Intro

12 0 0
                                    


J'écris ces lignes depuis le comptoir de ma librairie de nuit installée au coin d'une ruelle du Pays Noir. La vitrine donne sur une placette qui compte un bistrot, un traiteur chinois et un nigthshop. C'est plutôt discret comme emplacement, pas forcément idéal mais, la nuit, la concurrence est nulle évidemment. Ma clientèle se compose principalement de fous de bouquins isolés ou de mères au foyer qui profitent de venir me visiter une fois les enfants couchés et monsieur devant le foot. J'ai aussi des insomniaques, des égarés et des curieux. Des voisins peut-être.

Ma boutique n'est pas bien grande, à peine plus de 60 mètres carrés ouverts au public de 22h à 4h du matin, 7 jours sur 7. Le bâtiment en lui-même n'a rien de remarquable. Il s'agit d'un ancien bistrot, le rez-de-chaussée d'une petite maison trois façades, typique de nos communes. Malgré le côté un peu chiche de l'affaire, j'ai réussi, il me semble, à en faire un lieu à la foi simple et accueillant, mais aussi branché à sa manière désuète et mystérieuse. Lieu qui, je l'espère, donne envie d'être visité par les noctambules fans de bouquins.

On y entre par une porte surmontée d'une cloche, située à gauche de la vitrine ouverte sur la façade. Un œil attentif pourra deviner les marques laissées par les anciennes publicités de bière. J'y ai installé la nouvelle enseigne. « LIBRAIRIE DE NUIT » est écrit en grand dans un noir profond sur fond blanc. En dessous, en plus petit, on peut lire : littérature choisie & un peu de musique de 22h à 4h tous les jours de la semaine.

À l'intérieur, on trouve des étagères sur tous les murs, du sol au plafond, une longue table en plein milieu pour mes sélections thématiques et le comptoir dans le fond, avec un poêle pour le café et les nuits d'hiver, un système sonore pour la musique et un portable pour mes notes et ma compta. Le siège dans lequel je passe une bonne partie de mes nuits barre le passage vers l'arrière-boutique cachée derrière un rideau en bandes plastiques. Simple mais agréable, comme je le disais.

Côté rayon, je ne propose que des livres que j'aime ou que je pense pouvoir aimer. Pas de bestseller installé avec passe-droit, pas d'automatisme auprès de certains éditeurs et, bien sûr, pas de gnognoteries inutiles. Vous trouverez plutôt de la littérature nord-américaine en nombre. Du Crews, du Faulkner, un peu de Bukowsky, beaucoup de McCarthy. L'Europe n'est pas en reste. Céline en tête de ligne, suivit par Kafka évidemment que talonne un Genet excité. De la poésie en veux-tu en voilà, pas trop contemporaine, plutôt plaintive. De l'essais par-ci, par-là, du journalisme aussi (Talese et Thomspon en évidence). J'ai quelques rares livres de cuisine (cajun et poissons) et pas mal de choses sur l'art (notamment des biographies que je préfère souvent aux œuvres des gens). Des comics se battent avec une poignée de mangas bien bourrins (Spirale, Blame !...) et tout ce que j'ai pu trouver de Tardi.

Comme je l'ai évoqué plus haut, chaque mois, je prépare une sélection sur un thème particulier qui prend place sur la longue table centrale. J'ai proposé de la boxe, du nouveau journalisme et de l'ero-guro. J'y ajoute toujours quelques CDs ou vinyles pour compléter le tableau.

Parlons musique justement. Car même si ce n'est pas mon core-business, je suis aussi passionné de musique, je propose donc quelques albums à la vente parmi mes préférés. J'ai actuellement du rap us underground, du jazz bien tordu et un peu de musique latine. Je laisse toujours tourner un disque en fond sonore. Pour l'instant, c'est le fameux Doris d'Earl Sweatshirt qui passe sur la platine.

Voilà pour le décor. J'en dirai plus en tant voulu. Je parlerai aussi de mon approche du bouquin, comment je les trouve, comment je les sélectionne. Ce que j'aime, ce que j'aimerais aimer, ce que je n'aime pas et ce que j'aimerais ne pas aimer. J'évoquerai mes goûts en matière de publication, les éditeurs que j'affectionne. Je citerai des centaines de titres et d'auteurs, délirant parfois sur des suites à donner à des œuvres, sur des idées qui me viennent à la lecture de certaines pages. Je causerai très prochainement d'une bande de type qui ont créé un label incontournable pour les fanas de musique pointue.

Je vous partagerai des anecdotes à propos de certains clients ainsi que des rencontres nocturnes parfois surprenantes. Enfin, je vous présenterai peut-être un ami particulier qui passe parfois me voir aux heures les plus sombres de la nuit. Bref. J'ai à dire et je dispose l'espace requis ici. Voilà donc pour cette première. La présentation de ma librairie de nuit, l'endroit d'où je vous écrits ces lignes avec mes mots et la sensibilité d'un gars qu'approche la quarantaine et qui voudrait passer le reste de sa vie entre les pages de ses bouquins. Je retourne à Parano dans le bunker, le premier tome des Gonzo Papers de Hunter S. Thompson, réédité par Tristram. Merci de m'avoir lu et à bientôt.

Voilà pour l'intro de ce "Journal d'un libraire de nuit". Je sais que c'est simple sur la forme et que l'on fait mieux actuellement en matière de mise en page de mail. Mais il était important pour moi de simplement oser envoyer ce texte. J'arrangerai le style par la suite si la mayonnaise prend. Pour le reste, dès vendredi prochain, nous entrerons dans le vif du sujet. D'ici-là, n'hésitez pas à forwarder ce petit texte à ceux/celles qu'il pourrait intéresser et SURTOUT, dites-moi ce que vous en avez pensé. Vous pouvez aussi poser toutes les questions que vous voulez au libraire, il y répondra volontiers dans les prochains billets. Merci pour votre temps et votre curiosité. J.

Journal d'un libraire de nuit [archives]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant