Chapitre 4 : Les vieux parchemins

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- Cette dame n'avait pas complétement tord, dit Gérard en se servant un café à la machine dans leur salle de surveillance. On se prend trop la tête là dessus alors que c'est pas notre travail. On a repéré le danger, on a fait ce qu'on pouvait.

- C'est pas elle, pourtant, la grande gueule du service ? demande Richard, haussant un sourcil et enfonçant ses mains dans ses poches. On devrait pas lui accorder trop de crédit, si ?

- Pourtant, elle est psychiatre, comme le docteur Sheyfard ! fait remarquer Gérard.

- Me comparez pas à elle.

Les deux gardes tournent la tête. Alan Sheyfard, qui les avait accompagnés pour un dernier debrief, boit son café d'un air particulièrement agacé, le genre qu'un café ne calmerait pas du tout.

- Détendez-vous, Doc ! Il a juste parlé de votre métier, dit Richard, ça allait pas plus loin.

- Justement, je ne veux pas que ça aille plus loin. Je ne veux pas être associée à elle de quelque manière que ce soit ! D'ailleurs, je ne sais même pas pourquoi je reste ici.

- Vous ne vouliez pas revoir la vidéo ? demande Gérard en prenant le gobelet vide d'Alan pour le jeter.

Pour unique réponse, ce dernier quitte la pièce, d'un pas toujours aussi frustré. Il ne tarde pas à rejoindre la porte de Félix et, cette fois, les frissons qui lui parcourent le dos ne viennent pas de la peur ou de l'anxiété. Cette fois, ils sont animés par un profond désir de montrer à tous ses collègues qu'ils ont tord, leur montrer qu'ils ne sont qu'une bande d'abrutis aveuglés par leur salaire.

Ce désir devenant de moins en moins inconscient, Sheyfard prend le temps de souffler, avant de toquer à la porte.

- Félix, c'est moi ! annonce t il pour ne pas surprendre son patient. Je peux rentrer te poser quelques questions ?

Pas de réponse. Le psychiatre attend dans un silence quelque peu gênant, tapant du pied avec impatience. La porte daigne enfin s'ouvrir d'un petit centimètre : dans cette maigre ouverture, on peut apercevoir les doigts de Félix, dont la main tremblante maintient l'ouverture.

Bien qu'Alan soit tenté de rentrer directement dans la chambre, il sait que son patient va très mal le prendre. Il se contente donc de se répéter, en essayant de paraître le moins agacé possible.

- J'ai quelque questions à te poser, dit-il sur un ton presque robotique. C'est à propos de tes amis-

À peine avait-il commencé à s'expliquer de Félix claque la porte au nez de son psychiatre. Ce dernier ne bouge pas d'un poil, l'espace d'un instant, étonné par cette réaction ; son patient est d'habitude très calme et refuse rarement qu'on l'interroge, du moins pas sans explications.

En se penchant près de la porte pour mieux comprendre ce qui se passe, il entend des chuchotements, comme si Félix se parlait à lui-même. Reste à savoir de quoi il parle, enfin, s'il parle vraiment tout seul. Alan a beau se coller à la porte, il ne comprend pas un traître mot de ces mystérieuses messes basses, ce qui pourtant l'arrangerait bien.

Ces quelques minutes d'écoute silencieuse semblent interminables, pourtant elles n'ont rien de surprenant : il faut parfois du temps à Félix pour se donner le courage d'interagir avec autrui. Le jeune garçon finit par ouvrir très doucement la porte, presque à contrecoeur, comme s'il craignait de la briser ou de laisser entrer une bête sauvage. Il évite le regard de son psychiatre mais, d'un geste de tête timide, il l'invite tout de même à rentrer.

Le remerciant lui aussi par un geste, Sheyfard s'assoit sur le bord du lit, rapidement suivi par Félix qui, lui, s'y pose comme d'habitude en tailleur. Cependant, s'il regardait le torse ou les épaules des médecins les fois précédentes où il se faisait questionner, car incapable de maintenir un contact visuel, cette fois il semble regarder ailleurs. Ses yeux ont l'air posés sur autre chose, mais impossible de savoir quoi ; c'est un regard évasif, compliqué à déchiffrer dans une situation pareille.

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⏰ Dernière mise à jour : Oct 22, 2023 ⏰

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