Chapitre 8 : Déboussolée

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Déboussolée. C'était l'adjectif qui convenait le mieux à Morgane alors qu'elle se trainait une seconde fois vers son canapé. Essayant vainement de repousser les détails du visage du commandant Karadec qui s'étaient incrustés dans son esprit, elle saisit son téléphone et composa le numéro de sa mère.

- Allô ? Morgane ?

- Salut m'man, Théa va bien ?

- Oh bah oui, elle va bien, elle dort là, je te la ramène demain ça te va ?

- Ouais d'accord si elle dort...

- Dis moi Morgane, tu peux m'expliquer pourquoi tu étais en train de te faire interroger quand je l'ai récupérée ?

- Ecoute, c'est une longue histoire, soupira Morgane

- Je suis sure que c'est encore à cause de ce Romain, je ne l'ai jamais senti tu sais, bon tu n'as pas fait un choix très éclairé en te mettant avec lui mais...


Refusant d'entendre une fois de plus les réprimandes de sa mère, la belle rousse coupa la communication, préférant allumer la télévision pour s'occuper un peu la tête. Le reportage sur l'armée romaine du temps de Jules César lui permit d'éloigner ses pensées des sujets qui la dérangeaient et de s'endormir doucement, bercée par la voix du présentateur. Lorsqu'elle ouvrit les yeux le lendemain, elle constata avec soulagement que sa migraine était passée et qu'elle se sentait un peu mieux. Malgré tout, elle savait très bien qu'il fallait qu'elle prenne le temps de résoudre un soucis auquel elle refusait de penser depuis bien trop longtemps. Romain. Elle n'avait aucune idée d'où il se trouvait et son cerveau n'arrivait pas à décider si c'était une bonne ou une mauvaise nouvelle. D'un côté, elle n'avait plus aucune envie de le voir après ce qu'il avait fait, mais d'un autre, il tenait entre ses mains la vie de sa fille et la sienne. Le fait qu'il ne donne pas de nouvelle de ce côté là restait donc inquiétant.

Et ensuite... et bien il y avait ce qu'il avait fait justement. A cette pensée, elle sentit à nouveau des larmes lui monter aux yeux. Comment était elle sensée prendre le fait qu'il l'ait trompée alors qu'elle avait tout sacrifié pour lui ? Elle avait changé pour lui plaire, s'était pliée à ses désirs pendant plus de quinze ans. Par amour. Le fait qu'il l'ait manipulée lui faisait mal, mais le fait qu'il l'ait fait pendant quinze ans et que, par dessus le marché, elle n'ait rien vu, la détruisait complètement. Comment avait-il pu lui faire ça ? Et surtout, pourquoi ? Était il allé voir ailleurs parce qu'elle n'avait pas été assez présente pour lui, pas assez conciliante, aurait t-elle du faire plus d'efforts ? L'ignorance la rendait folle, folle de rage et de douleur. Et elle, comment avait elle pu être aussi aveugle ? Comment avait elle pu le laisser l'influencer à ce point ? L'amour n'excusait pas tout, elle avait été aveugle. Les paroles du commandant de la veille lui revinrent en mémoire avec la force d'un coup de poing : " Vous avez le droit de vous habiller comme vous le voulez. Personne ne devrait pouvoir vous faire douter de cela Morgane. ". Il avait raison, personne n'aurait dû pouvoir la faire douter d'elle même et elle mettrait tout en œuvre pour que cela n'arrive plus. Plus jamais.

Un léger sourire se dessina sur ses lèvres lorsqu'elle entendit de nouveau la voix de Karadec dans son esprit " Vous êtes magnifique ". Ce compliment qui lui avait probablement échappé, ne le rendant que plus sincère aux yeux de la rousse, l'avait touchée bien plus profondément qu'elle ne l'aurait cru. Peut être parce qu'on ne l'avait jamais trouvé magnifique d'aussi loin qu'elle se souvenait. Ses pensées profitèrent de cet instant d'inattention pour dériver dangereusement vers l'image d'une paire d'yeux aux cinquante nuances de brun, un visage à la peau hâlée et des lèvres qui... Coupant court à ce cheminement mental qui ne lui plaisait guère, Morgane se leva, s'habilla puis, déjeunant rapidement, se mit en route vers le domicile de sa mère pour récupérer Théa.

Théa... comment allait elle lui annoncer pour son père ? Devait elle seulement le lui dire ? Après toute cette histoire, il lui semblait impossible de rester avec Romain. Il avait lui même mis un terme à leur histoire de la plus horrible des manières et la belle rousse se promit de ne pas l'oublier. Ces pensées l'occupèrent jusqu'à son arrivée chez sa mère. Lorsque celle ci lui ouvrit la porte, elle commença à l'harceler de question sur les flics, Romain et les évènements de la veille auxquelles Morgane répondait par monosyllabes. Lorsqu'enfin, sa mère parut avoir épuisé son lot de remarques acerbes pour la journée, Morgane lui lança en soupirant :

- Bon, c'est pas tout mais faut qu'on rentre. Où est Théa ?

- Dans sa chambre, elle dort et je n'ai pas voulu la réveiller. Elle a du faire des cauchemars cette nuit je l'ai beaucoup entendue bouger et gémir.

- Elle dort toujours à c'te heure là ?, s'étonna la belle rousse

- Et bien oui, en tout cas elle n'est pas descendue.


Se disant que, décidément, sa fille avait du être très secouée, Morgane gravit l'escalier et toqua doucement à la porte de la chambre où dormait sa fille. Aucune réponse. Elle poussa la porte doucement et entra dans la chambre. Le lit était vide, les draps en désordre et la fenêtre, grande ouverte. Morgane se précipita vers la salle de bain attenante qui était, elle aussi, déserte. Prise de panique et de désespoir elle lança :

- Théa ? Théa ? Où tu es ?


Alertée par ses cris, sa mère entra dans la chambre et lâcha un "oh mon dieu" de surprise en voyant la chambre déserte. Morgane s'avança vers elle, en proie à une colère noire.

- ELLE EST OU ? OU EST MA FILLE ?

- Je... j'en sais rien Morgane je... je pensais qu'elle dormait, bégaya sa mère


Sans en écouter davantage, Morgane aperçut un petit bout de papier sur la table de chevet. Elle s'en saisit rapidement et devint blême en le lisant.

" Il ne fallait pas parler à un flic... "


Complètement dévastée, elle sortit de la maison en courant presque, animée par l'unique volonté de retrouver sa fille vivante. Quoi qu'il en coute. 

Un rayon de soleilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant