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Au fond, c'était normal d'aimer une fille. Après tout, elle n'avait rien de bien différent des garçons qu'il avait pu rencontrer.

Mathieu se glissa dans le hall réservé aux résidents de l'auberge, l'épaule droite affaissée par un sac rempli de livres portants sur l'analyse du mobilier ancien.

Il réajusta la bretelle avant de s'accroupir devant le casier qui lui était réservé et où Donna, la gérante des lieux, déposait chaque jour le courrier qui lui était adressé.

Celui-ci était vide, comme à son habitude, mais Mathieu en profita pour jeter un coup d'œil à celui de Mikita, qui risquait de rejoindre directement son lit après son service en salle du soir.

Tout aussi vide, alors que ceux d'autres pensionnaires de l'établissement débordaient.

Eh bien c'est comme ça, on n'a pas tous la chance d'avoir de la famille qui pense à nous en dehors des fêtes, songea-t-il en haussant les épaules.

Quoiqu'il ne fût pas tant à plaindre que ça, il avait appris avec le temps à créer dans ce lieu atypique sa famille idéale.

Et il était chaque jour à deux doigts de construire un autel en l'honneur de Donna qui avait ouvert cet endroit où les gens pouvaient venir manger le midi ainsi que le soir et qui offrait un toit ainsi que quelques heures de travail aux jeunes, en quête de leur avenir, que la quinquagénaire prenait sous son aile.

Il appuya ses mains sur ses genoux pour s'aider à se redresser avant d'actionner la poignée de la porte qui menait au couloir desservant les chambres.

Le coin de l'œil attiré par de la couleur, il stoppa net son mouvement pour revenir sur les casiers et attraper le prospectus qui dépassait du dessus du meuble.

Prenez votre envol, faites votre service civique !

Un sourire amusé se suspendit sur ses lèvres alors qu'il passait une main dans ses cheveux trop longs, pour glisser l'une des mèches derrière son oreille.

Il n'avait aucun talent particulier pour la communication, mais il savait que les rictus crispés des modèles sur le papier glacé ne devait pas attirer beaucoup de candidats.

- On dirait qu'ils vont au bagne, c'est pas censé être un truc où les jeunes font une bonne action en se faisant des petits billets ? marmonna Johan contre son oreille tandis qu'il regardait par-dessus son épaule.

- C'est assez magique, même si tu n'avais pas été là, il y aurait eu une apparition de toi, flottant devant moi, me disant la même chose, fit-il en se retenant de justesse de pousser un cri de surprise.

Johan avait toujours l'habitude de se glisser sans bruit derrière les gens, inconscient du nombre possible de crises cardiaques qui planaient sur ses victimes.

Malgré les mois écoulés depuis leur rencontre, Mathieu n'était même pas certain que le jeune homme soit conscient de la frayeur qu'il pouvait créer.

- Je crois que tu abuses du café, lui répondit son ami en lui lançant un regard torve.

Mathieu haussa les épaules et fourra le papier dans la poche arrière de son jean en attendant que Johan termine de vider son casier.

Ce dernier ronchonna comme à son habitude en extirpant les revues publicitaires qui y reposait.

Alors que son espace se trouvait au milieu de la rangée et que la publicité était interdite, il se retrouvait toujours avec les prospectus des supermarchés du coin.

Après l'orageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant