Quatrième partie

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Le royaume de Polydectès était très semblable à celui d'Acrisios, seulement de taille moindre, aussi la nouveauté représentée par Danaé et son fils fut-elle bien accueillie. Danaé eût préféré leur épargner une présentation à la cour mais ne voyait pas comment y échapper sans risquer de perdre leur refuge sur l'île. Un début d'après-midi sec, Danaé et Persée firent leur entrée dans la grande salle du palais de Polydectès. Les lieux étaient peu décorés, ternes aux yeux de Danaé qui admirait chaque jour la mer, à la fois immuable et changeante. Deux allées de courtisans encadraient les murs et au bout, le roi. Persée était déçu de porter une tunique simple en voyant les autres richement vêtus, bien que sa mère lui eût dit de la porter comme si ce fût une tenue royale. Elle-même était vêtue sobrement, ses cheveux blonds seulement noués en une longue tresse qui rappelait les épis de blé mûr.

L'accueil fut poli et très enthousiaste. Ils furent installés à la table d'honneur avec leur hôte et sa famille, constituée des nombreux enfants qu'il avait eus avec différentes femmes. Sa dernière épouse était décédée l'année précédente. Bientôt la conversation s'orienta vers l'exercice physique. Danaé se tendit. Elle avait prévenu Persée de ne pas s'étendre sur ses capacités hors du commun mais, encouragé par les attentions de Polydectès à son égard, il se trouva rapidement à vanter quelques-unes de ses prouesses et à accepter de participer à des jeux organisés en l'honneur de Zeus le mois suivant. Danaé hurlait en son for intérieur.

Le roi voulut également les héberger en son palais mais Danaé refusa fermement au motif — bien réel, outre le fait que Danaé n'accordait aucune confiance au roi — qu'il serait malséant d'abandonner ainsi Dictys, un homme qui avait été si bon pour eux. Elle remarqua le rictus de Polydectès mais il les laissa partir sans insister. Sur le chemin du retour, elle secoua énergiquement son fils.

— Je t'avais dit de ne pas te laisser prendre par de belles paroles. Ils sont tous comme ça. Maintenant il va s'intéresser à toi de trop près.

— Et si c'est ce que je veux ? Si j'ai envie de vivre plus qu'une existence de pêcheur ?

Danaé reconnut dans une fulgurance la jeune fille qu'elle avait été, bien que les deux situations fussent incomparables. Elle aussi avait été avide de plus que ce qu'on lui proposait, insatisfaite de la fade vie de cour, bien décidée à échapper au mariage et à la cruauté des hommes. La prophétie ne lui avait pas laissé le temps de trouver une porte de sortie à tout cela.

— Je comprends, Persée, cependant le chemin de ta vie n'est pas obligé de passer par des hommes comme Polydectès.

Le jeune homme haussa les épaules. Agacée, elle décida d'expliquer davantage la situation, qu'elle avait tenue secrète jusqu'à présent.

— Écoute, j'entends que tu veuilles faire tes preuves et que tu aies l'impression que je te retiens. Je ne dis pas tout cela pour te contrarier. La vérité est que tu n'es pas n'importe quel jeune homme pressé de participer à ses premiers jeux.

Elle ferma les yeux, inspira, et regarda son fils qui semblait presque s'ennuyer.

— Nous ne sommes pas à Sérifos par hasard. Quand j'étais enfant, mon père – ton grand-père donc, qui est Acrisios d'Argos – m'a menée devant une pythie. L'oracle a révélé que j'aurais un fils qui le tuerait. Alors il m'a enfermée et après ta naissance il nous a jetés à la mer. C'est pour cela que nous sommes ici. Pour qu'il ne nous retrouve pas, car il te mettrait à mort sans hésiter.

Persée fronçait les sourcils.

— Si tu étais enfermée, comment as-tu pu tomber enceinte de mon père ?

Danaé respira encore plus vastement et lâcha :

— C'est un dieu qui t'a engendré.

Persée parut sur le point de chanceler.

La pluie d'orOù les histoires vivent. Découvrez maintenant