Fin alternative

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Tous les enfants étaient partis se coucher.

C'est dans ce calme que le vieil homme se tourna vers le chat qui le regardait paisiblement depuis une chaise en battant lentement des paupières. Et comme lui-même était triste pour ses personnages et aurait voulu leur apporter une joyeuse fin, il se mit à lui raconter une version différente de l'épisode final.

Estelle pouvait mourir et Gatien pouvait réussir à s'échapper. KC pouvait tuer Fulbert et les résistants pour sauver les deux adolescents et laisser Martine diriger elle-même. Gatien et Estelle pouvaient ne jamais entrer dans la ville et continuer leur chemin vers un endroit désert.

Tant de fins possibles, mais ce n'est aucune de ces dernières qu'il choisit de raconter exactement au chat.

*

Fulbert sortit un couteau qu'il plongea dans le ventre d'Estelle. Celle-ci ouvrit de grands yeux et se plia en deux avant de s'écrouler avec un hoquet, le sang dégoulinant par terre.

Gatien, stupéfait, resta figé. Il voulait se jeter sur Fulbert, le poignarder, puis se dépêcher de trouver un moyen de soigner la jeune fille. Mais son corps restait immobile. Il avait envie de vomir.

— Tout le monde s'écarte, laissons donc à notre jeune meurtrier le temps de voir notre petite traîtresse agoniser ! lança Fulbert.

Et tous s'éloignèrent en les observant avec mépris, curiosité et moquerie.

— Estelle ? murmura prudemment Gatien en s'approchant difficilement à quatre pattes de la jeune fille, bras et genoux titubant. Tu...ça va ?

Un craquement retentit soudain dans son dos. Les résistants poussèrent une exclamation de surprise et Fulbert jura. Mais Gatien n'eut pas le temps de se retourner : quelqu'un l'attrapa par la taille et le tira en arrière alors que des boules noires volantes s'accrochaient à Estelle pour la soulever dans les airs. Il ne put que voir les regards ahuris des résistants avant de se retrouver jeté sur un parquet.

— Décid'ment, tu crains un max, Fulbert ! lança une voix que Gatien reconnut aussitôt avec stupeur alors qu'un insecte robot passait au-dessus de sa tête . Fais gaffe à c'que tu fais pour gérer ton empire, sinon je viendrai t'faire un coucou et t'aim'ras pas ça ! Tiens d'jà un cadeau d'félicitation, même si ça s'ra sans doute pas à ton goût vu que ça t'paralysera les jambes. Allez, adieu j'espère !

Gatien vit Fulbert tomber à terre avec un cri de douleur, puis tout disparut dans un craquement : ils furent téléportés au milieu d'une plaine silencieuse.

Encore sous le choc, le garçon se retourna, se retrouvant face à KC :

— Vous ! s'exclama-t-il, blanc. Qu'est-ce que vous faites là ?

— J'suis v'nue vous sauver, quelle question ! répondit la femme en attrapant des pots qu'elle posa près d'Estelle.

Gatien la regarda sortir un scalpel, une aiguille et différents autres ustensiles, ressentant un tourbillon de confusion, de peur, de méfiance et de colère. Il se rappelait très bien de leur dernière rencontre et elle ne s'était pas bien finie.

— M'regarde pas avec ces yeux noirs, j'vais guérir ta copine, dit-elle.

Elle injecta un anesthésiant à la jeune fille et sortit un scalpel, du désinfectant et une aiguille.

— R'tourne toi, j'dois la recoudre.

— Attendez, vous savez ce que vous êtes en train de faire ? demanda Gatien, complètement perdu.

Devait-il l'arrêter ? La laisser faire ? S'ils ne faisaient rien, Estelle allait mourir d'une hémorragie !

— Oui.

Ce simple mot fit céder sa muraille de méfiance : il regarda une dernière fois le visage d'Estelle, puis se retourna et se boucha les oreilles, les yeux fermés. Il ne savait pas s'il faisait bien de laisser KC s'occuper de la jeune fille, il espérait qu'il n'aurait pas à le regretter. Mais, surtout, c'était un espoir désespéré qui lui nouait le ventre.

Quand la femme tapa enfin sur son épaule pour lui dire que c'était fini, il se retourna, inquiet. Mais le soulagement l'envahit rapidement en voyant Estelle étendue sur le canapé, un pansement sur sa cicatrice, endormie mais respirant : elle était vivante !

— Pourquoi nous avoir aidés ? demanda-t-il d'une voix tremblante sous le coup de l'émotion, évitant le regard de KC alors qu'il allait s'asseoir près d'Estelle. Comment saviez-vous qu'on était là-bas ?

Heureusement que la femme avait ses lunettes de soleil : il n'avait pas envie de voir si elle avait vraiment utiliser les yeux d'Estelle pour elle.

— Moi ?

Sa voix semblait hésitante, comme si elle n'était pas sûre de ce qu'elle devait dire ou taire. Gatien lui jeta un regard interrogateur, toujours sur ses gardes.

— J'pense pas qu'tu sois prêt à entendre la réponse, déclara KC en jouant distraitement avec l'une de ses tresses. J't'le dirais en temps voulu.

Puis elle commença à ranger.

— Je vous préviens, on ne vous a pas demandé d'aide : vous avez agi par vous-même ! lui dit Gatien sur un ton accusateur. Vous ne pouvez pas nous demander une compensation comme la dernière fois !

Elle se retourna vers lui avec un petit sourire :

— Vous êtes vivants, Estelle guérira, cette prairie est hors de portée des résistants, les gens qui habitent dans les alentours sont très aimables, l'sol est fertile... J'ai une maison fixe juste dehors avec des troupeaux et des champs, vous pouvez les utiliser ou partir plus loin. Dans tous les cas, vous serez en sécurité, la frontière est passée. Votre bonheur s'ra ma compensation.

Et sans vraiment savoir pourquoi, Gatien la crut.

Plus apaisé qu'il ne l'avait été depuis longtemps, son regard se porta vers la fenêtre : de nombreux papillons voletaient joyeusement dans la lumière du jour.

— Faudra qu'j'aille quand même chercher la chienne après avoir déplacé Estelle dans l'autre maison, conclut KC. J'crois qu'c'est votre amie, non ?

FIN FINALE

La Quête de la LibertéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant