer... pensa-t-elle en composant un numéro sur son intricom.

— Bureau de l'intendante Minas, que puis-je pour vous ?

— Bonjour, Nolan. C'est Patricia. Je souhaiterais un entretien avec l'intendante.

— Ah, bonjour chère consœur. Laissez-moi consulter son emploi du temps.

— C'est urgent, souligna la paladine Mayer.

— Elle revient justement de rendez-vous. Pouvez-vous venir maintenant ?

— Je suis dans son bureau dans une minute.

— À tout de suite alors !

L'intendante Minas referma énergiquement la porte de son bureau et alla s'asseoir en face de la paladine Mayer. C'était une femme d'une cinquantaine d'années au regard dur et aux cheveux rasés qui mettaient en valeur un long tatouage sur son cou élancé.

— Paladine Mayer, vous semblez préoccupée. Quel vent vous amène ? dit-elle tout en consultant les dossiers de la journée.

— Mes échantillons sont devenus très instables. Le danger de contamination est présent.