Étanol

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La stratégie de Nikolai Gogol était unique. Dans toute sa carrière, Fyodor n'avait jamais vu ça. Il l'avait certes battu, mais ses coups désordonnés mais pourtant méthodiques lui restèrent en tête.

Il remarqua d'abord que son adversaire tenait à ce que sa reine, la pièce la plus puissante, puisse garder un maximum de liberté. Cette dernière le tenait visiblement à cœur.

La stratégie de Nikolai avait la principale particularité d'être insaisissable. Dès qu'une de ses offensives était en danger, il changeait complètement de plan.

À la fin de la partie, Fyodor leva son regard violet vers lui et lui demanda :

- Pourquoi n'avez-vous pas continué à jouer ? Vous avez du talent.

- Ça ne m'intéresse pas, c'est tout. La plupart des joueurs d'échecs deviennent addicts à ça. Ils finissent même parfois par se faire du mal, comme ce joueur Autrichien, capturé par les SS*.

*ceux qui ont la référence, dites-le-moi ici !

Le Russe leva un sourcil.

- Je dis pas que vous êtes comme ça ! se rectifia Nikolai en remuant frénétiquement les mains. Je dis juste que certains joueurs sont un peu dérangés.

- Et qu'est-ce qui vous dit que je ne le suis pas aussi ? fit Dostoievsky sur un ton taquin. Si ça se trouve, je serais prêt à vous tuer pour éviter que mon me surpassiez un jour.

- C'est vrai que vous n'êtes la plus nette des personnes. J'ai remarqué que votre main tremblait, que vos lèvres étaient sèches et quand vous avez tourné la tête vers la fenêtre, j'ai vu des traces de sang au niveau de vos narines. Vous êtes en manque. Vous devez sûrement prendre quelque chose, et là, il vous en faut d'urgence.

Fyodor en resta pantois. Ce sens de l'observation était remarquable.

- Vous avez remarqué tout ça ?! s'étonna-t-il.

- Je suis journaliste. Les petits détails, c'est mon quotidien.

- Je vois...

- En parlant de voir, vous ne mangez définitiv-

- Pouvons-nous arrêter de parler de mon corps ? demanda Fyodor sur un ton plus sec qu'il ne l'aurait voulu.

- Vous ne l'aimez pas ?

Cette question, franche et simple, prit le Russe un peu au dépourvu. Il ne répondit pas et sortit de la chambre. Il avait besoin d'une cigarette et de ses pilules.

Il sortit de sa poche le petit récipient qu'il prenait lors de tous ses voyages. Le mot Étanol était marqué dessus au feutre noir. Là étaient ses "gélules de tranquillité". Il en avala deux et attendit de ressentir les effets chimiques.

Son addiction lui faisait penser à cette histoire en Allemagne. La championne nationale, une toxicomane dépressive, addict au Zenovryl, une autre marque de tranquillisants. Ceux-ci étaient un peu plus corsés.

Il s'alluma aussi une cigarette, la coincant entre ses lèvres. Il inspira la fumée avec délectation. Le tournoi se résumerait à une partie par jour. Il était 14 heures et il avait le reste de sa journée.

Après avoir passé une demi-heure à fumer, il décida d'aller s'excuser auprès du journaliste pour sa conduite sèche. Il parcourut donc le grand hall, à la recherche de sa chevelure blanche en bataille qui ne passait pas inaperçu.

Il la vit soudain, au tournant d'un couloir. Au moment où il bifurqua pour le rejoindre, il vit que l'Ukrainien était accompagné.

Avec lui se tenait un grand homme mince aux longs cheveux marqués par une bichromie violette et blanche. Nikolai le tenait par les hanches, et les caressait lascivement. Il parlait à l'inconnu juste à côté de son visage. Tout proches. Il aurait même pu l'embrasser...

Ne sachant pas pourquoi, Fyodor ressentit un pincement au cœur. Comme une toute petit pique plantée en lui. Discrète, mais présente.

Il se retira.

Il regagna ses appartements et s'assit sur son lit.

C'est là, à cet instant, qu'un profond dégoût germa en lui d'un seul coup. Comme une explosion de mépris.

Une éclosion de dédain pour Nikolai Gogol.

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Fin du chapitre 3

_-Lycoris-_
Genes111s
The_cookies_of_Sigma
Test735

J'ai compensé la courtitude, je crois. Hésitez pas à commenter !

The King's Gambit [Fyolai]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant