J'ai toujours détesté la vie d'adulte et je ne sais même pas quand est-ce que la prise de conscience a commencée. Etait-ce quand j'ai réalisé que les gens de ma génération, mes amis, commençaient par s'installer, se marier et avoir des enfants ? Ou bien était-ce quand j'ai reçu ma première fiche d'imposition ? Ah non, c'était sûrement quand j'ai pleuré en écrivant ma cinquantième lettre de motivation pour avoir un travail pour lequel je n'éprouvais aucune motivation et aucun intérêt.
Oui, j'ai toujours détesté la vie d'adulte car j'ai réalisé alors que je ne pouvais plus me cacher, que je ne pouvais plus fuir et que souvent, j'étais confrontée à des choses, des événements ou bien même des gens que je n'appréciais pas vraiment. Tout était plus simple quand j'étais gamine car je pouvais me battre et tout ce que je craignais c'était de finir dans le bureau du directeur ou bien de prendre une fessée mémorable à la maison, mais ça s'arrêtait là. Aujourd'hui, si je mets une patate à quelqu'un, je risque fortement de finir au commissariat de police.
Aujourd'hui, quand je pleure, on me regarde bizarrement en me disant de me ressaisir car ce n'est et je cite «qu'une mauvaise passe». Alors pourquoi ai-je l'impression que la mauvaise passe s'éternise ? Pourquoi ai-je l'impression que je n'arrive pas à remonter la pente et que quoi que je puisse faire, rien ne s'arrange ?
Je sais pertinnemment que l'on attends des choses de moi et que l'on place des espoirs en moi. Je sais qu'inconsciemment, je porte un poids, invisible, sur mes épaules et c'est quelque chose qui m'insupporte car je n'ai jamais demandé à avoir ce rôle. Je n'ai jamais demandé à ce qu'autour de moi, on attende quelque chose de moi. Je n'ai jamais demandé à être «l'adulte responsable» de la table pendant que toute la famille se fout sur la gueule.
Dieu que c'est épuisant !
Il n'y a rien de plus éreintant que les autres adultes car eux ont le droit de faire des choses. Eux ont le droit de pleurer. De péter un câble. De monter dans les tours. D'exploser. Eux s'offrent le droit de dire ce qui leur passe par la tête sans devoir faire attention aux conséquences ou plutôt sans y réfléchir.
Parce que les autres s'affranchissent de tous les interdits, mais pas moi. Je n'en ai pas le droit et on m'a enlevé ce droit.
«Soit la plus intelligente», «Soit plus ouverte», «Accepte de discuter», «Prends sur toi», «Ça ira, tu verras».
Pourquoi c'est toujours à moi que l'on dit ça ? Pourquoi cela serait à moi que d'être ouverte à la discussion ? Pourquoi cela serait à moi que d'arranger les choses ? Pourquoi cela serait à moi de prendre sur moi ? Franchement, je ne comprends pas.
D'aussi loin que je puisse m'en souvenir j'ai toujours détesté la vie d'adulte et je ne sais même pas quand est-ce que la prise de conscience a commencée. Quand est-ce que j'ai compris, tout simplement, que je vivais dans un monde qui ne me plaisait pas ? Que je ne comprenais pas ? Qui allait mille fois trop vite pour moi ?
Peut-être que cela s'est fait quand j'ai réalisé que les adultes qui m'entouraient été tout aussi paumés que moi tout compte fait.
Pas un seul n'avait les réponses que j'espérais et parfois même cela se terminait en un «Tu comprendras plus tard», «Quand tu seras plus grande», «Tu verras quand ça t'arriveras» et quelque part, je crois que je leur en veux un petit peu à tous. Je leur en veux de ne pas m'avoir dit ou de ne pas avoir su me dire les choses. De ne pas m'avoir préparée. De ne pas m'avoir expliquée. Je leur en veux de m'avoir lâchée dans un monde dans lequel chaque journée me paraît être un combat acharné.
Je leur en veux de m'avoir lâché, un jour, dans le monde des adultes car même encore aujourd'hui, à trente ans, je ne suis pas certaine d'avoir les réponses à toutes mes questions et parfois je me dis même que je ne les aurais probablement jamais et c'est terrifiant.
C'est terrifiant car viendra un jour, où moi aussi, je lâcherai quelqu'un dans ce monde-là.
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La trentenaire
Short StoryParfois, on se retrouve dans une phase où l'âge est ingrat. Nos amis se marient, deviennent parents ou bien propriétaires, on ne court plus après le bus, mais on râle dans les bouchons et on regrette l'époque où tout était...plus simple. Parfois, o...