Chapitre 32 (2/2)

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Au petit matin, Agathe, vêtue d'une robe offerte par Ingrid, gagna sa nouvelle maison.

Connaissant assez bien sa femme pour savoir qu'elle ne commettrait pas d'acte qu'elle regrettait, Ketil ne la chercha pas durant la nuit, préférant la laisser se calmer et lui permettre de mieux cerner l'opportunité qu'il lui offrait : retrouver le confort du foyer qui l'avait préservée durant la plus grande partie de sa vie.

Ketil terminait de préparer les sacs de voyage de la guérisseuse et le sien, quand la jeune femme franchit le seuil de la porte. Il put lire une nouvelle détermination sur son visage.

— Où étais-tu ? soupira-t-il.

— Ingrid m'a hébergée, lui avoua-t-elle.

— Bredi et l'équipage doivent t'attendre, prends tes affaires et va les rejoindre, ordonna-t-il, en faisant coulisser son scramasaxe dans son fourreau, comme pour vérifier qu'il avait tout ce qu'il lui fallait.

— Non, refusa-t-elle. Puisque tu ne veux plus de moi comme épouse, je n'ai plus à t'obéir, affirma-t-elle.

— Répète-moi ça en me regardant dans les yeux, gronda-t-il, en s'approchant d'elle.

Agathe inspira profondément et le défia du regard :

— Puisque nous nous séparons, j'ai choisi d'accepter la proposition d'Ingrid en devenant la guérisseuse de leur clan. Je vais entamer ma nouvelle vie ici, peu m'importe ce que tu en penses, expliqua-t-elle.

Ketil crispa les mâchoires de colère :

— Tu vas rentrer chez toi ! cracha-t-il de fureur, en l'attrapant par le bras pour la mettre de force dans le bateau.

Agathe résista :

— Tu n'as plus aucun droit sur moi, s'emporta-t-elle. Tu me fais mal, lâche-moi ! tonna-t-elle.

Ketil capitula en comprenant qu'il avait enfermé son bras dans l'étau de sa poigne. Même s'il en était désolé, il restait déterminé à la mettre dans le navire.

— Si je rentre chez moi, soupira-t-elle espérant le convaincre. Mon père n'aura pas d'autre choix que d'honorer sa promesse, surtout après tout ça. Je passerai le reste de ma vie dans un couvent... Ici, Ingrid m'offre l'occasion de disposer de ma vie comme je l'entends, alors je reste !

Elle s'abstint de le provoquer en ajoutant qu'il lui avait ouvert les yeux sur les plaisirs du sexe, aussi une vie dans un couvent ce n'était plus pour elle. Au lieu de quoi, Agathe retira le pendentif et le tendit à Ketil :

— Je n'ai pas besoin d'un bijou pour me rappeler que tout était faux, conclut-elle.

« Maudits soient les dieux » se fustigea-t-il intérieurement, face à la colère de sa femme.

Conscient que les dieux n'aimaient pas son égoïsme, Ketil dut se résigner à la laisser faire ce qu'elle voulait. Il attrapa le collier, ses affaires et se dirigea vers la porte, mais il resta bloqué sur le loquet. Il se retourna pour la dévisager :

— Tout n'était pas faux, lui affirma-t-il.

— Tu n'es pas complètement rétabli, mais tu repars aux Orcades, ça veut tout dire, lui reprocha-t-elle.

— Ce que tu dis n'as aucun sens, Agathe, répliqua-t-il. J'y retourne parce que nous avons perdu des hommes là-bas, objecta-t-il. Ça mérite vengeance tout comme ce qu'ils t'ont fait ! gronda-t-il.

— Quand tu as été blessé, se désola-t-elle. Tu n'as pas cessé d'appeler Joreid, Tova et Thurid. J'ai dû demander à Ingrid qui elles étaient pour toi...

Face à son silence, Agathe inspira profondément pour retenir ses larmes :

— J'ai compris que je m'acharnais à te garder en vie, alors que tu ne souhaitais que les rejoindre... Malgré tout, j'ai bêtement espéré qu'au moins une fois tu prononces mon prénom, avoua-t-elle. Alors, admets que tu y retournes parce que tu t'acharnes à vouloir les rejoindre... Moi, je n'étais rien de plus qu'un ventre de gestation pour tes héritiers... je ne compte pas !

Ketil ne se rappelait pas avoir pensé à ses autres épouses, il se souvenait surtout que lorsqu'il sortait des ténèbres de la fièvre, c'était la présence d'Agathe qu'il ressentait et le rassurait.

Et là, face à son attitude combative, le guerrier hésitait à s'éloigner d'elle pour la protéger de la colère des dieux. C'est par égoïsme qu'il l'avait conduite aux Orcades pour remplir sa mission, persuadé que tout ce que les dieux voulaient c'était qu'il retrouve Olvar. Mais en y repensant longuement, Ketil comprit qu'il avait eu tort : une fois de plus, il n'avait pas tenu compte de l'avis d'Agathe et l'avait emmenée parce qu'il ne voulait pas se séparer d'elle... Ce fut la fois de trop pour les dieux. Ketil n'avait aucune envie de la quitter, mais il le fallait, s'il voulait qu'elle ait une chance de vivre... Heureuse, si son Dieu était vraiment miséricorde.

Ketil lâcha ses affaires pour la rejoindre et réalisa qu'elle ne verserait pas une larme pour lui, alors il lui prit le visage en coupe. Par habitude, elle lui plaqua les mains sur le torse, tandis qu'il lui effleurait les lèvres des siennes, mais il recula :

— Derrière ta colère, tu sais que tout n'était pas vain entre nous, soupira-t-il. Adieu, Agathe ! ajouta-t-il avant de tourner les talons et partir sans un regret en arrière.

Viking de feu et de sang T3 🔞 (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant