Black Lion - Evasion

Chapitre 2

Lana

La journée a été un véritable enfer.

Ça a commencé par le coup de pression de Graham dès le petit déjeuner, pour que je conclue un accord pour l'un de ses plus gros clients, un promoteur immobilier de la région, rien que ça. Puis, l'avocate que j'assiste, ou plutôt le diable réincarné en grande pin-up rousse, m'a collé un contentieux de riverains entre les mains. Pour la faire courte, un de nos clients attaque ses voisins en justice pour une histoire d'arbre. Comme ce n'était pas assez, elle m'a également mis sur une affaire commis d'office qui me prendra des heures en pro bono, mais qui fera rayonner l'image du cabinet.

Une véritable joie en somme.

Est-ce que ça change du quotidien ?

Je repousse doucement ma conscience en même temps que je rentre dans mon appartement. Si elle aussi commence à ne plus supporter notre quotidien, je suis vraiment mal engagée.

Je dépose mes clés sur la console de l'entrée et me retourne rapidement pour jeter un œil à mon intérieur propre et bien rangé. Rien ne traîne, tout est exactement à sa place. Les coussins du grand canapé gris qui trône au milieu de la pièce sont symétriques, le tapis, lui aussi gris, borde parfaitement le sol pour délimiter l'espace salon. Un regard à la cuisine américaine ouvert sur le reste : cliniquement propre.

Et sans vie.

Non pas que je n'apprécie pas les espaces bien rangés, mais le loft que je partage avec Graham est impersonnel. Et au lieu de m'y sentir bien, j'étouffe dès que j'y mets les pieds. On devrait se sentir bien chez soi et ce n'est pas mon cas.

Où t'es-tu déjà sentie bien, Lana ?

Je repousse une nouvelle fois ma conscience, qui commence un peu trop à faire des siennes ces derniers temps. Elle attend sûrement que je me rebelle contre la vie d'infortune qu'on mène. Mais ça fait des années que je m'y suis résolue, que j'ai accepté et que je continue de composer avec les injustices faites à mon égard.

Un père désabusé qui ne me supporte pas et me critique à la première occasion : check.

Un petit ami qui me trompe sans trop se cacher : check.

Un boss qui m'engage en tant qu'assistante-avocate, alors que j'ai fini major de promo et qui me surcharge de travail : check.

Je coche toutes les cases de la merveilleuse existence.

Tu ne fais rien pour y remédier surtout.

Sérieusement agacée cette fois-ci, je me dirige vers l'escalier en bois massif qui mène à l'étage. Je traverse le couloir vitré qui donne sur le rez-de-chaussée et atteint ma chambre. Je me rue littéralement dans ma partie du dressing et mets rapidement la main sur le Saint-Graal. Ce qui va réussir à me détendre et à me faire oublier ma triste vie, en tout cas pour un court instant.

Je déballe la grosse bougie senteur lavande et me précipite dans la salle de bain. Après m'être hâtivement déshabillée, je l'allume et prends le temps de respirer les premiers effluves de lavande qui flottent dans l'air.

Sensationnel.

Les dix minutes qui suivent se rapprochent de ce que je qualifierais de paradis s'il en existait un. Mais seulement les dix qui suivent, parce qu'à la onzième je suis renvoyée directement en enfer...

— Putain, Lana, c'est pas possible. Tu as encore allumé ta merde ?

...parce que Graham est rentré. Parce qu'il hurle à pleins poumons dans le couloir. Parce qu'il déteste la lavande, les bougies et tout ce qui pourrait me faire du bien.