Chapitre 1

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Il y a de ces mystères dont nul ne connaîtrait jamais la réponse. 

Les origines du monde, par exemple. Lorsqu'il observait le ciel couvert d'étoiles, Alhaitham était persuadé qu'il existait en réalité des milliers de galaxies, et autant de vérités qu'il restait encore à découvrir. Et chaque fois qu'il y pensait, il se réalisait à quel point sa propre existence était insignifiante au beau milieu de ce vaste univers. Insignifiante, mais ô combien précieuse, et surtout fragile.

L'enfant qu'il avait été, et l'adulte qu'il devenait n'avaient jamais vu le monde comme les autres le voyaient. Son monde à lui était fait de silence. De silence et de mots à jamais gravés sur les pages des nombreux livres dans lesquels il se plongeait.

Il trouvait dans ces ouvrages les mémoires de personnes qui avaient parfois vécu bien avant lui, s'étaient posé les mêmes questions que lui, et avaient tenté d'y apporter une réponse que d'autres modifiaient, ou réfutaient, au fil du temps passé.

L'écriture était à ses yeux le miroir des âmes de ceux qui savaient la manier. Les mots contenus dans les pages qu'il lisait lui donnaient chaque jour le sentiment de voyager dans d'autres pays, de rencontrer des personnes venues de tout horizon sans pourtant ne leur avoir jamais parlé, et d'errer à travers des époques qu'il n'avait jamais connues, mais qui avait fait du monde ce qu'il était aujourd'hui, à travers les conflits, et la paix.

C'était ainsi qu'il apprenait, qu'il comprenait. Grâce à de simples lignes silencieuses imprimées sur du papier. De simples lignes capables de faire sourire, ou d'émouvoir si fort que les larmes se mêlaient parfois à l'encre.

L'écriture et la genèse du langage étaient de ces mystères qu'il étudiait. À ses yeux, les mots étaient la plus grande arme de ce monde. Ils pouvaient être à la fois la douce caresse qui console, et le poignard affûté qui fait couler le sang d'un coeur en le brisant si douloureusement que l'on ne s'en remettait parfois jamais.

C'était pour cela qu'il préférait se taire, et écouter.

Les livres et le silence étaient comme une bulle dans laquelle il évoluait. Sa vision du monde était différente de celle des autres. Trop différente. Et le monde qu'il s'était créé se heurtait difficilement à une réalité ou tout était bien trop rapide, et beaucoup, beaucoup trop bruyant.

Les gens attendaient de lui des paroles qu'il ne pouvait offrir, des sentiments qu'il ne voulait montrer. Alors, dans les couloirs de l'académie, on disait de lui qu'il était froid et insensible; on préférait simplement le fuir sans jamais oser l'approcher. Sous les murmures, il devenait "le garçon bizarre de l'Haravatat". Simplement parcequ'il se taisait, et que dans ce monde dominé par le bruit, le silence effrayait.

Mais il n'accordait que peu d'attention aux bruits de couloir. Il n'était pas de ces personnes qui changeaient pour être appréciées, il n'avait pas besoin de briller dans les regards, pas besoin d'étaler son savoir afin que son nom soit sur toutes les lèvres. L'ombre lui allait très bien. Il n'avait pas l'ambition de devenir quelqu'un d'important. Il voulait juste que les choses soient simples.

Il avait toujours eu du mal à supporter ces savants et ces chercheurs qui se donnaient de grands airs et usaient de grandes phrases dont eux-mêmes ne connaissaient même pas le sens, uniquement pour étaler leur savoir. Chaque mot qui s'échappait de leurs lèvres était choisi pour impressionner.      Mais pour impressionner qui, au juste ? Tout cela était devenu une inlassable et ridicule compétition, et les académiciens s'en amusaient. Les étudiants étaient devenus les marionnettes d'un système élitiste qui les poussait à se détruire et à croire que la différence était une faiblesse. Une faiblesse qui devait à tout prix être cachée.

Le Son du SilenceWhere stories live. Discover now