SUNFLOWER SERENADE ➹ minchan

• chapitre 1

Minho s'épongea le front et bascula ses cheveux en arrière, eux aussi trempés de sueur à cause des hautes températures estivales. Il s'essuya les mains à l'aide du tablier vert qu'il venait d'enlever quelques instants auparavant, puis le reposa à l'arrière de son pick-up, sur l'une des caisses en bois qui servaient à transporter les légumes.

— À samedi prochain, Minho !

Il se tourna vers la voix féminine qui venait de retentir derrière lui et leva le bras pour faire signe à celle qui l'avait interpellé depuis le siège passager d'un véhicule similaire au sien. La jeune femme secoua vivement la main en retour, un large sourire collé au visage tandis qu'elle passait la tête par la fenêtre. Ses longues mèches brunes virevoltaient au vent et lui donnaient un air encore plus jovial. Minho pouffa de rire et contourna le pick-up après avoir recouvert la benne de la toile de protection. Armé de sa bouteille d'eau, il grimpa derrière le volant et but une bonne partie du contenu. Le soleil était haut dans le ciel, dispersant ses rayons sur tout le village. Toute la semaine avait été aussi chaude et éreintante, et Minho n'en avait pas terminé pour autant.

Il démarra sa voiture avec bien du mal. Il avait l'habitude de devoir tourner la clé plusieurs fois avant que le moteur vrombisse enfin, mais c'était de pire en pire, et il craignait qu'un jour elle lui claque entre les doigts. Il savait qu'il devait l'emmener voir un garagiste au plus vite mais, faute de moyens, il repoussait toujours ce moment. Mais s'il se retrouvait sans véhicule du jour au lendemain, il allait avoir de sérieux problèmes pour se déplacer dans les villages alentour afin de vendre ses produits. Il soupira et jeta un coup d'œil dans le rétroviseur intérieur, un gros bus le suivait, sans doute celui de la gare voisine qui desservait tous les villages du coin pour y déposer ceux qui revenaient de leur travail en ville, ou de leurs courses.

Minho vivait dans un petit hameau au sud-ouest de la Corée, un endroit pittoresque entre les rizières, les champs et les montagnes, avec très peu de maisons. Il cohabitait avec ses grands-parents et Minji, sa petite sœur de huit ans. Il avait douze ans de plus qu'elle, loin d'avoir les mêmes centres d'intérêt, mais ils s'entendaient à merveille. Elle était mature pour son âge, comme lui avait dû l'être lorsqu'il s'était retrouvé à devoir endosser des responsabilités d'adultes alors qu'il n'était encore qu'un enfant. Leur histoire faisait qu'ils étaient soudés, toujours l'un avec l'autre dès qu'ils le pouvaient. En réalité, Minho ne vivait que pour Minji et son bonheur. Il s'assurait qu'elle ne manquait de rien, quitte à s'oublier lui-même. De toute façon, il n'avait que très peu de temps à s'accorder, surtout depuis qu'il avait arrêté ses études à l'aube de ses quinze ans.

Ses grands-parents possédaient une ferme et avec la vieillesse qui s'était installée, ils peinaient à faire leur travail et à joindre les deux bouts. Ils avaient bien eu quelques employés, mais ils coûtaient cher et ils n'avaient plus eu les moyens de les payer. Minho avait donc assumé une multitude de rôles à un très jeune âge pour leur permettre de vivre un quotidien plus calme et moins stressant. Son grand-père avait eu de graves problèmes de santé qui ne lui permettaient plus de faire un travail physique. Et sa grand-mère avait déjà beaucoup de choses à faire, il ne l'aurait pas laissée s'occuper des animaux, des plantations et de la maison en même temps. Alors il avait arrêté le lycée pour faire vivre la petite exploitation familiale. Et il aimait ça. Il adorait retrouver les lapins, les poules et les chèvres qui gambadaient çà et là dans la cour et les pâtures. Il aimait passer du temps dans les serres pour arroser ou récolter les fraises et les pastèques. Il appréciait de travailler la terre, de voir les légumes pousser, d'admirer le résultat de son dur labeur. Et il aimait aussi aller dans les champs de tournesols pour simplement profiter d'un moment de détente avant qu'ils ne disparaissent à la fin de l'été.

Cette vie, Minho la chérissait, car elle avait été là pour le sauver d'un quotidien rythmé par une violence physique et mentale insoutenable. Ses parents — s'il pouvait les appeler ainsi — n'avaient jamais été exemplaires, bien au contraire. Il était arrivé dans un couple déjà au bord de l'implosion ; un père qui ne pensait qu'à fuir la maison dès qu'il le pouvait, une mère qui passait ses journées à boire et à fumer devant un écran de télévision. Ils ne l'avaient pas désiré, il avait été le fruit d'une relation qui aurait dû être passagère, un coup d'un soir sans importance, mais sa mère était tombée enceinte alors ils avaient été contraints de se marier pour ne pas faire honte à leurs familles. Comme si cela allait arranger la situation…