Habituée au clapotis des gouttes de pluie, rebondissant sur la coupole de verre, leur douce mélodie me berce. Depuis des jours, des trombes d'eau s'abattent sur la villa et les nuages gris, parfois si sombres et menaçants, encombrent le ciel. Malgré tout, des éclaircies parviennent à se frayer un chemin de temps à autre. Et il n'existe rien de plus beau qu'un rayon de soleil après une averse torrentielle. Quelquefois même, un arc-en-ciel naît. Mais, éphémère, jamais il ne s'éternise. Contrairement à The Virginity Game qui persiste saison après saison sans faiblir. Sans offrir la moindre issue.
Car mon enlèvement remonte à mardi dernier et je suis toujours là. Nous sommes aujourd'hui le dimanche 12 juin et ce soir, l'initiation se terminera dans la grisaille et l'humidité autour d'une table de poker. Rien de plus attrayant. Rien de plus effrayant.
Un soupir m'échappe et je souffle sur les mèches échouées devant mes yeux. Mais rien à faire, elles ne bougent pas. Je me risque donc à lâcher l'échelle sur laquelle je me trouve et mes jambes se mettent à trembler dangereusement. Je remets mes cheveux rebels derrière mes oreilles. Cependant, je ne me raccroche pas tout de suite à mon barreau. Le vide m'appelle.
Mes iris descendent le long de l'immense étagère en bois. Alors que je sais pertinemment qu'il ne faut jamais regarder en bas. Et pourtant, l'éclair d'adrénaline qui me traverse ne pourrait me rendre plus vivante. Aussi, je m'ancre dans le sol duveteux, dans cet océan rouge vin, jusqu'à ce que l'élan s'essouffle. Mon rythme cardiaque de retour à la normale, je me stabilise et me perd un instant au milieu des centaines de livres de toute époque qui m'encerclent, mais ne m'accablent pas. L'hétéroclisme harmonieux qui règne m'apaise.
Auteur après auteur, je parcours les couvertures du rayon « essais et réflexion de vie » du bout des doigts et déniche enfin l'ouvrage souhaité. Les pieds de nouveau sur terre, je lève les yeux vers la gigantesque coupole habitée par d'étranges créatures ailées mi-ange, mi-démon. J'ai trouvé en ce lieu, un endroit sûr et absolument fascinant. C'est mon éclaircie, mon rayon de soleil, mon magnifique arc-en-ciel, le temps de quelques heures. Aucune règle perverse ne fait loi, en revanche, les horaires m'empêchent de m'installer définitivement et les majordomes veillent au grain. Ce qui s'avère bien dommage, car aucun joueur ne s'aventure dans la bibliothèque et un seul pion me rend visite quotidiennement, August. Que je me suis surprise à apprécier de plus en plus.
Elle a ce don pour surgir de nulle part et discuter d'absolument tout et n'importe quoi sans jamais enfreindre la règle numéro une. Ainsi, j'ai appris à mieux la connaître. Chaque jour, nous choisissons un thème et débattons. Nos opinions divergent souvent, mais là se trouve toute la richesse. August me fait voir les choses d'une autre manière. Comme lorsque nous avons longuement discuté de la série Westworld et de la place de plus en plus importante de la robotique dans notre vie.
— Jay, et si les robots venaient à remplacer les êtres humains ? C'est peut-être même déjà le cas. Après tout, j'ai lu des articles absolument passionnants sur le développement d'animaux cyborg. Imagine que les joueurs ne soient que des machines ou pire, qu'ils abritent une machine qui guide leurs pas, leurs gestes, leurs pensées. Que tout The Virginity Game ne soit qu'une énorme escroquerie. Une gigantesque étude ayant pour but de développer et perfectionner les hommes-robots du futur. Et si nous étions dans une sorte de parc inspiré par Westworld dans le but d'atteindre la prochaine évolution, d'obtenir la vie éternelle, de décrocher une obéissance infaillible ? Pas avec des clones, mais avec des organes artificiels, des systèmes d'exploitation intelligents, des neurones synthétiques ! Et si nous devenions tous des cyborgs dans le futur comme nos chers et tendres joueurs ?
Quand August m'a soumis l'idée, j'ai d'abord douté. C'était bien trop farfelu. Puis, j'ai poussé la réflexion. Une apparence inégalable. Un corps trop beau pour être vrai. Des yeux magnifiquement vides. Les joueurs sont des fantasmes vivants. Mais sont-ils vraiment vivants ? Qu'est-ce qui les anime ? Du sang ou de l'huile ? Des veines ou des fils électriques ? Un cœur ou une batterie ? Des organes ou des rouages ? Peut-être est-ce un mélange complexe, intriqué et imbriqué, indissociable et inséparable, entre machine et humanité. Une osmose complète. Une osmose parfaite.
VOUS LISEZ
The Virginity Game - L'île Perdue
FantascienzaThe Virginity Game, aux premiers abords, rien d'original et ce nom a de quoi donner envie de prendre ses jambes à son cou. Pourtant, c'est la téléréalité star du moment. Le but pour les douze candidates de chaque saison ? Parvenir à résister aux qua...