Chapitre III partie 2

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élisha :

 La cloche de la porte du bar n’arrêt pas de tinter. Il est maintenant près de 23h, le flux des allées et venues des clients commence, la salle se remplit à une allure folle et j’ai du travail par-dessus la tête. Et j’adore ça. Clairement tout ce bruit, le bruit des verres s’entrechoquant, les rires, le brouhaha continu des conversations, la musique du groupe pop-rock en train de jouer son premier set, tout cela me rend heureuse. Ce pub à l’image de Daddo,la décoration conforme à ses souhaits : l’éclairage tamisé, les poutres apparentes, les tables de bois ciré portant pour certaines la griffe des clients de passage, les écussons à l’effigie des marques de bières préférées de la maison, les photos sur les murs … Cette ambiance chaleureuse, c’est chez moi.

Une horde de filles, certainement sorties d’un quartier chic, vu leurs vêtements – très coûteux, j’en mettrais ma main à couper – et leur façon de se déplacer en formation serrée tout en jacassant et gloussant à qui mieux mieux vient d’entrer. Au milieu de ces petites filles de riches, une espèce de Barbie-pétasse, aussi blonde que je suis brune et clairement addict à la chirurgie plastique ; certainement la reine de la basse-cour, toise d’un air dédaigneux tous ceux qui osent passer trop près de ses courtisanes.

Décidant que ce spectacle affligeant ne vaut pas la peine que je m’y intéresse plus que ça, j’apporte la commande à une table occupée par un groupe d’étudiants désireux de passer une bonne soirée.  Je distribue donc les consommations en échangeant quelques paroles aimables avec eux. J’appris que Pierre, un grand blond à la carrure athlétique et au physique agréable, suit – enfin poursuit semble plus juste, vu son manque de rigueur – des études de journalisme, qu’il est depuis trois semaines en stage dans les locaux d’un quotidien régional et qu’on lui a confié la rubrique… nécrologique et autres chats crevés. Il est de retour sur la capitale pour quelques jours avant de retourner en province. La vie citadine telle qu’il la connait à Paris lui manque et a décidé que cette parenthèse parisienne serait pour lui l’occasion de faire des provisions orgiaques de ses amis, de ses racines, du béton et de la pollution.

Au moment où je vais encaisser le montant des consommations de la tablée, je suis bousculée sans ménagement. J’attends. Rien, pas une parole d’excuse alors que même un môme de cinq ans se serait empressé de le faire. Je me retourne lentement en direction du malpoli qui a osé me renter dedans et me retrouve face au groupe de pintades entrées quelques instants plus tôt. L’une d’entre elles me lance un regard dédaigneux certainement destiné à me faire courber l’échine, mais c’est mal me connaître : je ne suis pas de celles qui se laissent impressionner. Ni par une attitude tellement affectée qu’elle sonne faux ni par un quelconque étalage de « richesses » – d’autant que les fringues de créateurs qu’elles portent étaient loin de me rendre envieuse puisque je pourrais me les payer si l’envie m’en prenait.

Je reste calme et fais comme si de rien n’était, reportant mon attention sur la table de Pierre et ses amis et nous reprenons donc notre conversation, bien qu’au passage, ils m’aient tous jeté des regards compatissants. Un raclement de gorge impatient se fait entendre, je tourne ostensiblement la tête dans la direction d’où vient le bruit, un sourire commercial étirant mes lèvres.

— Plaît-il ? dis-je en levant un sourcil innocent. Ah, c’est à moi que vous vous adressiez ?

  — Alors, on voudrait…Un daiquiri fraise, un Mojito, un Coca zéro et un Martini Rosso. Sans olive. Et du citron jaune, pas du vert pour le Mojito. commande la seule brune de la tablée de pétasse.

 Je pourrais avoir un brin de sympathie pour elle si elle avait la délicatesse de se montrer polie, mais apparemment c’est trop lui demander. Décidément, non seulement ces filles se ressemblent dans leur manière de s’habiller, mais leur attitude est exactement la même, à croire qu’elles partagent toutes le même neurone ; arrogant, bête et méchant. Elles me toisent comme si je valais moins que le tapis sur lequel elles s’essuient les pieds.

Toi et moi, désastre assuréOù les histoires vivent. Découvrez maintenant