Cinquième partie

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Le départ de Persée fut promptement organisé. À vrai dire, il partit seul avec pour toute arme une épée. La jeunesse peut porter une confiance en soi irraisonnée, au point de ne pas réaliser qu'une véritable entreprise telle que celle qu'on lui avait prétendument confiée aurait dû être accompagnée de matériel, compagnons et moyen de transport. Danaé espérait que son intuition était la bonne.

En attendant, on l'enferma une fois encore dans une belle prison de grès. Chaque jour, Polydectès venait lui demander sa main, et chaque jour elle refusait. Le premier jour, elle avait dû lui faire remarquer, de façon peu subtile parce qu'il n'y entendait rien, que s'il la forçait à l'épouser et que Persée revenait vainqueur, il serait tué. Était-il prêt à prendre le risque ? Furieux, il décida à la place de la harceler jusqu'à ce qu'elle cédât. Voyant que cela l'indifférait, il envoya en plus ses courtisans chanter ses louanges, si bien qu'elle n'avait plus un moment de tranquillité.

Un homme un peu trop bavard lui apprit que des nouvelles de Persée étaient arrivées. Son fils était parvenu à trouver Méduse, l'avait vaincue et rentrait à Sérifos. Danaé apprécia le sentiment de fierté que cela lui procurait. Cependant, cela attisa aussi la colère de Polydectès, qui pensa qu'il n'avait plus rien à perdre. Ce soir-là, il entra dans sa chambre et lui ordonna de se dévêtir. Encore une fois elle lui opposa un « non » sans ambages. La rage se peignit aussitôt sur les traits du roi, déjà rougeaud de consommer trop de vin au quotidien. Il se dirigea vers Danaé, ses mains concupiscentes levées, mais elle se faufila hors de sa portée. Il tenta de l'attraper encore et encore mais chaque fois elle lui échappait telle une danseuse. Il fut bientôt trop essoufflé pour la poursuivre et se retira.

Ses dérobades ne lui avaient pas coûté beaucoup d'énergie physique. En revanche, elle sentit son esprit se recroqueviller. Des gros doigts qui la faisaient se sentir sale, de la douleur. Elle y avait survécu. Aussi mauvais fussent-ils, ces hommes ne dicteraient pas sa vie. Elle serait la plus forte.

Le lendemain soir, il revint avec deux gardes et leur ordonna de l'attraper. Elle les ridiculisa en leur filant entre les doigts un certain nombre de fois, jusqu'à finir par être acculée. Ils la portèrent, criant et se débattant, pour la poser sur sa couche. Quelle différence avec les nuits où j'accueillais Zeus, se dit-t-elle, surprise d'y penser à un tel moment, avant de se rappeler le mal que le dieu avait fait. Polydectès la saisit par la gorge et l'écrasa de son poids pour l'épingler au lit. Tandis qu'il se redressait en cherchant à trousser sa robe, elle fit un fort mouvement sec qui vint planter un poignard dans l'aine de son tourmenteur. Il cria comme un pourceau, attirant l'attention des gardes retournés se poster devant la porte. Danaé avait cru y être allée assez fort mais le coup de la lame qu'elle avait subtilisée un peu plus tôt à l'un des hommes n'avait pas porté profondément.

Polydectès s'était vanté de réussir à faire ployer Danaé. Toutefois, les semaines s'étaient écoulées jusqu'à cet humiliant incident et une voile se montrait à l'horizon, porteuse certainement de Persée et de son triomphe. Il ne restait au roi qu'à se débarrasser de ces deux importuns.

*****

Danaé sentit que son exploit ne laissait pas indifférent et qu'il était temps de se dérober de manière un peu plus concrète. Elle s'était liée avec la domestique qui la servait et fit appel à la dévotion de la jeune fille, si bien que le soir-même elle trouva refuge dans un temple dédié à Athéna. Elle lui fit aussi porter un message et attendit. Elle n'avait jamais été dévote et se trouver ainsi dans un lieu religieux lui faisait un effet vraiment étrange, mais pas déplaisant. Elle y retrouvait un peu le calme qui régnait au bord de la mer, calme dont elle avait été privée depuis son arrivée contrainte au palais. Polydectès essaya bien de venir l'y chercher mais les prêtres furent implacables : elle ne pourrait être délogée que de sa propre volonté ou de celle des dieux. Plus cramoisi que jamais, le roi retourna à son palais.

La pluie d'orOù les histoires vivent. Découvrez maintenant