Elle. Me. Connaît. Vraiment.
Elle me connaît alors que nous devrions habiter à presque 6000 kilomètres l'une de l'autre. Elle a fréquenté mon café et sait qu'il n'y a plus rien. Je lui ai donné un plan de vie pendant que le miens s'écroulait. Comment? Comment c'est possible ? Est-ce que Lou savait et c'est pour ça qu'elle voulait absolument que j'aille voir cette femme? Et puis? Comment j'ai fais pour oublier ma centième première cliente ?
Il y a beaucoup trop d'informations pour moi depuis que j'ai mis les pieds ici. Lima était plus calme, personne ne me connaissait visiblement, je pouvais faire ce que je voulais et je n'avais pas trop de tracas mais ici. Ici, les questions, les milles et uns sentiments inondent mon cerveau.
Après cette pause au café et tous ces aveux j'ai décidé d'aller faire une sieste pour digérer tout ça... et effectivement quelle sieste....Jour 3:
Je me réveille toujours vêtue de mon chandail rouge et ma jupe en jean de la veille. Je me rend compte que j'ai fais bien plus qu'une sieste.
Je regarde mon téléphone 10h18. J'aperçois une tonne de notifications. Certaines de Lou qui me demande des nouvelles de la journée d'hier, d'autres toujours de Lou qui me prévient que ça va être un peu compliqué pour la joindre ces prochains jours au moins. Elle ne me précise rien de plus et ça m'inquiète un peu mais peut-être qu'elle a retrouvé un travail? D'autres notifications sont des demandes d'amies Instagram et Facebook de gens que je ne connais même pas. Je remarque toute fois que toutes ces personnes sont abonnées à Enola. Sont-ils ses amis ou ces gens font-ils partis de ces moutons répondants à l'appel de l'algorithme? Mais une notification attire particulièrement mon attention.Appelle moi quand tu peux. Maman chérie :-)
Je répond à toutes sauf celle-ci. Qu'est ce qu'elle me veut? N'ont-ils pas été assez clairs la semaine dernière quand à leur déception ? N'ai-je pas été assez claire quand à ma colère et ma tristesse? Non. C'est hors de question de la laisser revenir comme une fleure, comme si de rien n'était, comme avant. C'est vrai que c'est triste d'en arriver là. Je suis leur seule enfant aujourd'hui.
Autrefois j'avais un frère. Il s'appelait Anthony. Nous nous entendions à merveille, ce qui avait tendance à énerver nos parents car il n'était pas rare que nous fassions des bêtises. Je me souviens, j'avais 10 ans et lui 11 quand nous avons gribouillé sur la nouvelle Mercedes de papa. Il faut dire qu'elle était vraiment horrible, et puis c'était notre façon de lui rappeler notre présence. Papa rentrait souvent tard ou alors ne rentrait pas du tout puisqu'il était en déplacements. Les rares fois ou il était à la maison nous ne pouvions pas vraiment aller le voir.
- Papa est fatigué mes chéris. Il viendra nous rejoindre au souper.
- Mais maman! Cela fait des mois que papa est parti, il a bien du avoir un peu de temps pour se reposer avant d'arriver à la maison pour accueillir ses enfants comme il se doit quand même...
- Anthony grondait maman, j'ai dis qu'il sera là pour le souper. Es-tu à deux heures de plus?
- Oui maman, nous sommes à deux heures de plus ou de moins. Si toi tu arrives à le supporter tant mieux mais nous ce n'est pas le cas. En tout cas pas après autant de temps. Sur ce, je vais aller me faire toute belle pour que papa daigne remarquer que nous grandissons à une vitesse folle sans lui.Ce simple souvenir me fait sourire. C'était toujours la même discussion au retour de papa. Je pense que ces absences répétées faisaient plus de mal à maman que ce qu'elle a toujours voulu nous faire croire. Mais, elle avait reçu une éducation visant à ne pas montrer nos failles en temps que mère de famille. Nous avons vécu comme ça jusqu'à mes 14 ans. Comme tout les soirs, Anthony et moi devions rentrer ensemble à la maison après les cours, mais ce soir là personne ne m'attendait proche de la grille. Je me suis dis que j'avais du sortir un petit peu plus tôt que d'habitude alors j'allais attendre mon frère. Les minutes et les heures passèrent mais toujours personne n'arrivait. Ce soir ci, je couru jusqu'à la maison en espérant le voir attablé dans la cuisine s'excusant de m'avoir oublié. Mais non. Personne. Ni dans la cuisine. Ni dans sa chambre. Ni devant le mini potager. Personne nulle part. Maman vient de rentrer et en voyant mon air horrifié me demande ou est mon frère. Je cours dans les bras de ma mère en pleurant de toute mes forces et lui expliquant toute l'histoire. Depuis ce jour là... depuis 21 ans maintenant nous n'avons plus de nouvelles de mon frère adoré et maman me tient parfois pour responsable de ne pas avoir su arriver à temps pour voir ce qu'il s'était passé. Au fil des années je n'ai cessé de décevoir maman, dans mes choix, mes actions, mes pensées. Comme si quoi que je fasse je n'arriverais jamais à me faire pardonner pour cette chose que je n'ai pas faite. Donc oui, aujourd'hui sa seule enfant lui tourne le dos parce que trop c'est trop. Je laisse donc la petite notification sur l'application SMS et commence ma journée.
Il me reste de quoi faire des pancakes de mes courses d'hier matin. Je m'attable devant la grande baie vitrée du salon et je me demande quelles surprises m'attendent encore ici. J'ai bien l'impression que les jours qui me restent dans cette ville vont eux aussi être hauts en couleurs.
Aujourd'hui je n'ai pas envie de rester en ville. J'ai l'impression que tout peut arriver au coin d'une rue et je n'ai franchement pas envie. Pendant mes recherches en arrivant, je m'étais rendue compte que je n'étais pas très loin des chutes du Niagara. Les sites conseillaient d'y passer deux jours. Je vais faire ça. Aller prendre l'air.
Je décide donc d'aller passer deux ou trois jours au bord des chutes du Niagara. Il parait que cet endroit apporte un calme absolu malgré tout ces touristes venant les admirer. Je ne sais pas vraiment si j'envoie un message à Enola pour lui proposer de venir avec moi. Peut-être que je lui proposerais de se revoir une fois avant que je m'en aille vers ma prochaine destination.
Je décide d'aller préparer mes affaires et de me rendre au départ de l'autocar. Après environ deux heures de route nous arrivons enfin à destination.
Je me demande si le papa de Lou aurait voulu passer ici. Ces cascades constituent la frontière entre les Etats-Unis et le Canada.
Je recommence à raconter mes découvertes à ma caméra. Marie-Jeanne comme s'est amusée à l'appeler Enola.

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A Nos Bonheurs
Teen FictionJessica: Je pourrais partir, m'éloigner de cette vie parisienne quelques temps pour me ressourcer, digérer et trouver un nouveau plan de vie. Lou: Ce lancer dans un projet fou est aussi ce dont rêvais Lou. Un roman ou le voyage est mêlé aux sentime...