La grande porte battante s'ouvrit, un humanoïde à la large carrure entra dans la pièce, sa peau verte comblait le manque de couleur de la décoration d'intérieur. L'entrée donnait sur une petite pièce dans laquelle on pouvait trouver différents meubles, une cheminée ainsi qu'une table et trois tabourets.
Au-dessus du feu, dans la cheminée, se trouvait une marmite, son contenu en ébullition envahit les narines des habitants de la maison d'une douce odeur de ragoût. Assis à table, deux humanoïdes plus petits attendaient, l'humanoïde entrant sourit paisiblement en les voyant.
— Comment s'est passée ta journée ? demanda le deuxième humanoïde qui se leva doucement pour aller chercher la marmite.
— Très bien... Et toi ? répondit-il, tout en mettant la table.
Les assiettes n'étaient pas tout à fait rondes et les couverts pas tout à fait droits, d'ailleurs ils semblaient rustiques, aussi les trois dents de sa fourchette furent toutes de taille différente. La femme posa la marmite sur la table.
— Bien... Mais j'ai un mauvais pressentiment, lui dit-elle, anxieuse.
Le dernier individu hurla.
— Gagougou !
— Ça arrive, ça arrive, lui dit sa mère, servant le petit.
Armé d'une grosse cuillère ronde, le petit commença à manger en silence, savourant le mets. Les parents s'assirent l'un à côté de l'autre, après un léger silence, la femme posa une question.
— Tu comptes y retourner... C'est ça ?
— Oui... Une dernière fois.
— C'est trop dangereux, que fais-tu des anges ?
— Apparemment, la ville est de nouveau en sécurité. Il n'y a plus d'anges.
Le dîner se passa en silence, leurs deux esprits occupés à réfléchir.
— Tu es sûr que c'est ce que tu veux ? demanda-t-elle, renonçant à le retenir.
— Oui. Avec cette dernière offre, nous n'aurons aucun problème d'argent, et nous vivrons ici en harmonie avec la nature.
— Promets-moi qu'une fois que ce sera fini, plus jamais tu n'y retourneras.
— Je te le promets.
La réponse sans aucune hésitation de son mari lui fit verser une larme.
— Dans ce cas, va-t'en. Nous t'attendrons, ton fils et moi.
Le petit s'était endormi sur la table, repu. Le couple échangea un long et tendre regard, puis, le mâle se leva et embrassa sa femme sur le front avant de se préparer pour son périple.
Le soleil à peine levé et l'air frais du matin caressaient son corps. La forêt parvenait à peine à cacher la maison, la terre retournée fut la preuve qu'ils ne s'étaient pas installés dans une forêt, mais que le couple terraformait le paysage. Équipé de tous ses meilleurs équipements, Görk s'éloigna de la maison, et s'arrêta devant un arbre, « l'arme fétiche des géants... », songea-t-il avant d'arracher l'arbre du sol. Il posa ses deux mains sur le tronc et arracha toutes les branches d'un glissement de sa main, excavation de l'arbre laissant un trou béant, il reboucha délicatement le sol avec ses mains.
— Bien, il est temps de partir, Märgka, Bök, je reviens vite...
Le géant traversa la forêt à grande vitesse sans pour autant en abîmer l'écosystème, ses pas résonnaient à travers la forêt, pourtant aucun oiseau ne s'envolait. Le géant des forêts, prêt à se battre, n'effrayait que ses adversaires.
— Direction, le pays des petits hommes.
*
Les courbatures et les très nombreux bleus recouvrant le corps de la felinae ne lui faisaient plus mal, l'adrénaline l'empêchant de sentir la douleur, elle donnait son maximum pour vaincre son adversaire.
— Il va falloir faire mieux que ça si tu souhaites vraiment de nouveaux équipements.
Ïaki ne suait pas la moindre goutte, contrairement à Làé'là qui, elle, dégoulinait. L'échange de coups reprit son cours. Ïaki n'esquivait aucun coup, il para chacune des attaques de Làé'là d'un simple geste de la main. Que ça soit avec ses griffes ou avec sa lame, la felinae n'hésitait pas, l'affrontement aurait été incroyable si la différence de niveau n'était pas si grande. Les yeux couleur ambre, parsemée d'éclats topaze, de Làé'là affichaient une concentration maximale, rien ne pouvait la déconcentrer. Effectivement, le regard intense de la felinae se dirigeait sur le torse dénudé d'Ïaki. Son objectif étant de... TOUCHER SES ABDOMINAUX.
Z
Doum Doum
La mer était agitée, les vibrations se propageaient depuis la frontière du territoire, jusqu'ici à Harena, la capitale. Connus pour son architecture en grès, les bâtiments construits en flanc de montagne avaient une vue parfaite sur les environs. Certains appelaient même cette ville la forteresse d'Harena tant la cité était protégée, entourée d'une immense mer, il était impossible d'attaquer par surprise.
Doum Doum
Une nef était sur le point de quitter le port, toutes voiles sorties. Le grand navire s'élança en direction de la frontière du territoire, là où la mer prenait fin.
Doum Doum
Un simple symbole paraît les trois voiles blanches, un bandeau de combat et des mitaines rouges. Après une cinquantaine de minutes, le guetteur à la vigie hurla.
— Terre en vue !
L'équipage se rua à la proue de la caraque, ils y virent se dessiner une montagne
Doum Doum
Le sol trembla de nouveau, mais bien plus intensément, les matelots eurent du mal à rester debout, quand ils regardèrent de nouveau la montagne, celle-ci était en train de s'écrouler, pourtant, personne ne fut choqué.
Le navire fut stoppé en bordure de terre, sans ancre, uniquement en rangeant les voiles, une femme approcha du navire, descendant de la montagne, enfin de ce qu'il en restait.
Munie des mêmes vêtements que dessinés sur les voiles, la personne s'avança et marcha sur la mer, une échelle fut lancée, mais elle n'en eut pas besoin. D'un grand saut, l'inconnue rejoignit violemment l'équipage.
— Dame Harena ! Veuillez ne pas détruire le navire à chaque fois que vous montez ! lui implora un matelot chauve et musculeux.
Effectivement, le pont avait subi la puissance de réception de la jeune femme. Vêtue d'une tenue de moine Shaolin blanche, cette femme semblait ne pas avoir plus de deux décennies. Pourtant, son regard empli de sagesse laissait transparaître des centaines d'années d'entraînement ininterrompu.
— Ah oui, c'est vrai, j'avais oublié ! déclara Harena, souriante.
Ce n'était pas par courtoisie ou par bonheur qu'elle souriait, l'air qu'elle affichait était celui de quelqu'un au plafond des capacités de son espèce, c'était le visage de la puissance, téméraire et aguerrie.
— ...
L'équipage resta muet.
— Alors, que me vaut cette interruption ?
Le nœud de son bandeau flottait au vent.
— Madame, voici...
Le marin lui présenta un ticket doré.
— Oh oh, que vois-je ? Invitation... Tournoi... Harena... Créatrice des mers..., lut-elle en diagonale, avant d'écraser le papier dans sa main.
— C'est décidé ! je me rends dans la ville des humains des plaines !
La femme s'accroupit et joignit ses deux mains, puis se propulsa dans les airs, laissant un trou béant dans le pont.
DOUM
La montagne qui avait déjà bien subi, reçu un coup monstrueux, créant une immense vague de sable ultra-fin qui recouvrit les sols qui n'étaient pas encore sableux.
Harena, la ville portuaire entourée de mers... de sable.
*
LEVEL UP 36 —> 37
— What the...
Làé'là commençait lentement à réaliser que cet entraînement était anormalement ultra-productif. Les échanges s'accélérèrent, le jeu de main était de plus en plus puissant, de plus en plus vigoureux, Nekokai n'eut aucunement le temps de s'épuiser. À chaque fois qu'elle fût en passe de tomber de fatigue, un nouveau niveau lui était accordé et elle retrouvait sa vitalité. Le goût du haut niveau lui revint, son corps était désireux de puissance. Elle ne posa donc aucune question et continua de se battre.
LEVEL UP 37—> 38
*
Une épaisse enveloppe, faite d'aucun matériau végétal, chuta doucement dans une épaisse forêt tortueuse, enveloppée par la brume. Sur cette enveloppe, l'on pouvait lire quelques mots.
Populous,
Ent,
Rancune végétale millénaire.
Des racines vinrent lentement capturer l'objet, jusqu'à le faire complètement disparaître, de lourds craquements retentirent dans la forêt. À l'endroit où les bruits furent les plus forts se trouvait un arbre en forme de trône, sur celui-ci un arbre humanoïde était assis, ils semblaient avoir fusionné depuis des années, voire des décennies. Cependant, les craquements suivis de grincements s'intensifièrent et l'Ent se leva doucement. Les immenses et inexorables pas de la créature ne signifiaient qu'une chose... La forêt se mut.
— Nous ne devons point rester inaperçus, pour le bien de la population clonale... Faisons passer à nouveau le message...
— CETTE PLANÈTE EST À NOUS. VÉGÉTAUX EN AVANT.
*
Un petit campement de fortune avait été monté autour d'un cristal à facettes noir, le losange flottait au-dessus du sol et tournoyait sur lui-même dans le sens inverse de celui de la planète. Une personne encapuchonnée posa la main dessus, malgré l'opacité du cristal, on put y apercevoir un éclair se déplacer à l'intérieur. La main noire de celui qui touchait le cristal se retira doucement, le losange se déforma le faisant reculer d'un pas.
Une branche faite de verre se mit à croître d'une des faces, au bout de celle-ci se trouvait un morceau de papier doré. L'humanoïde tendit l'autre bras et attrapa l'objet avec une main couleur peau. Il lut attentivement les inscriptions et ne fit plus un mouvement pendant quelques minutes, après cet intense, mais court moment de réflexion il se décida.
— Pourquoi pas...
Il jeta le morceau de papier en l'air, celui-ci brûla d'un feu noir...
Nom : Ethem,
Race : mi-homme mi-é...,
Titre : Half le corrompu.
Cela fut les inscriptions encore visibles sur le papier en feu, l'homme posa à nouveau sa main noire sur le cristal, mais cette fois-ci le verre réagit comme un liquide. Ethem passa au travers sans hésiter.
*
— Je n'en peux plus ! La montée de niveau me remet d'aplomb, mais j'ai du mal à me concentrer... Je fatigue mentalement.
— Bien... Dans ce cas, je te propose un dernier affrontement... Cette fois-ci, je jouerais sérieusement.
Les deux individus se tenaient face à face en position de combat, l'une en posture féline, proche du sol, l'autre en position iaijutsu. « Je vais tout mettre dans cette dernière attaque. », pensa la felinae, concentrée sur cet ultime échange. Elle prit appui sur le mur derrière elle, prête à bondir, ses imposants muscles bandés à la limite de la déchirure.
— Quand tu veux...
Bang
Le corps de Làé'là réagit de lui-même, propulsé à une vitesse incroyable, réduisant en poussière le mur derrière elle. Les tatamis au sol furent arrachés de force. Les cloisons les entourant furent projetées à plusieurs mètres. L'onde de choc créée par le franchissement du mur du son fut intense, cependant, sa course fut stoppée net, une garde de sabre entre ses côtes.
— Je te félicite, tu as progressé bien plus que je n'aurais pu l'anticiper !
La felinae s'écroula, inconsciente, son sang se répandit profusément. Petit à petit, il cessa de quitter le corps son propriétaire quand quelque chose d'étrange se produisit. L'épais liquide semblait remonter le temps, comblant l'espace vide des veines, refermant les plaies dans son passage, comme si tout ceci n'était jamais arrivé.
LEVEL UP 48 —> 49
*
Une nuit permanente régnait sur le territoire elfique. Relativement proches de Silzlia, les elfes occupaient trois zones singulières ;
La forêt aride. Les sols particulièrement secs ne voyaient pousser que des cactus ou des plantes peu gourmandes en eau. Cependant, les elfes étant des êtres intensément chargés en mana, l'on pouvait considérer ces plantes comme une forêt en raison de leur taille anormale. Si bien qu'elles couvraient complètement le ciel, rendant l'endroit très sombre, comme dans une épaisse jungle. Leur vision nocturne naturelle leur permettait de facilement s'y accommoder, l'aridité ambiante malgré la quasi-absence de soleil rendait leur peau sèche, celle-ci prenait rapidement une couleur proche d'un coup de soleil, ce qui leur valait le surnom d'elfes rouges. Servant d'engrais quotidien pour les plantes, leur mana n'était pas aussi grand que les autres elfes, ils constituent la plupart du temps les premières lignes dans une armée. Ainsi formés aux arts martiaux, ils pouvaient devenir d'excellents mages-moines, experts en sorts tels que le poing de feu ou bien le coup de pied gelé. Leurs habitations sont légèrement surélevées par rapport au sol, évitant ainsi une grande partie des prédateurs, les fondations hexagonales étaient fixées autour du tronc de l'arbre. Souvent, un genre de grenier était aménagé au niveau du houppier, puis un toit étanche installé avant la cime, les feuilles servant d'isolant naturel. Chaque bâtiment dispose de son propre pont, plus le support de la maison était en hauteur, plus le niveau social de la personne y logeant était élevé. Les plus grands et épais arbres étant donc réservés aux meilleurs guerriers, aux nobles ou bien aux innovateurs de génie. Enfin, une route peu fréquentée, craquelée et cabossée reliait les accès aux habitations.
La forêt aquatique. Un immense lac entouré par les deux autres biomes elfes ainsi que par une imposante chaîne de montagnes, le tout formant une défense naturelle incroyable. Les arbres émergeant de l'eau ne paraissaient pas si hauts, mais cela n'était qu'une illusion d'optique, le lac étant très profond, les arbres étaient surtout submergés. Tout de même plus grand que ceux de la forêt aride, l'architecture, elle, était différente sur un point, il n'existait que trois entrées pour accéder au village, tous les bâtiments se voyaient entourés de ponts les reliant entre eux. Le système social était de telle sorte que plus l'on était haut perchés et moins notre chez-soi avait de points d'accès, plus notre rang fut élevé. L'eau traitée naturellement par le mana réfléchissait le soleil de façon extrême, la peau des elfes vivant ici s'en est retrouvée carbonisée donnant ainsi son nom au peuple des elfes noirs. Leur corps étant mis à l'épreuve à travers le soleil par le biais de l'eau ils furent d'excellents mages-soigneurs, capables de résister à de grandes magies. Dans une armée, les elfes noirs composent toutes les escouades, ils sont chargés de soigner les blessés et de servir de rempart face aux sorts de feu et d'eau auxquels ils sont presque immunisés.
La haute forêt. Simple forêt tempérée ayant accumulé une quantité de mana bien plus grande que dans les deux autres zones. N'ayant pas besoin de l'énergie des elfes, la forêt servait d'accumulateur, décuplant la magie environnante. La végétation de la forêt était plus qu'abondante, les arbres gargantuesques et l'atmosphère lourde en mana. La hauteur vertigineuse à laquelle se trouvaient les bâtiments s'expliquait par la différence de statut entre les biomes, les êtres vivants de cette zone furent appelés les hauts elfes, en référence à leur situation sociale noble. Leur peau blanche, leur grande taille, leurs oreilles très allongées et leur arrogance sans pareil étaient connues dans le monde entier. Neutre dans la plupart des conflits, les elfes n'entraient en action que lorsque des races qui leur sont très hostiles faisaient partie de l'équation, comme les démons ou bien les élémentaires de feu, de lave ou de tout autre attribut représentant un danger pour leurs forêts.
Traversant la frontière limitant le territoire des humains et celui des elfes, Salazar inspira profondément, « Enfin rentré... » songea-t-il. Cependant, son trajet n'était pas fini, même avec sa marche rapide il lui faudrait encore quelques heures avant d'être chez lui. Deux elfes habillés de vêtements faits de feuilles impérissables se précipitèrent à sa rencontre, une fois devant lui ils s'agenouillèrent.
— Monseigneur. Soyez le bienvenu chez vous... Désirez-vous une escorte ?
— Ce n'est pas la peine, vous me voyez désolé de vous être déplacé pour rien.
Contrairement à ce que les humains avaient pu penser de lui, le prince elfe est une personne respectable et respectée, il est toujours aimable et affectueux envers les elfes qui lui sont déférents.
— Vos mots nous touchent Monseigneur Isendeldit, sur ce, nous prenons congé.
Les deux individus disparurent aussi rapidement qu'ils étaient arrivés, l'elfe restant avança d'un pas inexorable en direction de cette forêt de plus en plus épaisse, bientôt il y ferait complètement noir.
*
Il faisait nuit noire dans la grande maison, cependant, l'elfe put se chausser et se lever sans problème, de petites lumières mauves s'allumèrent à l'intérieur ainsi qu'à l'extérieur de sa maison, il replaça correctement les draps de satin noir sur son lit avant de se préparer pour la journée. La plupart des maisons se voyaient éclairées, annonçant que les habitants étaient réveillés, les bâtiments encore éteints furent les différents commerces présents dans la ville. Refermant la porte derrière lui, Salazar soupira tout l'air de ses poumons lorsqu'il vit les deux elfes de la veille se précipiter vers lui.
— Monseigneur, votre présence est requise au conseil.
— Pas le temps de souffler...
Les messagers baissèrent la tête de concert, Isendeldit sourit amplement.
— Ce n'est rien, je m'y rends dès à présent.
Peu de gens sortaient si tôt de leurs maisons, raison pour laquelle le prince ne croisa que quelques-uns de ses semblables, les salutations presque solennelles de ses congénères le feraient passer pour un roi du point de vue d'un étranger.
Traversant les différents ponts le séparant de la salle de conseil, Salazar ne comprenait pas pourquoi il était si impératif de remettre son rapport oral. En arrivant devant la bâtisse, un froid parcourut son dos. « J'ai une mauvaise impression... », songea-t-il avant d'entrer dans cette grande salle.
Autour de la table ronde se trouvait déjà l'intégralité du conseil elfique, tous arboraient une expression morose. Le jeune prince eut la chair de poule, cette salle d'habitude animée par le brouhaha était totalement silencieuse. Autour de cette immense table, qui occupait la quasi-totalité de la pièce, se trouvaient treize elfes qui étaient assis sagement. Sans un bruit, Isendeldit s'assit sur un petit trône face à la porte, à ses côtés, un scribe muni d'une grande plume était prêt à noter les détails importants de cette rencontre.
Trois groupes de quatre elfes se tenaient devant lui, la composition fut la même à chaque fois, le maire, le soldat le plus haut gradé, le marchand en chef et le plus haut noble. Cette coalition elfique plus sérieuse que d'habitude semblait déjà s'être accordée sur le sujet du jour, pourtant, comme le veut la tradition, ce fut au prince de commencer.
Il leur expliqua ce qui s'était passé en détail, lorsqu'il évoqua un humanoïde cornu les elfes s'échangèrent des regards complices. Quelque peu agacé de ne pas comprendre la situation, Salazar tapa du poing sur la table.
— Si vous avez quelque chose à m'annoncer, faites-le.
Personne ne voulut prendre la parole pour une si mauvaise nouvelle, « mais que s'est-il passé ? », songea-t-il quand tout à coup il réalisa la signification des signes échangés lorsqu'il évoqua Ïaki.
— Les anges ont perdu ? demanda-t-il, la main sur le menton.
La coalition époustouflée de l'intellect d'Isendeldit ne sut trouver quoi dire, maintenant qu'il avait compris la situation par lui-même il leur était impossible de s'excuser correctement.
— Nous sommes navrés, nous aurions dû mieux prévoir..., commença à argumenter le noble haut elfe.
— Ce n'est pas grave, ses anges étaient faibles, avez-vous des idées quant à la façon dont nous allons nous débarrasser de ce démon ?
Le prince ne voulant pas perdre plus de temps coupa la parole au noble qui était en train de s'exprimer, celui-ci ne manifesta aucun mécontentement.
Un léger silence parcourut la salle, le marchand elfe noir leva la main voulant soumettre une idée, Salazar acquiesça, lui laissant donc la parole. Il ouvrit la bouche, mais avant que le moindre son n'ait le temps de sortir la double porte s'ouvrit d'un coup sec. Au bas de la porte se trouvait encore une fois le duo de messager que le prince avait beaucoup vu ses derniers jours, dégoulinants de sueurs.
— Monseigneur, une enveloppe de la plus haute importance !
— Qu'est-ce ? Qui en est le commanditaire ?
— Le sceau est celui des gestionnaires de l'arène !
— Voilà qui tombe à point nommé ! J'eus l'idée de m'inscrire au cas où cela arriverait.
C'était évidemment faux, il ne prit aucune précaution de la sorte, il souhaitait simplement participer à ce fameux tournoi afin d'y affronter de puissants adversaires, l'extermination des anges lui donnait le motif parfait pour s'y rendre. Cependant, son incroyable charisme naturel ainsi que sa puissante capacité d'orateur leur firent croire qu'il avait réellement prévu cette éventualité.
— Approchez, annonça-t-il aux messagers.
Ceux-ci lui donnèrent l'enveloppe, faite d'un matériau quelconque qui ne fut pas issu de l'exploitation végétale. Isendeldit brisa le sceau et en sortit un petit ticket doré sur lequel y était inscrit :
Nom : Salazar Isendeldit
Race : Haut elfe
Titre : Long sabre, La lame unique.
Inscription : Duel, type : Corps à corps.
La coalition débattit pendant près de deux heures, sans interruption. Après avoir concocté un plan digne de ce nom, il était temps de passer au vote.
— Que ceux qui y sont favorables lèvent la main, à cet appel.
Le clan des elfes noirs fut le seul à ne pas lever la main.
— Monseigneur, s'il est impossible de le tuer nous devrions songer à...
Isendeldit lança un bref regard à chaque membre du conseil.
— Très bien, dans ce cas, procédons à nouveau au vote, le plan consiste à participer au tournoi et lors de l'affrontement contre le démon Ïaki, le tuer quitte à être radié de l'arène à vie, et si cela se révèle impossible, le...
Il n'eut le temps de finir sa phrase que le vote fut unanime.
— Bien dans ce cas... le tournoi étant pour bientôt je clos ce conseil afin de me préparer au plus vite.
*
Le soleil était maintenant haut dans le ciel, bien qu'il lui fut impossible de le savoir, la faim sonna comme une horloge naturelle, mais l'elfe prit sur lui et se hâta. Le bâtiment devant lequel il arriva était relié par autant de ponts que l'endroit pouvait en accueillir, la bâtisse n'avait pas de porte, laissant une ouverture béante.
Isendeldit frappa le mur deux fois afin d'avertir de sa présence puis entra. Ce fut la seule construction elfique ou le tronc avait pu être creusé jusqu'à la moelle, du verre empêchait un liquide verdâtre et brillant de s'échapper, l'arbre servait en quelque sorte de réservoir à ce fluide. D'un côté une trappe qui servait à remplir le récipient et de l'autre un robinet pour le verser dans un moule.
Un petit elfe faisait couler le liquide dans le paterne, il semblait intensément concentré sur sa tâche, raison pour laquelle Salazar décida de ne pas l'interrompre. Agissant comme un métal fondu, ce qui se trouvait dans le moule durcit à vue d'œil pour ne laisser qu'une épaisse plaque de cet alliage inconnu.
— Sublime...
Le prince ne put s'empêcher de commenter le spectacle dont il était témoin.
— Tout à fait.
Le forgeron se retourna, le sourire aux lèvres. Mi-elfe, mi-nain, il était le seul capable d'allier magie et forge. Il se leva et ramassa un sac au sol, il était bruyant et léger, le liquide étant plus bas que la trappe il l'ouvrit et versa son contenu dans le réservoir. Des centaines de feuilles tombèrent doucement dans le liquide sans pour autant se dissoudre. L'elfe y injecta une grande dose de mana ce qui fit fondre les végétaux.
— Monseigneur, votre matériel est prêt.
Sa petite main pointa un mannequin à l'autre bout de la pièce sur lequel étaient installés des dispositifs en tous genres, bras, tibia et même talon d'Achille.
Le poids de son équipement n'avait pas changé malgré toutes les protections qu'il venait d'ajouter, les petites plaques vertes lui fournissaient une grande résistance aux dégâts contondants, coupants et même perforants. Quasi insensible à la magie, cette armure, bien qu'incomplète, était le fruit d'un dur labeur. Le design favorisait la mobilité, la protection fut la plus performante qui soit pour un elfe maître épéiste. Cependant, le prince semblait déçu, il marmonna quelques mots.
— Si seulement nous avions des lingots sylvestres purs...
— Vous savez bien que cela est interdit. Nous devrions déjà nous réjouir d'en avoir fait une arme, aussi blasphématoire soit-elle.
— C'est vrai.
Salazar tapa du pied sur le sol, un sabre en sortit émergeant des planches comme si elles étaient un liquide.
— Vous maîtrisez l'invocation ! Quel talent ! s'exclama le forgeron en applaudissant.
La lame scintillait à travers le fourreau, la lueur rouge sang éclaira toute la pièce.
— Ce divin liquide, symbole de la vitalité d'une feuille vivante..., murmura le forgeron, la salive dégoulinant de ses lèvres.
— Mieux vaut nous en tenir aux feuilles mortes, évitons un conflit avec la nature, lui annonça Salazar avant de se mettre en chemin.
Une corne de brume retentit, signalant le départ du prince, celui-ci se déplaça à toute vitesse en direction de la ville humaine, l'adrénaline lui faisant oublier la faim.
*
Assis en tailleur dans le magnifique patio, Ïaki tendit le bras, la main grande ouverte. Un petit objet se matérialisa sur sa paume, prenant la forme d'un ticket doré. Surpris, il reconnut le morceau de papier, mais il ne fut pas le premier à réagir. Assise entre ses jambes, Night attrapa l'invitation et se leva brusquement, ses longs cheveux recouvrant Ïaki.
— Cela ressemble à...
— Ton invention, répondit-il, sûr de lui.
Une intense colère se développa en Night, mais celle-ci fut rapidement calmée en lisant le texte.
Nom : Ïaki
Race : Démon
Titre : Aucun
Inscription : duel, type : Corps à corps.
Inscription : duel, type : Magie.
— Une absence d'efforts, c'est grossier et simplissime. L'incapacité à analyser ton espèce ou ton nom, cela ressemble plus à une contrefaçon humaine...
Elle tourna la tête vers Ïaki, seul le masque de Night fut visible, identique à celui d'Ïaki à une exception, ce n'était pas un gecko qui était gravé sur le masque, mais un grand arthropleura.
— Je m'en occupe, lui déclara Ïaki en attrapant la petite femme par la main la ramenant à sa position d'origine. Celle-ci se servit du chef de guilde comme dossier.
— Très bien dans ce cas, je participerais aussi, annonça-t-elle.
Sur ses mots, Ïaki fit une légère grimace, chose qu'elle ne put voir, car elle était de dos.
— Eh bien quoi ? Nous serrions ensemble, cela ne te plaît pas ? demanda Night vexée.
— Tu t'ennuierais à mourir, ils sont si faibles qu'aucun n'arriverait à tenir debout face à toi.
— Encore plus faible que toi ?
Ïaki ne chercha pas à se défendre, car il savait pertinemment qu'il ne pourrait l'emporter face à elle.
— Quelle tristesse ! Cela dit, avec quelques niveaux de plus, notre combat serait équilibré.
Elle soupira profondément.
— Puis-je au moins te prêter deux armes ? J'aimerais que tu les expérimentes.
— Des gadgets ? demanda Ïaki ne sachant pas ce qu'elle avait créé.
— Tu découvriras le moment venu. Ça s'annonce très amusant.
Sur ses mots, elle ouvrit deux petites brèches dans les airs.
— Je te les place dans ton inventaire, juste... ici, déclara-t-elle en déplaçant trois grands conteneurs d'une fente à l'autre.
— Tu pourrais ne pas ouvrir mon inventaire sans que je te le demande ?
— Pourquoi ? Tu possèdes quelque chose que je ne devrais pas voir ?
— C'est bientôt l'heure, je reviens te voir juste après... la fin du tournoi, changea-t-il de sujet.
Il marqua une petite pause dans sa phrase, ce dont Night s'aperçut, lui laissant un mauvais pressentiment. Mais elle ne put cependant se résoudre à l'en dissuader. « Ce n'est sûrement rien. », pensa-t-elle, le regard plongé dans le lac. Le battant grinça, et Ïaki lui annonça un dernier mot avant de partir.
— À plus tard, Nightmare Violet Blight. La porte se referma avant qu'elle n'ait le temps de se retourner et de répondre.
— Attends !
Son mauvais pressentiment s'intensifia. « Il ne m'appelle jamais par mon nom complet... », pensa-t-elle. Désormais dos au lac, elle regarda la porte lentement disparaître dans le sol. Ses longs cheveux de jais étaient de couleur violette de face, une épaisse frange descendait jusqu'à ses yeux mauves aux motifs inhumains. Sa robe lolita et ses épais bas noirs lui conféraient une aura sinistre, une grosse fleur, la nielle des blés, mauve foncé décorait sa poitrine, lui donnant du relief.
*
Les prix de l'avenue traversante étaient sans comme une mesure, surtout pendant cette période où l'arène avait lieu. Après s'être entraîné sans relâche pendant tous ses jours, l'événement du tournoi était enfin arrivé. Décidés à loger proche de l'arène juste le temps de se préparer, ils parcoururent la grande rue à la recherche d'une offre convenable. Cependant, toutes les auberges affichaient soit des prix rocambolesques, soit aucune chambre disponible.
Contrairement aux autres villes où ils étaient passés plutôt inaperçus, ici, tous les regards semblaient les assaillir. Peu à l'aise dans cette situation, la felinae entra dans l'une des auberges au hasard.
Au comptoir se trouvait une jeune fille au très grand sourire.
— Bienvenue dans la mi-auberge ! leur annonça-t-elle d'une voix enjouée.
Làé'là continua de s'approcher, la petite âgée d'une dizaine d'années voyait sa bouille ronde couronnée de deux petites oreilles.
— Oh ! tu es mi-chat du désert, pas vrai...
Mais avant de pouvoir gentiment poser la question, elle vit une étrange lueur dans les yeux de la jeune fille. Les poils de Nekokai se hérissèrent en apercevant un épais collier de servitude autour de son cou. Elle fut prête à sortir son arme.
— Ton maître souhaite... Vous... Vous n'avez pas de collier ? Veuillez me pardonner ! déclara-t-elle, la voix déraillant.
Làé'là sur le point de faire un massacre se retint en voyant Ïaki passer devant.
— Nous aimerions un endroit où nous préparer pour le tournoi, demanda Ïaki.
— Pardon de devoir vous forcer à parler avec quelqu'un comme moi !
La rage de Nekokai reprit le dessus.
— Arrête ton cirque..., soupira le chef de guilde.
— Hein ? Les deux femmes semblaient perplexes, Ïaki se tourna vers Nekokai.
— Tu es tombée dans le panneau comme une bleue... Écoute son battement cardiaque, sa respiration ou même son odeur.
— Sniff sniff, renifla-t-elle bruyamment.
Un battement lent, une respiration rythmée et une odeur divine. Honteuse de ne rien avoir remarqué, elle rougit et baissa les oreilles.
— HAHAHAHA, c'est la première fois que quelqu'un s'en rend compte dès le début ! Laissez-moi deviner, vous êtes les deux gusses qui ont massacré les anges ?
Le vocabulaire de la petite changea du tout au tout.
— Mais du coup... ? Toujours perdue sur la situation, Làé'là tentait de comprendre.
— Je suis la propriétaire de ses lieux ! Prenez la chambre quatre, je vous l'offre pour avoir sauvé la ville, ça a bien boosté mon commerce, leur annonça-t-elle en riant, conservant le même large sourire.
Déboussolée, Làé'là se dirigea instinctivement vers la pièce sans même réfléchir, combattant ses émotions contradictoires.
— Merci bien.
— Hey, comment as-tu deviné ? Mon jeu d'acteur est si mauvais ? Arrêta-t-elle Ïaki qui suivait la felinae.
— Plusieurs raisons, mais principalement un collier d'âge porté par une personne au sang rare... C'est plus d'information qu'il ne m'en faut.
L'aubergiste rougit et baissa la tête, deux queues rousses et touffues se levèrent derrière elle, Ïaki profita de ce moment de faiblesse pour rejoindre Làé'là, refermant la porte coulissante après lui.
— L'arène ouvre à huit heures, il nous reste donc un peu moins d'une heure pour se préparer.
Sur ces mots, Làé'là sortit des nuages et commença à réfléchir un tant soit peu.
— Se préparer ? Moi je ne participe pas et..., elle se tut et laissa la parole à son chef de guilde.
— Je t'avais promis un meilleur équipement, tu dois au moins changer d'armure, celle-ci est vraiment dépassée. Night nous a préparé un petit quelque chose.
Il fendit l'air et sortit trois grandes boîtes, la première était un cube, vert. La deuxième, de forme rectangulaire, longue et bleu ciel. La dernière, un genre de mannequin noir, protégé par un plastique dur.
— J'imagine que ma nouvelle armure se trouve sur ce mannequin..., marmonna-t-elle en s'approchant doucement.
Lorsqu'elle posa sa main dessus, le plastique s'ouvrit de part et d'autre. Rien à voir avec les armures qu'elle avait portées jusqu'alors, sur le présentoir se trouvait une armure complète en kevlar. Robuste et léger, c'est le matériau idéal pour le combat rapproché.
— Une résistance bien supérieure, une mobilité accrue. Elle a fait un excellent travail, comme d'habitude.
La felinae s'empressa d'équiper cette protection, le style chevalier fut toujours présent, mais fait avec des techniques et matériaux au moins contemporains. Làé'là bondissait à travers la pièce, elle avait l'impression de ne rien porter, pourtant, elle se sentait en sécurité.

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ÏAKI : TOO
FantasíaUne technologie abandonnée, délaissée pour des raisons éthiques et morales, fut achevée dans l'ombre. Ce concept, le pont neuronal, permet la connexion entre êtres humains par l'intermédiaire d'implants et de machines. À mi-chemin entre réalité et v...