Le cycle d'Hélios : I. Routine Epsilon [Autoédité]

9 - Parasite synthétique

Ne vous êtes-vous jamais posé la question de la rareté des animaux sur Hélios ? La réponse est simple : un article de la constitution lunaire encadre strictement leur obtention. Cela peut laisser un goût amer quand on sait que sur le papier, la résurrection de n'importe quelle espèce du royaume animal est à portée de main. Ceci grâce à la banque d'ADN universelle, fruit du travail des pionniers de ce monde qui, durant des siècles, prélevèrent, répertorièrent, et stockèrent quantité de matériel génétique pour qu'un jour peut-être, ces espèces d'antan repeuplent une nouvelle planète. Alors, pourquoi cette interdiction ? La faute à des groupuscules qui dérobèrent des échantillons pour accomplir des desseins allant du plus farfelu, comme la réintroduction des animaux domestiques, au plus engagé, avec de la nourriture naturelle pour tous.

Article de la revue de sociologie « Génération H », parue en juillet 763 H.

Un énorme rocher couvert de mousse entourait le tuyau de verre émergeant de la terre. Des fougères tropicales aux grosses feuilles cuivrées caressées par le vent poussaient au milieu de l'herbe indigo qui tapissait le sol fertile.

Le groupe emprunta un petit sentier sous une arche taillée dans la roche, où coulait l'eau stagnante des plantes, pour rejoindre une allée pavée plus large, sûrement l'artère principale. Après avoir longuement scruté le ciel, Rick déclara d'un air contrarié :

— Pourquoi ne voit-on ni Héméra ni Eldir ?

Becky répondit en esquissant un sourire embarrassé :

— Je ne voulais pas vous gâcher le plaisir, mais nous ne sommes pas du bon côté d'Hélios pour les voir.

— Pas du bon côté ? On a fait tous ces kilomètres pour rien ? lâcha son ami en s'arrêtant de marcher.

— Ce que tu peux être énervant ! gronda Becky. Une fois en orbite autour d'Eldir, la station entamera son cycle de rotation, et nous devrions vivre une aube naturelle ! Vous imaginez !

— Veux-tu bien nous indiquer la direction à prendre ? Je ne voudrais pas louper ce lever d'Héméra ! rebondit Freeman en trépignant d'impatience.

— On va d'abord devoir traverser un sous-bois, puis atterrir dans la clairière où a lieu l'évènement spécial Héméra. D'après ma collègue, le collecteur de vide devrait se situer à proximité du lieu de rassemblement.

Becky pressa un gadget qu'elle portait à son bracelet. Une représentation holo du parc apparut. « Localisation collecteur de vide C453-48B », ordonna-t-elle. « Accès à une ressource sécurisée, autorisation requise », répondit le logiciel. Becky approcha son badge et un petit bip confirma l'authentification. Une flèche clignotante indiqua la direction à prendre. Celle-ci pointait vers un chemin étroit, sous un bois de feuillus à moins d'un kilomètre de là. Le groupe se dirigea alors vers la frondaison.

Ils traversèrent une plaine parsemée de gros rochers déposés lors de la construction d'Hélios — et donc d'origine lunaire —, recouverts pour la plupart d'une mousse verte phosphorescente. Il émanait de tous les végétaux une lueur colorée, plus ou moins intense selon les espèces. La mousse, par exemple, brillait à peine. Voilà pourquoi les trois acolytes ne croisèrent que quelques lanternes flottantes éparses : la bioluminescence suffisant amplement.

À mi-parcours, ils arrivèrent sur un pont de bois enjambant un lac illuminé par diverses espèces d'algues d'eau douce. Au milieu de la structure, deux jeunes enfants penchés sur le bord percevaient le clapotis de l'eau sous leurs pieds. Ils étaient tous deux bruns aux yeux vert jade, et à la peau très claire, vêtus de la tenue conventionnelle ; le plus grand semblait avoir une dizaine d'années et l'autre, deux ou trois ans de moins. Leur ressemblance ne laissait aucun doute sur leur lien de parenté.