Le Voyage d'Alix.

Chapitre 8

Le reste de la nuit fut employé par Alix pour décrire son cauchemar aux autres. Elle dut affronter le regard inquiet de Léo pendant toute la durée de ses explications. Tous se rendormirent pour quelques heures.

Plus que reposée, la petite troupe évolua plus rapidement. Plus ils avançait, plus l'environnement devenait sombre et l'atmosphère, inquiétante. Soudain, Alix vit quelque chose d'étrange, devant eux se profilait un mur de lianes.

- Mais qu'est-ce que ça fait là ? s'interrogea Agatha.

- Ce que vous pouvez poser comme questions...râla Adam en s'avançant, l'épée au clair.

Il tenta de porter un coup violent mais sa lame rebondit sur le rideau végétal. Adam fronça les sourcils.

- Les choses sont de plus en plus bizarres.

- Tu pense que Marvin est allé jusque là ? demanda Léo à son coéquipier.

- À mon avis il n'a même pas eu le temps de faire un pas... Je suppose que l'on a eu de la chance.

Alex ne cessait de ressasser les paroles de Malen concernant le voyage. Selon elle, celui-ci serait simple et de courte durée, Alix avait de plus en plus de mal à s'accrocher à cette idée. Elle était dépassée par les événements, ils étaient si perturbant et elle n'avait pas le temps de les analyser correctement. Cela lui pesait. Un grognement de rage la ramena à la réalité.
Adam avait arrêté ses coups d'épée, passant le relais à la dague d'Agatha.
Rien n'y faisait, le mur de liane résistait. Soudain Alix eut une idée. Elle allait user d'un des rares pouvoirs accessible sorcières de son âge, le feu.

- Laissez-moi essayer.

Ses compagnons s'écartèrent. Alix concentra son regard et ses pensées sur le rideau de plantes. Elle tendit la main et dit :

- Ignis.

À la surprise générale, le mur s'embrasa . Les lianes se noircirent et s'effritèrent, jusqu'à former une grande ouverture. Un profond silence s'installa lorsqu'ils remarquèrent les ténèbres qui les attendaient derrière le mur. C'était comme si la forêt était divisée en deux par ce mur végétal, mais pourquoi ? Des raisons de sécurité ? Pour empêcher le mal d'empiéter sur le territoire du bien ? Ou bien pour cacher quelque chose qui devait le rester ?

Alix n'avait même plus la force ni l'envie de réfléchir, alors elle s'enfonça dans cette sombre partie sans consulter ses compagnons de route. Elle en avait plus qu'assez d'assister à tous ces terrifiants évènements sans rien pouvoir y faire. Assez d'être impuissante. Assez d'être faible. Maintenant, les questions à propos du Brouillard n'avaient plus leur place dans son esprit. Elle voulait ce pouvoir, cette puissance, elle en avait besoin. Il était de plus en plus présent en elle, enivrant, obsédant, séduisant...

- Alix ! Attends ! lui criaient les voix inquiètes des jumelles.

- Je sais que cela va vous paraître égoïste mais j'en ai assez de ce voyage, je veux qu'il s'arrête au plus vite ! Astrid nous a dit d'aller tout droit, alors on fonce !

Léo affichait une expression déçue. Il ne se réservait pas le droit de juger quelqu'un qu'il connaissait si peu, mais il ne pouvait s'empêcher de trouver Alix un peu rude. Ses pensées l'emplissaient de honte.

Tous les voyageurs passèrent la porte. Une épaisse obscurité les enveloppa un par un. Il durent donc se débrouiller à l'aveuglette pour avancer.

- Non mais attendez, nous ne pouvons pas continuer comme cela ! On n'y voit rien ! cria Agatha.

- Elle a raison...continua Léo.

Aucune réponse ne fut déclarée.

- Hé ho ! Alix ? Lilwen ? Adam ?

- Je suis là. Léo ? Si c'est une farce mise au point avec la sorcière, c'est vraiment stupide.

- Oh mais c'est pas vrai ! Que se passe-t-il encore ? s'énerva Agatha.

- On s'est perdus, voilà ce qu'il se passe. Et évite de crier, cela m'insupporte.

- Tu n'as rien à dire, on ne se connaît pas !

- Décidément, les sorcières sont toutes pareilles...

Soudain une flamme apparut dans la main d'Agatha et le Mercenaire fut saisi par le poignet. La sorcière s'était furieusement rapprochée de lui, la flamme tout près de sa tête.

- Critique-nous encore une fois et je te crame le visage.

Adam, considérablement plus grand qu'elle, se pencha vers sa figure enragée et eut un sourire narquois.

- Pourquoi cela m'amuse-t-il autant ?

Elle tourna les talons et s'éloigna dans le noir, seulement guidée par sa main enflammée.

- Je savais que tu n'oserais pas me faire de mal ! se moqua Adam la rejoignant.

Agatha marqua une pause.

- Ne m'adresse plus la parole jusqu'à ce que l'on retrouve les autres.

Alix respirait bruyamment.

- Léo ? Léo ?! Il y a quelqu'un ? Répondez-moi !

Elle tâtonnait dans le noir, à la recherche de ses compagnons. Étaient-ils partis à cause d'elle ? S'était-elle perdue ? Et surtout, pourquoi faisait-il aussi noir ? Elle commença à paniquer.

Tu n'as pas besoin d'eux...

Elle sursauta. Une voix venait de retentir, sûrement dans sa tête mais elle aurait juré que cela s'était produit juste derrière elle.

Tu es plus forte seule. Il te ralentissent...

Une forte odeur de sang l'entourait, mais Alix l'a trouvé étrangement réconfortante. Son moral commence à remonter. Elle avait l'impression de connaître cette voix féminine, suave, envoûtante et par-dessus tout, bienveillante. Et puis cette inconnue avait raison ! Si les jumelles et les Mercenaires ne comprenaient pas ce qu'elle ressentait, s'il préféraient l'abandonner, tant mieux pour elle !
Alix se releva, déterminée.

Voilà, c'est ce que j'appelle le courage...

Alix sentit son regard attiré par une lueur rouge au loin dont elle se rapprochait. C'était un pont. Un pont dont elle ne voyait pas le bout, suspendu au-dessus du vide. Il était creusé dans une matière qui rappelait de la lave séchée. Il rougeoyait, éclairant les environs. Aucun autre chemin ne se profilait, Alix était obligée de le franchir. Son courage s'était ravivé à l'entente de cette voix. Une fois qu'elle aurait passé ce pont, elle irait voir Rebecca et son Brouillard serait libéré.

Elle commença à marcher, en quête de cette nouvelle puissance.