Chapitre 9-partie1

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Élisha

À ma grande surprise, la soirée se déroule plutôt bien. Certainement l'effet Sam, qui a choisi de détendre l'atmosphère en nous racontant une de ses anecdotes concernant son manque de bol légendaire. Elle y réussit très bien puisque nous sommes tous hilares. Ou alors c'est le double effet kiss kool provoqué par les deux autres Mojitos ingurgités en plus des précédents, me procurant une chouette sensation de légèreté. En fait, je m'en moque : je passe une soirée plutôt agréable et c'est la seule chose qui compte. Unique nuage à ce tableau idyllique : le superbe brun assis à ma droite.

Depuis une heure le pub s'est considérablement rempli, l'ambiance chaleureuse et animée du Joe's Corner a repris ses droits : bourdonnement des bavardages joyeux sur un fond de musique Blues, Jo qui passe son temps à faire des allées et venues en salle, le tintement des verres au rythme des chansons aux accents désespérés, sortant des haut-parleurs. Je le regarde du coin de l'œil, un demi-sourire collé sur mon visage, laver, rincer, égoutter, sécher, ranger... Une véritable chorégraphie. Tout ce que moi, je fais d'habitude. Mais pompette comme je suis, je serais bien incapable de lui filer un coup de main, d'autant qu'en fait je n'en ai pas la moindre envie. Je reste donc assise à profiter de ma meilleure amie et de ses bavardages incessants. Pour le plus grand bonheur de Sam qui aime plus que tout captiver son auditoire. Mais surtout Jonas.

C'est bien simple, elle n'a d'yeux que pour lui, passe son temps à lui jeter des regards en biais, lui décoche des sourires émail diamant à tour de bras auxquels bien sûr, mon frangin répond en roulant un peu plus des mécaniques. Sauf qu'au bout d'un moment, les regarder se lancer des œillades dégoulinantes d'envie et dont je ne veux même pas imaginer la teneur en phéromones, ça me rend dingue. Du coup, je n'ai pas grand choix : soit je continue à écluser des litres d'alcool soit je me résigne à faire la conversation à Ben qui tente désespérément de me faire décrocher plus de deux mots à la suite. Et même si je n'ai pas franchement envie de faire la causette avec ce cher Me Charbonnier, c'est toujours plus raisonnable que de marcher à quatre pattes pour rentrer chez moi. D'autant que vu l'état dans lequel je suis, je vais de toute façon être obligée de prendre le métro. Notons que je ne suis pas ivre morte, j'ai juste la tête à quinze mille, je sais encore me tenir !

Bon gré mal gré, je rassemble tout ce qui me reste de patience et d'abnégation puis je me retourne vers lui.

- Et sinon, tu as des frères et sœurs ? demandé-je d'une voix plus pâteuse que je m'y attendais.

Plus naze que ça, question lancement de conversation, on fait pas ! Enfin bon, je m'ennuie comme un rat mort, il a l'air sur le point de crever d'ennui, alors on ne va pas faire les difficiles, hein !

- Ah, tiens ? Mais en fait, tu parles ! me tacle-t-il, un soupçon d'ironie dans la voix.

Je lui souris. Bien malgré moi, j'avoue que je suis charmée par sa répartie.

- Oui, j'ai appris récemment. lui réponds-je sur le même ton.

- Donc tu daignes enfin t'intéresser à moi. Je ne sais pas si je dois m'en réjouir ou pas. Après tout, quel homme normalement constitué serait heureux d'être considéré comme un second choix, voire une vulgaire solution de repli.

- Oh, j'abandonne ! m'écrié-je, agacée, avant de me retourner face à mon verre vide qui n'attend qu'un signe de moi pour être à nouveau plein.

Question patience et abnégation, je repasserai.

J'aurais peut-être pu faire un effort supplémentaire - disons trente secondes de plus -, mais clairement, c'est au-dessus de mes forces. Je n'aime pas ce type, même s'il est le meilleur pote de mon frère, qu'il gagne bien sa vie, qu'il porte à merveille le costard-cravate, qu'il est carrément beau gosse, qu'il a un sourire à faire se damner un couvent de nonnes, et des yeux verts (très verts), à tomber. Ou plutôt à se noyer dedans avec délices.

Toi et moi, désastre assuréOù les histoires vivent. Découvrez maintenant