Tel que je suis

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L'horloge tourne, il est à peine 20 heures. Comme d'habitude ma sœur doit être en train de travailler à cette heure-ci. Tampis, je l'appellerai plus tard. Je dois lui parler de ce concert qui va sûrement l'intéresser. Je ne sais pas si elle va quitter tard ce soir.

Je suis encore là à devoir poireauter pour rien.... .

Quand est-ce qu'il va se décider à venir ?

J'attrape mon téléphone, une notification apparaît.

Marcus a encore essayé de m'appeler. J'ai oublié de lui envoyer un message ce matin pour lui dire que je quitterai à 22 heures.

J'aime bien ce petit travail pour le moment. Mais j'espère bientôt avoir assez d'argent pour rattraper les gaffes de ma tante. Elle a encore dépensé plusieurs milliers d'euros. A ce rythme là le personnel de la banque va rapidement développer des tumeurs cancéreuses. Elle fait un métier super et elle gagne bien sa vie. Mais je vois pas pourquoi elle s'obstine à toujours en faire trop. Bon c'est pas tout ça mais j'ai encore des archives à classer, tampi pour ce type.

Actuellement je travaille dans un musée. Il m'ont recrutés pour mon soi-disant sens de la culture développé et comme mon frère est passionné d'histoire; il m'a appris pleins de trucs. Je préfère de loin ce travail, que de me retrouver dans une situation délicate. Mes parents doivent essuyer toutes les dettes de ma tante et moi je dois assurer un confort matériel à mon ménage.

Depuis dix ans nous nous envoyons des lettres avec Owen. En réalité c'est un ami d'enfance. Donc on peut pas dire qu'on s'envoie des lettres depuis l'âge de trois ans. C'est juste que nous voulions ajouter un peu d'originalité à nos écrits. Il y a un côté plaisant à l'attente. L'impatience peut nourrir l'esprit c'est vrai. Elle permet de chasser l'ennui, que j'ai trop ressentit avec mon ex Andrew. Il était beaucoup trop vieux jeu pour moi. Au moins avec Owen je me sens électrisé par tout ce qu'il me dit. Même un simple bonjour se transforme en une poésie parfaite. Il a vite compris qui je serais en couple. Après je lui ai déjà mâché le travail. Il me connaît depuis que j'ai cinq ans et demi.
Je l'admirais déjà quand on avait onze ans. Quand je l'ai connu au début j'étais juste en train d'apprendre à le connaître. C'était si drôle de manger à la cantine avec lui le midi. Il faisait toujours le pitre. En primaire, j'étais toujours à la bonne table. Avec Owen et Victor, on s'amusait au uno de la mie de pain. Le principe était de jouer au uno, sauf que ce n'était pas les règles classiques. En fait, lorsque celui qui avait un trois quand les autres avaient un neuf ou un cinq, le pouilleu appelons ça comme ça; devait faire un collier avec la mie du pain avant la fin de la semaine de cours. On s'amusait beaucoup tous les trois.

Au final, le temps qui passe c'est pas un drame. J'veux dire c'est vrai quoi ça nous empêche pas de garder contact des années durant, même par correspondance épistolaire. C'est ce qu'on a fait avec Owen durant dix ans, sans s'envoyer de messages. Au lycée et en études supérieures c'était drôle. Ça tombe bien parce-que Owen adore les pièces de théâtre. Il a donc fortement apprécié le côté Roméo et Juliette de notre relation. C'est toujours mieux que 'Les liaisons dangereuses' de Laclos . Au moins on est pas du type libertin. En plus, lorsque la question des limites à fixer s'est posée, on était déjà sûr de notre réponse, mais simplement pour le plaisir de l'entendre on a préféré se poser quand même la question. Sommes-nous exclusifs ? La fameuse question, évidemment oui. Oui je sais ça pourrait s'écarter de mon image de bad girl. Mais je suis plusieurs personnes à la fois. Dans la vie nous sommes rarement une seule personne.

Je fixe ma montre quand je vois qu'il est déjà 21h45, je vais pouvoir rentrer. Au fait je vous l'ai pas dit mais j'habite à Paris mais j'aimerais habiter à Mar del Plata en Argentine. Ma troisième passion après les livres et la musique c'est le surf. Avec Owen on prévoit d'acheter un van . C'est pratique et c'est très sympa pour voyager avec ses potes.

Après avoir fini de classer les derniers dossiers, je prends mes affaires et sort du bâtiment. Je mets la clé dans le contact puis démarre la voiture. Je mets la radio, je suis sur la station de RTL. Il n'y a rien de très intéressant ce soir. En général je mets cette chaîne, au moins quand il n'y a rien je m'ennuie moins.
Aujourd'hui c'est au sujet de l'adoption. Sauf que ça devient compliqué d'adopter des enfants qui viennent des quatre coins du monde. La question de l'immigration pose problèmes pour certains et les français ont déjà du mal à subvenir à leurs besoins. Peu importe, moi je suis pas du genre à renoncer à mes idées. Je me laisserais pas influencer par leurs statistiques ou tendances je sais pas trop quoi. C'est toujours la même chose des tonnes de moyennes pondérées ou pas juste pour des sous, en ce moment j'en entends trop parler de l'oseille. Bon là c'est lié à un sujet important. Du moins, un sujet qui me touche. J'ai toujours rêvé d'adopter quelqu'un dans le besoin. Depuis toujours je dois aider les gens de ma famille. Ce qui est bizarre dans la mienne c'est que ce sont souvent les adultes comme ma tante qui en ont besoin. A croire qu'ils adorent nous donner le sentiment qu'ils profitent de nous.... j'vous jure. Heureusement mes parents m'ont épargnés jusqu'à ma majorité de trop gros soucis. Ils voulaient que leurs enfants puissent avoir une enfance et une jeunesse heureuse. Maintenant j'en ai 25, bientôt 26. Le temps passe vite, avec Owen on le voit pas passer. Il vient nous saluer chaque années mais ça marche jamais.

Encore quelques kilomètres et nous sommes arrivés dans dix minutes. Après avoir passé la dernière intersection, je regarde le véhicule devant moi s'éloigner. Je viens prendre sa place pour me garer. Pressée de me mettre au chaud, je prends mes affaires d'un geste, descends de la voiture, la verrouille puis fonce dans les escaliers. A force de piétiner dans le musée, ça me fait mal aux pieds. Je préfère donc m'amuser à courir et tampis si je fais du bruit. Une fois arrivée au cinquième étage de la résidence privée, Owen m'entend frapper à la porte. Il ouvre puis m'accueille avec un baiser en me serrant fort contre lui.

Ma Juliette d'amour ! s'exclame-t-il.

Génération ClaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant