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À force de peser le pour et le contre, Mathieuavait l'impression que sa matière grise s'approchait plus de la texture d'unecompote que de celle d'un cerveau.

Malgré les arguments d'Emilie et le fait qu'il soit absolument d'accord avec ceux-ci, une part de lui ne trouvait pas correct de ne pas proposer à Mikita de l'accompagner, même s'il avait déjà une idée de sa réponse.

Ce type taciturne à l'humour tranchant était son meilleur pote, quand même !

Et ce, même s'il n'était pas encore au courant des parts sombres qui trainaient dans le vécu de Mathieu.

Mais surtout, ce qui le poussait à lui faire cette proposition, c'était que s'il se plaisait là où il irait, il pouvait à tout instant décider de ne pas revenir et de revoir tous ses plans d'avenir, y compris ses amitiés.

Il avait laissé son passé plusieurs fois derrière lui, hormis Emilie, et il savait qu'il n'était pas à l'abri de recommencer sur un coup de tête.


Décidé, il remua ses épaules avant de quitter la chaise où il s'était installé et se pencha en avant pour étirer son dos.

Initialement, il avait établi ses quartiers dans la salle de pause à la fin de son service du midi, dans le but d'assimiler les caractéristiques des guéridons Empire.

Mais il n'avait pas eu le temps de retenir et de croquer plus que la forme des pattes qui en ornaient les pieds avant que le petit vélo dans son crâne ne se mette en marche et le détourne de sa tâche, pour ne plus songer qu'au service civique et à son organisation.

Il referma alors le livre sur l'Ameublement Empire et le glissa dans son sac avant de quitter la pièce.


À cette heure, il savait qu'il trouverait Mikita dans sa chambre, qu'il partageait avec Johan, ou bien dans le jardin, sous le pêcher.

Il opta pour le second lieu, car il avait vu Johan se faufiler hors de l'auberge dès la fin du service et il savait que son meilleur ami ne restait jamais seul dans sa chambre.

Il trouva bien Mikita à l'ombre de l'arbre, un livre sur les boiseries du Moyen-Âge entre ses mains striées de coupures.


— Copieur, lâcha-t-il en se laissant tomber sur l'herbe à ses côtés, abandonnant son sac à ses pieds.

— Si ma mémoire est bonne, j'ai commencé avant toi, répondit Mikita sans lever les yeux des gravures qu'il observait.

— T'es de service que ce soir, c'est de la triche.


Mikita lui offrit un sourire en coin, qu'une fois de plus Mathieu jugea démoniaque, sans quitter des yeux ce qu'il étudiait.

Ebéniste en devenir, Mikita s'était depuis peu découvert une passion pour les boiseries, à tel point que Mathieu avait conseillé à Johan de planquer les outils de son petit-ami.

Parce que : « Il est tout à fait capable de tenter de te sculpter le cuisseau dans son sommeil. » avait-il déclaré, sûr de lui.


— Le sujet du moment ?

— Les meubles style Empire.

— Courte période, marmonna Mikita en refermant son livre, prenant le soin de marquer sa page avec un brin d'herbe. Tu me passeras ton bouquin quand t'auras terminé, si t'es pas trop juste pour le rendre à la bibliothèque ?

Après l'orageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant