Texte n°8: L'horreur

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Je me tapissais dans l'ombre d'une sentinelle, à l'abri des regards menaçants et des bombes phosphorescentes. Cette pluie incessante camouflait la violence des combats, nous n'entendions que les murmures des coups de feu. De temps en temps je me hasardais à l'extérieur, les gouttes brutales explosaient sur mon visage, ma vue était trouble et je distinguais à peine à cinq cent mètres de ma position. Je me sentais oppressé par tous, la chaleur humide et étouffante, cette pluie impénétrable, l'odeur putride de la chair humaine en décomposition. A côté de moi gisait un corps nu, dépourvu de dignité. Le monstre qu'avait pu habiter ces entrailles, était maintenant réduit à l'état humiliant de cadavre. Le trou dans lequelle nous nous étions réfugiés ressemblait à une pièce close et noir. Il n 'y avait rien au fond de ce gouffre, aucune lueur d'espoir.

Depuis plus de vingt minutes nous étions là. J'étais toujours posté dans mon coin sale. Harry, un simple soldat avec qui je m'étais lié d'amitié, était assit face à moi. Ces ongles noir grattaient le sol inlassablement, trahissant cette ardeur qu'il cherchait tant à afficher. L'anxiété découpait son visage en de durs traits. Comment le réconforter ? Comment cette idée pouvait-elle me traverser ? Le réconforter de quoi, d'abord? Il n 'y avait rien de guérissable, tout avait été contaminé. Son jugement avait été proclamé au moment où son pied d'américain avait foulé le sol vietnamien. Son Destin avait été tracé dès ses premiers pas. Jack, un officié de notre douzième division, fumait dans cette pièce, la lueur rougeâtre de sa cigarette était le seul point de lumière. Un cercle où notre œil s'attardait et était hypnotisé par ce feu ardent. Ses yeux à demi-clos ne semblait rien voir. Son regard était plongé dans l'obscurité. Les moiteurs de son front blême présageait du paludisme. Qui sait quand il s'éteindra? Tous le monde restait sans réponse.

L'orage grondait comme un tigre enragé. Même la faucille et le marteau ne cognaient pas autant que la foudre. Je n'arrivais à m'enfuir de ce monde, l'orage se fracassait contre mes pensées, anéantissant tous. La pluie noyait mon esprit. Je n'arrivais plus à penser, je n'arrivais qu'à avoir peur. Cette dernière me dévorait. Je me mordais les doigts de terreur. Ce sentiment obsessionnelle de liberté était emprisonné dans cette guerre. Nous n'étions que des machines à tuer. Nous n'étions plus des hommes. Nous n'étions que des morts vivants assoiffés de vengeance quand le moment se présentait.

Ah, ces enfoirés de vietcong, mon regard posé sur leurs sales têtes compressées était plus haineux que n'importe quoi. Il se faufilait partout comme des rats, genoux au sol, ils arrachaient leur chair jusqu'au dernier lambeau. Alors j'épargnais cette souffrance en leur tirant douze balles dans la gueule. Quel soulagement ! J'aurais préféré me blottir contre un rat que sentir leur odeur de communistes sur moi. De toute manière j'avais droit aux deux !

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