(image venant de dall-e)
Lorsque je me réveillais, le soleil m'aveugla. Il était déjà haut dans le ciel. Je tendis l'oreille et perçus le chant de quelques oiseaux au loin. Je n'avais pas envie de me lever, mais j'avais une mission à accomplir. Je me remuais lentement, roulais sur le ventre et m'appuyais de mes coudes dans l'herbe fraiche. Le contraste avec la chaleur du soleil me fit frissonner. Je levais le regard vers la cabane. Sans surprise, je la trouvais vide. Ce qui était plus surprenant, en revanche, fut que toutes les affaires avaient disparu.Je me levais avec difficulté. La tension dans mes jambes était encore bien présente. Mes premiers pas furent laborieux, comme un jouet qu'on remet en marche après de longs mois à prendre la poussière dans un coin. Le foyer était éteint, les affaires de cuisine volatilisées... ne restait que les murs, le lit et le balai. Mon regard parcourut les environs. Il n'y avait aucune trace du cuisinier. Devais-je l'attendre ? Je ne mis pas longtemps à me dire que non. J'étais presque étonnée d'être encore en vie. L'elfe avait été sympathique finalement. Je me souviendrai de son plat, même si je n'en connaissais toujours pas la composition. Non, il avait dû être intimidé et serait heureux de me voir partir. Qui sait, il m'observait peut-être ?
"Merci pour le repas." lançais-je en regardant la végétation épaisse.
Il m'entendrait ou non, mais j'avais fait l'effort d'être polie. Une minute plus tard, j'étais en direction de la ville. J'avais soif, mais la priorité serait de retourner en terrain connu. Je me griffais une nouvelle fois les jambes avec les ronces, puis débouchais sur l'artère principale en direction de mon objectif. Pendant que je me battais avec la nature, j'avais établi un plan d'action : je commencerai par notre appartement. Ensuite, si je ne la trouvais pas, je retournerais vers l'hôpital, puis irai au marché pour être certaine de ne pas la louper. Si aucune des solutions ne fonctionnait... Je préférais ne pas y penser.
Quand je fus sur le sommet de la colline, j'observais la cité en contrebas. Des volutes de fumée éparses arrivaient jusqu'à moi. Ça sentait l'odeur de chair brûlée. Ils étaient en train de se débarrasser des corps, pour les rares qui étaient encore capables de réfléchir et agir en conséquence. Le fumet me rappelait mes propres blessures. Je posais spontanément une main sur mon cou. De mon pouce, je sentais la peau granuleuse et cicatrisée. Je n'avais pas envie de me regarder dans une glace, pour le moment. Même si ma peau avait repris une belle couleur pâle et non transparente, je devais être dans un sale état.
Mais je n'étais pas là pour me faire coquette. Je repris la marche jusqu'à atteindre les rues. Les immeubles se dressaient de toute leur hauteur, inflexibles, comme si rien ne s'était passé. Le sang des victimes couvrait les murs. Les gens pleuraient dans les rues, d'autres étaient en train de jeter un cadavre sur une multitude d'autres qui s'entassaient vers le ciel. Humains, elfes, faunes... même des gens comme moi étaient morts. Dans ce genre de situation, peu importe l'espèce, c'est la loi du plus fort qui prime.
Je longeais les façades, me faisant le plus petit possible. Je n'avais pas envie d'être réquisitionnée, j'avais d'autres chats à fouetter. Et je n'avais envie de parler à personne d'autre, pas aujourd'hui. Une fois dans mon quartier, je ne regardais plus les corps. L'odeur des viscères se mêlait à celle d'un barbecue. Je n'avais pas vraiment de contact, mais le regard vide du fermier ainsi que celui de beaucoup d'autres m'avaient suffi.
Je tentais de me déculpabiliser pour ce que j'avais fait. La gorge que j'avais arrachée. L'homme serait certainement mort, à l'heure qu'il est. Mon intervention lui avait évité des souffrances inutiles, pas vrai ? Je tentais de m'en convaincre, tandis que je rentrais dans l'immeuble pour y gravir les marches quatre à quatre. Lorsque je fus devant la porte de notre appartement, je fus soulagée de ne pas sentir de sang. La porte était encore solidement attachée sur ses gonds. Enfin solidement... je me rappelais que j'avais cloué les charnières sur une planche. Autrefois, tout s'était effondré, le bois ayant pourri. Ma nervosité était palpable. Il n'y avait personne dans les couloirs, heureusement. Je toquais, le cœur battant la chamade, comme si j'entrais dans l'antre de Satan en personne. Un coup de clé et je poussais la porte.

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Les faucheurs
FantasíaDans ce monde post-apocalyptique, humains et autres espèces vivent ensemble. En harmonie ? Non, loin de là. Sélénia, une jeune femme au tempérament de feu et sa sœur jumelle l'expérimentent chaque jour. Elles survivent, tant bien que mal. Cependan...