🌸 A TRENTE ANS🌸

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Parce qu'il n'est aucunement aisé que de se rendre compte que tout change autour de nous et que certaines choses sont faites pour se passer, quoi qu'il arrive.

Si je devais faire le bilan sur mes trente premières années de vie, je ne saurais les juger car en réalité, j'ai l'impression de n'avoir rien fait. Rien accomplit. J'ai vue le monde tourner autour de moi sans jamais en faire réellement partie : Certains amis sont devenus propriétaires de biens immobiliers à trente ans, d'autres sont devenus propriétaires de bestioles à quatre pattes à trente ans et d'autres sont devenus propriétaires de bestioles à quatre pattes mais chouinantes et capable de remplir des couches plus vite que je n'éternue. A trente ans, il existe des gens qui ont déjà tout fait et tout vu. Ils ont voyagé ou simplement expérimentés tellement de choses qu'ils seraient à même de remplir des pages et des pages d'un livre. Ils ont fait la fête, fait l'amour, fait les quatre cent coups. A trente ans, ils sont libres, indépendants, stables professionnellement, bien dans leur basket en somme.

A trente ans, ils ont vécu leur quart de siècle comme si le monde n'avait aucun impact sur eux et ils savent le montrer.

Moi à trente ans, mon seul exploit est d'habiter encore chez maman, d'avoir courageusement survécu à l'arrachage de mes dents de sagesse, changer deux fois de boulot et d'avoir perdu le dernier dans lequel je me trouvais, et de croire que la vie a encore quelque chose m'offrir car au fond, je reste une grande enfant qui, sans doute, souffre inconsciemment du syndrome de Peter Pan. Je suis l'éternelle gamine, la petite fille qui ne grandit pas. Je suis celle qui collectionne les figurines alors que certains appellent cela des «jouets». Je suis celle qui lit des bande-dessinées et des mangas alors que certains disent que je pourrais aisément lire de «vrais livres». Je suis celle qui aime les couleurs pastels et les petites choses mignonnes, les choses de petite fille. Je suis celle qui joue aux jeux vidéos alors que c'est un hobby «d'ado». Bref, à trente ans, je suis celle qui se retrouve à être une grande enfant.

Pourtant, la vie continue de défiler et je n'ai aucune envie d'en faire partie. Je n'ai pas envie de grandir si cela se résume à sacrifier mes passions, mes petits plaisirs coupables, mes envies. Je n'ai pas envie de grandir si cela se résume à devoir entrer dans une case en arrêtant de porter mes tee-shirts à la gloire de la pop-culture pour les troquer contre des chemisiers à pois. Je n'ai pas envie de grandir si cela se résume à devoir faire carrière dans une entreprise que je n'aime pas et où je devrais me montrer reconnaissante d'avoir un salaire suffisamment élevé pour payer mon loyer mais qui m'enchaînerait au sol, m'empêchant de bouger. De vivre. Je n'ai pas envie de grandir si cela se résume à n'être définie que par mon seul rôle d'être en capacité de donner la vie.

Je n'ai pas envie de faire partie d'un monde où à trente ans, une puissance divine me pointe du doigt et m'ordonne alors de devenir une adulte. Parce que honnêtement, une questionne me taraude, mais : Quand est-ce que l'on sait que l'on est prêt ? Prêt à passer de l'autre côté ? Prêt à abandonner tout ce en quoi on croyait ?

A partir de quand, une publicité sur de l'électroménager nous fait rêver ?

Quand est-ce que les conversations autour de nous ont-elles commencées à changer ? On parle du dernier caca du petit, du chat qui nous coûte un bras chez le veto, de ce fameux pneu de voiture, plus lisse que ma vie sentimentale, que l'on rêve de changer ou bien de ce supérieur qui nous casse quotidiennement les oreilles. On parle de la pluie, du beau temps, de cette météo capricieuse tandis que l'on rêve de revoir ne serait-ce qu'un aperçu de l'été, de l'ouverture des terrasses et au lieu de compter nos petites pièces pour s'acheter une glace, on se scandalise sur l'inflation qu'a prit la feuille de menthe trempant dans notre verre de mojito.

Parce que oui à trente ans, on boit. On boit comme on aime. Beaucoup, passionnément, à la folie et pas du tout. On boit pour fêter tout ce qui nous arrive dans la gueule : La crémaillère de Pierre, l'enterrement de Roger, la promotion tant espérée, le licenciement que l'on a pas vu venir, la venue du quatrième alors qu'on s'était dit «J'en veux juste deux» alors que l'on est en train de créer sa propre équipe de basket-ball. On boit pour tous les événements qui nous tombe dessus sans qu'on soit au contrôle parce que la vérité est là : On ne contrôle rien. Certains donnent l'impression que oui et que l'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt qu'en réalité, l'avenir appartient à Eustache, héritier d'une entreprise bien cotée au CAC40. Et bien évidemment, à cet âge-là, on mets une semaine à s'en remettre car à trente ans, ton corps te fait comprendre qu'il y a des choses que tu ne peux plus faire comme avant !

A trente ans, on aime bien le pointer du doigt Eustache car il représente tout ce que l'on a pas à cet âge là. Il représente la chance et l'argent. Surtout l'argent. Alors on s'invente un attrait pour la politique et on critique. Tout. Absolument tout. On critique le monde d'Eustache. On critique la vie d'Eustache. On insulte l'univers d'Eustache car Eustache c'est notre ennemi à tous. Notre némésis. C'est le gars qui a réussi sans fournir trop d'efforts si ce n'est signé à la fin de son dossier d'inscriptions dans une grande école de commerce payé par papa-maman tandis que toi, à trente ans, t'es là à rembourser ton prêt étudiant. D'ailleurs si t'avais su, t'aurais probablement préféré vendre un rein sur le marché noir plutôt que t'endetter pour des études qui ne te servent pas.

A trente ans, t'as un peu la haine sur tout ça car t'as bossé, mais en réalité tu t'es surtout fait enculer. C'est Eustache le Président Directeur Général, pas toi. Toi t'es dans le commerce ou au mieux dans l'administration et chaque jour qui passe te fait comprendre pourquoi ta paye finit dans le bar du coin.

A trente ans, on te dit aussi que tu as toute la vie devant toi comme on te dit que tes meilleures années sont derrière toi et qu'il est à présent trop tard pour en profiter. Tu repenses à tout ce que tu aurais dû dire, tout ce que tu aurais dû faire et tout ce que tu aurais pu faire si seulement on t'en avait laissé l'occasion. Tu regrettes, tu souhaites remonter dans le temps et en même temps tu hésites car à quoi bon ? Qu'est-ce que je changerai si je pouvais changer quoique ce soit de mon passé ? Cette baffe donnée à Paloma en CE1 qui m'a conduite dans le bureau du Directeur ? Non. Le fait d'avoir triché au contrôle de maths en 4ème ce qui m'a indéniablement donné le goût du risque ? Non. Peut-être que je me trouverais et je me raconterai tout ce qui m'attends, toutes les épreuves, les difficultés. Peut-être que me dirais-je d'être forte ou peut-être me dirais-je d'arrêter de l'être car à quinze ans, tu as le droit de pleurer. Oui, je pense que je ferai tout cela. Je me préparerais à un avenir que je pensais pouvoir conquérir et qu'au final m'a roué de coups pour ne me laisser que des cicatrices, des rappels. Des leçons.

Parce que oui, à trente ans, en théorie, on en a apprit des leçons !

On sait que le monde entier ne sera jamais notre ami. On sait que le théorème de Thalès et de son copain Pythagore ne nous servira jamais. On sait aussi qu'il est plus important de savoir remplir une fiche d'imposition plutôt que douze pages de dissertation. On sait que le karma se charge de la majorité des gens, avec le temps. On sait aussi qu'il ne faut jamais ô grand jamais sous-estimer l'importance d'un paquet de pâtes (En sauce, en gratin, en salade). A trente ans, on sait que papa n'avait pas tout à fait raison et que maman n'avait pas tout à fait tort non plus. On sait que les gens changent, profondément, au fur et à mesure des années et que certains ne nous veulent pas forcément que du bien. On sait aussi qu'il est impoli de parler d'argent à table comme de politique, deux sujets que l'on préfère laisser Eustache s'en charger car comme ça, c'est lui qui prendra le verre de vin à la figure.

A trente ans, on sait que la vie n'est pas toujours marrante et que parfois elle est même plutôt usante, mais qu'il y a de tout petits moments qui méritent d'être vécus au moins une fois.

Et puis enfin, à trente ans, on sait plus que quiconque qu'il est essentiel d'essayer. Essayer de faire de son mieux. Essayer d'aller mieux. Essayer de croire en soi. De croire en ses rêves. Même quand on a pas toutes ses dents et que l'on vit encore chez maman.

La trentenaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant