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Une fois les pieds à terre, elle me regarde. Elle est toujours prise au piège.

Dos au mur et face à moi.

Je la domine de deux bonnes têtes, mais je ne la sens pas particulièrement effrayée. Elle me fait signe de m'approcher. Je ne vois pas bien comment je pourrais être plus proche d'elle, pourtant lorsqu'elle glisse ses doigts à l'arrière de ma nuque pour m'attirer près de sa bouche je suis au bord de l'explosion.

—C'est vraiment n'importe quoi ce rêve. Aucune logique. Il n'y a rien qui va ! C'est comme dans mon roman.

Elle murmure à mon oreille. Debout. En équilibre sur la pointe de ses petits pieds nus. Et puis elle se met à rire. Un rire qui semble lui permettre de relâcher toute la pression qu'elle accumule depuis bien trop longtemps. Je ne la détrompe pas. Je l'admire. Chaque éclat de voix fait danser sa poitrine, plus ou moins dévoilée par son kimono.

—Je rêve n'est-ce pas ?

Je hoche la tête. D'une certaine manière, ce n'est pas un mensonge. Elle est totalement stone.

Elle hésite.

S'éloigne d'un pas et reviens.

—J'ai froid.

Tu m'étonnes ! Tu es trempée et si peu vêtue.

Je cligne des yeux. Simplement pour ne pas la voir pendant une fraction de seconde. Comme si j'allais calmer mon loup de cette manière. Elle ne l'imagine pas, mais je prends sur moi. Mon loup gronde et tambourine à l'intérieur. Son corps est à portée de crocs et ce kimono. Il a beau être long à trainer par terre, il ne cache pas assez de choses et en dévoile trop en même temps.

—Vous devriez aller vous coucher.

—Je sais, mais si je m'endors, je ne vous verrai plus.

Elle est craquante.

—On se reverra.

—Comment je peux en être sûre ?

—Que faisiez-vous avant mon arrivée ?

Elle me montre une chaise suspendue au milieu du salon. Je souris et l'y accompagne. Avec le plus de douceur dont je suis capable, je l'aide à s'asseoir dans l'œuf en bois. Elle se blottit dans la couverture en laine blanche qui sépare son corps des arceaux en bois et me fixe avec intensité.

-Emy-

Je n'ai jamais fait un rêve aussi lucide que celui-là. J'ai l'habitude de la peur ou même de l'angoisse. Quand je m'endors, je sais que mes songes peuvent-être violents. Je me sais capable de tuer, de combattre, d'hurler comme une bête féroce. Cependant, ce que je ressens depuis quelques heures n'a rien d'habituel. Ce rêve est bouleversant. Comment je sais que c'est un rêve d'ailleurs ? Eh bien, il ne peut pas en être autrement. La tempête gronde à tout rompre, l'animal au fond de la forêt, le bel inconnu qui prétexte venir pour discuter de mon livre...Si ce n'est pas un rêve, la réalité est devenue un vrai bordel.

Non, c'est certain je rêve !

Je peux l'affirmer avec certitude tout simplement pour la bonne et simple raison que je n'entends pas les tambours ! Si ce que je vivais était réel, la fanfare se serait mise en branle dans ma tête depuis un long moment. Je pense que je devrais me réveiller. Je ne sais pas vraiment dans quel état je me suis endormie. Si ça se trouve, l'eau de mon bain est toujours en train de couler. Il ne faudrait pas que j'inonde ma salle de bain. D'un autre côté, qu'est-ce que je suis bien là. Je me sens libre dans mon corps et surtout je n'ai peur de rien. Enfin, tout à l'heure j'ai eu peur mais j'ai décidé d'utiliser mon arme. Parce que c'est un rêve et dans cette réalité-là, je suis une femme fatale doublée d'une tireuse d'élite. Je n'ai peur de rien ou plus précisément, je ne suis pas paralysée par la peur. C'est d'ailleurs pour la même raison que je laisse cet homme, cet inconnu, me parcourir, me toucher avec une telle familiarité. Quand j'y pense, mon corps m'envoi certainement un message. Ce beau brun aux yeux argenté doit-être une projection de mon désir refoulée depuis...Depuis je ne sais même plus combien de temps. J'implore le seigneur des rêves, de me laisser profiter un peu plus longtemps de ce moment. Je n'ose pas parler, de peur de rompre le charme. Je reste immobile sur cette chaise que je fais balançais du bout du pied et je me délecte de cet instant. Je le regarde, le découvre, le contemple. Je veux pouvoir me rappeler chaque détail de son visage en me réveillant.

-Ayden-

—Vous ne voulez vraiment pas vous rendormir ?

—Je croyais que je devais me réveiller !

Je souris la bouche fermée. Même shootée elle reste logique.

—Pour vous réveiller, vous devez vous endormir ici...Dans le rêve.

Ses lèvres bougent et bientôt, sa bouche forme une moue dubitative. Elle est plantée là devant moi. Elle attend. Le va-et-vient de la chaise l'apaise. Je sens qu'elle se détend. J'attends encore quelques minutes puis je me lève. Je m'approche d'elle doucement, lui tend une main qu'elle saisit et l'amène jusqu'au canapé.

—Allez, il est vraiment temps de vous endormir.

Elle souffle et part dans la direction opposée.

—Je ne dors pas sur mon canapé. Ma chambre est là-haut.

J'acquiesce d'un hochement de tête et la suis à bonne distance. Je la vois ralentir le pas. Elle veut réduire la distance entre nous. Ma parole, elle va me rendre folle.

Les métamorphes ont un corps bien plus résistant que les humains, des sens surdéveloppés mais également un rapport au corps bien plus sauvage. Même si nous savons nous tenir en société, il est préférable de ne pas jouer avec nos nerfs. Je ne devrais pas être là. Enfin si, mais pas de cette manière. Il faut vite que je mette cette fille au lit et que je m'éloigne d'elle.

Je ne dois plus avoir Emy Black dans mon champ de vision. Il faut que je puisse me concentrer sur autre chose sans avoir son corps féminin sous les yeux ou son odeur alléchante dans le nez.

Elle vient de s'arrêter. Je me stoppe immédiatement.

—Je vous fais peur ? Demande-t-elle.

—Non.

—Alors, approchez-vous. Je vais bientôt m'endormir et me réveiller, je veux vous garder en mémoire. Venez plus près.

Je voudrais lutter, mais mon loup s'y refuse. Il est agité et excité. Je décide finalement de me rapprocher d'elle. Quand nos corps se touchent presque, Emy entremêle ses doigts dans la ceinture de son kimono et se libère de la soie.

Ce spectacle est un supplice.

D'un geste, qui se veut bien plus brusque que ce je ne le souhaite, je l'attire à moi. Mon loup à besoin de la sentir, de la marquer aussi. Elle ne sursaute même pas quand je pose mon nez contre son cou. Elle croit rêver et elle veut se souvenir de moi en quittant le monde des songes, alors j'en profite. J'ai l'impression d'être le pire des connards, mais pour le moment je m'en fiche. Je la découvre, mon nez se balade sur la peau de son cou, descend jusqu'à sa clavicule et termine son exploration entre ses seins. Son odeur est prenante, gourmande, captivante. J'en veux plus. Je marque un temps d'arrêt et je relève la tête pour l'admirer.

Emy Black. Si belle, si douce et pourtant si dangereuse. En fait, je suis véritable un animal. Je l'espionne depuis un bon moment. Non, plus honnêtement, je la traque. C'est pour ça que mon loup est si à cran en sa présence. Lui, il ne fait pas la différence entre quête d'informations et chasse. À partir du moment où j'ai commencé à m'intéresser à Emy Black et à épier ses habitudes il l'a considérée comme une proie.

Sa proie.

Putain, je suis un pervers. Un obsédé...En fait, je ne vaux pas mieux que le sauvage qu'elle décrit dans son roman. La lune n'est pas encore pleine et je n'arrive déjà pas à contrôler mon loup. Je suis pitoyable.

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⏰ Dernière mise à jour : Nov 08, 2024 ⏰

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