Il avait seulement 3 ans quand Ed a rencontré Mary. Mary, elle, en avait 52. Elle était caissière dans le supermarché à quelques rues de la maison du petit garçon. Et cela va sans dire qu'Edward demandait sans cesse d'aller faire les courses.
C'était plutôt drôle cette fascination qu'il avait pour cette dame, elle évoquait toujours des sourires sur les visages de ses parents. Mais ils ne trouvaient cela en rien étrange –enfin peut-être un peu-, les enfants ont toujours une certaine admiration pour une personne plus vieille, ils y sont accrochés et se souviendront toujours d'elle comme l'héroïne de leur enfance. Peu importe ce que cette personne peut faire ou a fait, cela reste. C'était assez joli comme tic, ou au moins mignon.
Evidemment, Mary était rousse. Ce qu'Ed n'avait jamais remarqué –parce qu'il n'avait jamais voulu y faire attention-, c'était ces racines brunes et blanches sur le crane de la femme. Cette couleur de cheveux ne lui en était en rien naturelle. Tout comme ses yeux n'avaient pas deux couleurs, c'était simplement la vieillesse qui prenait le pas sur sa vision, et donc ce bleu pâle grignotait au fur et à mesure le marron de ses iris. Edward a toujours idéalisé Mary.
Non, Mary n'était pas une mère exemplaire et parfaite. Non, Mary n'était pas des plus agréables. Non, Mary n'avait pas un vrai sourire. Non, Mary n'avait pas de cernes à cause d'un travail trop accablant. Mais au final, le rouquin se fichait totalement de tout ça, dans un sens il le savait ; tout ce qu'Ed recherchait c'était un peu d'attention, et Mary lui en accordait toujours.
Alors, jusqu'à ses 5 ans, Mary était son héroïne. Elle était belle malgré ses rides légères, ses dents de travers, ses cheveux sales et toutes ses autres imperfections. Ed, lui, il les aimait ses imperfections. C'était même peut-être ce qu'il préférait.
Mais, il fallait quand même dire que cette gentillesse qu'Edward voyait en elle, n'était qu'un déguisement ; et ça il fallait vraiment le dire. Personne ne lui aurait jamais dit pour autant, parce que le petit roux adorait la façon dont Mary scannait les articles qu'il lui apportait et comme cela enclenchait ce « bip ». Ed aimait ce petit son aigu, et ça n'a pas changé.
Comme il ne pouvait pas vraiment dire qu'il avait aimé Mary d'amour, Mary était la femme 0. Celle à qui il n'avait jamais totalement parlé. Il l'avait aimé avec ses yeux et son sourire enfantin. Et tout cela, il l'avait fait en cachette, autant qu'il était possible pour un enfant de faire quelque chose en cachette.
(A 5 ans, cette admiration a connu sa fin car Mary est partie ; enfin c'était ce qu'on lui avait toujours dit. Parce qu'en réalité, cette femme était morte, rattrapée par ses –trop- nombreux défauts et problèmes.)
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