🌸 QU'EST-CE QUI NE VA PAS CHEZ MOI ?🌸

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Je me demande comment j'en suis arrivée là ? Comment je me suis rendue compte qu'il y avait ce décalage permanent entre mon entourage et moi-même ? C'est comme si, malgré tous mes efforts, malgré toutes mes tentatives pour essayer de m'y raccrocher tant bien que mal, le monde avait un pas d'avance sur moi.

- Alors ? Il paraît que le petit va avoir deux ans dans un mois, non ? Qu'est-ce que cela doit vous faire drôle !

A ma gauche, ça discute bébé. Les conversations typiques de jeunes parents que seuls d'autres jeunes parents peuvent comprendre ou auxquelles ils peuvent se raccrocher aisément car ils vivent des expériences similaires les uns aux autres. Ici, on souffle devant l'augmentation qu'a prit le paquet de couches et on s'étonne que la petite Apolline, dix-huit mois, soit déjà si douée dans absolument...Tout ce qu'elle entreprends. Car oui, visiblement tous les bébés naissent en tant que grands génies. Dommage qu'ils régressent ensuite. On papote sur les difficultés de trouver une nounou ou bien sur cette horrible maîtresse d'école qui ne lâche pas les petits à l'heure, et si, par la même occasion, on peut également tacler son prénom à la maîtresse, eh bien on y va franco. Après tout, quelle idée que de s'appeler Cunégonde de nos jours ! Toutefois, entre deux moqueries puériles, on s'échange des astuces et des bons plans : Telle tototte plutôt que celle-ci, on privilégie telle marque de lingette plutôt que celle-là, on souffle les bons codes promos et surtout...Les noms des bons médecins. Très important celui-là !

- Ouais, là on a entamé les travaux de la salle de bain, mais je pense que tout est à refaire même si on était juste partie pour changer la douche et installer une douche à l'italienne à la place. Ca va forcément nous prendre l'été ces conneries, mais bon...Faut ce qu'il faut pour être bien chez soi, hein !

A ma droite, on est plutôt dans la petite équipe des jeunes propriétaires. Ceux qui achètent alors que le prêt étudiant vient à peine d'être remboursé. Il est vrai qu'il n'y a rien de tel qu'avoir une maison à soi et de préférence avec plus de jardin ou de fenêtres que chez le voisin. Ici ça parle mètre carré, poutres, charme et j'en passe. Je n'ai pas grand intérêt non plus pour ça.

D'ailleurs, je n'ai aucun intérêt dans aucune des conversations lancées à table, mais me voilà, prise entre deux feux, assise au milieu de gens qui, je pense, ont oubliés que j'existais.

Personne ne se souci réellement de savoir ce que j'ai fais aujourd'hui ou de ce que je ferais demain. Si je vais bien. Comment pourrais-je leur en vouloir, je n'ai pas sortie un mot de la soirée. J'ai écouté ce qui se passait, j'ai levé les yeux au ciel quatre ou cinq fois alors qu'on n'est même pas encore arrivé au dessert et je dois être à mon troisième diabolo depuis le début du retard. Waw. C'est vrai qu'avec ça, je vais vachement me saouler la gueule, mais en ai-je besoin ? Pas vraiment.

Il n'y a que les «adultes» pour se bourrer la gueule et te dire au bout du troisième verre de rosée «Non, ça va». Parce que c'est bien connu, les «adultes» boivent pendant les repas et moi, on me pointe encore du doigt parce que je ne bois pas. Parce que je préfère trouver mon bonheur dans du Coca cerise que dans du Don Papa et si vous ne savez pas ce que c'est, grand bien vous fasse ! Parfois, je les soupçonne de m'inviter uniquement pour être la petite curiosité de la soirée et comme une idiote qui n'a toujours pas apprit sa leçon... J'y vais.

J'y vais alors que je préférerais mille fois être chez moi, dans mon canapé à mater toute une série. Je peux me le permettre, maintenant une saison c'est huit épisodes. Je préférerais mille fois être chez moi, dans mon lit, vautré, position étoile de mer, à jouer à la console et à rembourser mon prêt de clochettes à Tom Nook car il me terrifie plus que mon propre conseiller banquière que je ne vois jamais car...hé ! Je ne fais pas de prêt. Ni à la consommation, ni immobilier, ni rien.

Parce que moi, à presque trente ans et des poussières, je vis encore chez ma mère.

Alors aux yeux de la loi, je pourrais très bien tuer quelqu'un et finir en prison, mais aux yeux de la société, je ne suis pas digne d'intérêt parce que je ne suis pas une adulte responsable et j'insiste sur le responsable, entendez-moi bien. Pour la société, je suis une ignominie ou au mieux, tout simplement un ovni car par les temps qui courent comment pourrais-je toujours vivre chez ma mère ? C'est vrai, tout le monde a son petit chez soi, son appart', sa maison et moi je traîne dans la même chambre qui affichent encore les traces de colle d'anciens posters sur les murs. Je me souviens même de ce gigantesque poster d'Orlando Bloom que j'avais juste au dessus de mon lit car je me disais que comme ça, il y aurait bien quelqu'un pour veiller sur moi. Hélas, en grandissant le poster a été remplacé pour n'être aujourd'hui qu'un mur contenant divers souvenirs épinglés sur un tableau en liège.

Des souvenirs que je semble être la seule à chérir.

Les premiers ciné.

Les premières sorties en boîte.

Les premiers campings entre copains.

Les premières folies que l'on peut avoir dans une vie.

A chaque objet : ticket, serviette en papier, feuille arrachée d'un carnet, photos, il y a un souvenir qui y est raccroché. Parce que je suis comme ça, j'aime me souvenir. J'aime à me dire qu'un jour, moi aussi à ma façon, j'ai vécue mon lot d'aventures même si aujourd'hui ma vie me paraît bien insipide et fade.

Je ne suis pas cadre dans une grande entreprise ni n'est eu de grande promotion.

Je ne suis pas mère d'un bébé qu'il soit humain ou bien animal.

Je ne suis pas propriétaire de ma propre maison située dans un quartier sympathique. Je ne suis même pas propriétaire de la voiture que je conduis car surprise, surprise, je ne conduis pas, ça me terrifie. Personnellement, je suis de ces personnes qui aiment souffrir et marcher des kilomètres en prenant un bus ou un vélo plutôt que de conduire une auto. Ces engins sont terrifiants.

Et enfin, pour couronner le tout, je n'ai rien à raconter parce que je ne fais rien de mes journées.

Je ne pars pas en voyage à droite, à gauche.

Je ne vais pas de soirées en soirées telle une abeille qui passe de fleurs en fleurs.

Je n'ai rien réalisé. Rien fait.

Et quand je fais le constat de tout ça, je me demande sincèrement ce qui ne va pas chez moi ?

La trentenaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant