Le cycle d'Hélios : I. Routine Epsilon [Autoédité]

16 - Protecteur White

— Nous devons sortir d'ici, insista une voix grave.

Hannah reprit connaissance. L'homme lui tendait la main. Elle découvrit un gaillard bien bâti, la quarantaine passée, d'environ un mètre quatre-vingt, aux épaules carrées et à la posture assurée. Sous sa tignasse ébouriffée grisonnante se dessinait un visage allongé, aux joues légèrement creusées, et à la mâchoire proéminente, avec des yeux sombres et enfoncés dans leurs orbites. Ses pommettes saillantes et son long nez lui conféraient une certaine raideur, tandis que sa bouche fine, mue par aucune expression, lui donnait un air agacé, voire menaçant. L'individu portait un uniforme de l'Ordre différent de celui des zélotes ; en attestait le grade, triplement décoré, qui émaillait l'épaule droite. Cet uniforme se composait d'un blazer en velours bleu à boutons dorés qui se confondait avec une veste en peau noire élaborée. Sa silhouette s'harmonisait avec un pantalon assorti.

— Vous avez fait du beau boulot, cette bête est plutôt coriace dans son genre, reconnut-il d'une voix calme et dénuée de toute empathie.

— Tout le mérite vous revient. Je ne pourrai jamais assez vous remercier pour votre intervention. Hannah Freeman, très heureuse de vous rencontrer enfin en chair et en os, se réjouit-elle en lui tendant mollement la main.

— Killian White, se présenta-t-il d'une voix monocorde. C'est une aubaine que je sois revenu sur mes pas. Drôle d'idée de descendre ici dans votre état, rajouta le policier en constatant ses blessures.

Hannah, décontenancée par la rudesse de son interlocuteur, bafouilla avant de reprendre la conversation avec plus d'assurance :

— La solitude devenait pesante, mais cela n'excuse en rien mon inconscience... J'ai mis ma vie en danger et vous avez risqué la vôtre pour m'aider. Vous avez ma reconnaissance éternelle.

— Vous me remercierez quand nous serons tous les deux sortis de ce trou. Venez, nous ne sommes pas au bout de nos peines.

Killian White l'aida à se hisser et la rejoignit sans effort.

— L'énergie vous manque, je vais devoir vous sangler. Cramponnez-vous à mon signal.

Hannah acquiesça d'un mouvement de tête ; Killian White avalait déjà les échelons à une vitesse effrénée. Elle se retrouva une fois de plus seule dans le noir, avec l'angoisse que le monstre surgisse de nulle part pour assouvir sa vengeance.

— Maintenant ! alerta White.

L'échelle s'éleva depuis les profondeurs lugubres du complexe d'Onivac. Les lourdes cabines refirent surface. Hannah s'agrippa du mieux qu'elle put et attendit les yeux fermés. La secousse lui fit lâcher prise ; les sangles attachées à sa ceinture lui évitèrent une chute mortelle. Le policier la détacha et l'aida à rejoindre le vestibule. Elle ne tenait plus debout, mais elle demeurait en sécurité, et en vie.

— Vous êtes en piteux état, mais vous me raconterez votre histoire quand nous aurons trouvé de quoi vous retaper. En attendant, prenez cet hypnofast. Avec ça, le trajet sera plus supportable.

Hannah regarda la petite gélule bleu et vert d'un œil circonspect, puis l'avala sans autre forme de procès.

Elle se réveilla, confortablement allongée dans un lit évoforme réglé sur un programme thérapeutique. Un écran mural minuscule affichait 19 h 04. Ceci ne surprit nullement l'Ulne qui connaissait parfaitement la liste des effets secondaires de l'hypnofast. La somnolence figurait en tête. Un drap semi-liquide l'enveloppait dans un cocon de soie tiède, favorisant le renouvellement cellulaire de son épiderme et améliorant l'élimination des toxines. En sa qualité de médecin, elle reconnut que les réglages étaient tout à fait adaptés à son cas, ce qui ne pouvait être le travail que d'une personne qualifiée. Se pouvait-il qu'elle ait été rapatriée dans un médicentre en dehors de la zone sinistrée ? Au plus profond d'elle, elle souhaita que Becky et Rick l'attendissent derrière la porte.