Chapitre 7 Salamandre

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Le temps écoulé ici était complexe à évaluer. Je parvenais enfin à reconnaitre les jours des nuits. Il y avait une légère modification dans la teinte de l'astre, lorsque l'on passait de l'un à l'autre. La journée, l'effet tirait plutôt vers le rouge et le rose, s'assombrissant tout de même pendant la soirée. Cela faisait donc combien de jours que j'étais ici ? Cinq ? sept ? Trop pour que je continue à me tenir tranquille. Les lieux semblaient toujours aussi vivants et en même temps déserts. On devait se cacher de moi, je ne voyais que cela. Malgré mes jours passés ici, je n'avais osé aller dans les autres pièces. Sur quoi serais-je tombée ? Quelque chose d'informe prêt à me dévorer ? Il n'y avait que ce bruit de marteau et d'enclume, au dix-septième étage - j'avais fini par les compter – sans que la porte ne s'ouvre.

Mon rituel était simple : je commençais la journée par un entrainement de musculation léger, un bain puis un petit déjeuner. Je tentais de cerner ce qui était marqué dans les livres ne reconnaissant que les quelques rares images illustrant des cérémonies ou duels, puis venait un autre repas avant d'arpenter les mêmes chemins chaque jour. Il me semblait discerner un peu mieux les créatures du jardin. Des sortes de loups ? En tout cas, ça y ressemblait. Tournant comme un lion en cage, je m'étais réveillée ce matin bien plus tôt que d'habitude. Loupant même mon entrainement habituel, je me dirigeai vers la salle de bain. Les blessures avaient laissé place à des courbatures, mais j'étais certaine d'être un peu plus musclée ! Cela pourrait s'avérer utile, si je devais sauver Rose des griffes d'un démon. Je me donnais cet espoir tout en mimant des coups de couteau dans le vide, seule dans ma salle de bain. J'étais... pathétique. Je savais que cela ne servirait à rien et me voilais la face. J'enlevai l'une des robes que me prêtait généreusement Sakura, la suspendis à un crochet et me laissai tomber dans le bain tiède, duquel je sortis aussitôt en hurlant. Quelque chose venait de me toucher la jambe !

EH ! J'ai pas encore eu le temps de le chauffer ! Patience miss !

La voix résonna dans ma tête et je plaquai les mains sur mes tempes. C'était un appel aigu et nasillard, comme une voix d'adolescent qui n'avait pas encore mué. Je cherchai d'où ça venait avant de poser mon regard sur la baignoire. Trempée et ayant inondé la moitié de la pièce, je grelotais faiblement. Quand quelque chose remua dans l'eau, je croisai les bras sur ma poitrine et remontai une jambe dans une position pudique plus que défensive, m'attendant à croiser un quelconque pervers. Ce qui sortit de l'eau était tout autre. Une tête plate, noire et orangée, un museau et de grands yeux noirs dont on ne pouvait connaitre la direction exacte. La texture de sa peau semblait être celle d'un amphibien. La chose s'extirpa sans difficulté de la baignoire. Elle faisait la taille d'un petit chien et possédait six pattes. Une salamandre ?!

Si tu veux prendre ton bain à l'aube, faut prévenir ! Et je suis pas un esclave !

Je bégayai devant cet être sorti de nulle part. Je ne l'avais jamais remarqué. Qu'est-ce que c'était que ça ?!

Appelle moi maître car je suis le grand Philoctète !

"Que se passe-t-il ici ?"

La porte s'ouvrit à la volée, dévoilant Sakura armée de sa lance. Ses chaines tintèrent et son regard vira au rouge.

"Phil, dégage de là !"

Je suis chez moi ici. Personne ne me provoque dans MON domaine !

A peine la créature avait-elle mentionné cela que la femme le saisit par la queue et le souleva de terre. Il se débattit, avant de se laisser peu à peu aller, pendant comme un trophée au bout d'une ficelle. Pris de cette manière, il semblait pitoyable et étrangement vulnérable. Sa bouche sans dents claquait dans le vide avec un rictus semblable à un sourire édenté de grand-mère.

Les faucheursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant