Chapitre 3

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Oh, que les nuits pouvaient sembler longues lorsque le sommeil se montrait capricieux.

Toute la fatigue d'un corps ne pouvait rien contre les pensées entêtantes d'un esprit bien éveillé. C'était probablement cela qui était le plus épuisant.

Alhaitham avait beau essayer de fermer les yeux, rien n'y faisait, et se tourner d'un côté ou de l'autre pour trouver la meilleure des positions n'arrangeait pas non plus les choses. En fin de compte, il finissait par toutes les trouver affreusement inconfortables.

Les rayons argentés de la pleine lune traversaient la fenêtre de toute leur clarté; l'astre moqueur n'avait à son égard aucune compassion, et n'éprouvait pas le moindre remords à le provoquer en lui montrant à quel point il était déjà si haut dans le ciel.

Sa pâle lumière éclairait la petite chambre au parquet de bois clair, dans laquelle l'on pouvait trouver une petite bibliothèque remplie d'ouvrages qui, à en juger par la couleur des pages, semblaient très anciens.

D'autres livres étaient posés sur un bureau, et une poignée de ceux-ci était en piteux état : des pages brusquement arrachées avec une rage non dissimulée, des couvertures abîmées.

Rien de tout cela n'était de son fait; c'était simplement de cette manière qu'on lui montrait à quel point on le détestait.

D'une manière aussi lâche que pitoyable.

Alhaitham soupira et finit par rouvrir les yeux afin de fixer le plafond. D'un geste brusque, il repoussa la couverture qui lui donnait l'impression d'étouffer. Le froid mordant de la pièce vint alors immédiatement s'attaquer à son corps couvert d'une fine pellicule de sueur, faisant naître des frissons sur la peau d'opale de ses bras, et de son torse dénudé.

Il ne savait même pas s'il avait chaud, ou bien froid. Peut-être les deux à la fois.

L'un de ses bras était posé sur son front. Une affreuse migraine lui martelait les tempes. Elles étaient de plus en plus fréquentes ces derniers temps, et parfois si fortes qu'elles lui donnaient le vertige.

Les pensées qui se bousculaient dans sa tête cette nuit-là n'arrangeaient rien. Il n'avait pourtant jamais été sujet aux insomnies, mais beaucoup de choses avaient changé dans sa vie, récemment.

Il jeta un bref coup d'oeil au réveil qui se trouvait sur sa table de chevet, juste à côté de deux cadres contenant des photographies. L'une d'elles représentait une vieille femme aux cheveux grisonnants, l'autre un homme et une femme tenant un enfant dans leurs bras. Tous souriaient, même l'enfant. Souvenirs d'une époque bien lointaine, maintenant.

Sur cette table de chevet se trouvait également un livre duquel s'échappait une feuille rouge venue d'un arbre, gardienne de la page où il avait arrêté sa lecture.

Le réveil affichait quatre heures et demie du matin. Il soupira de frustration. Si sa nuit se poursuivait ainsi, et si son mal de tête ne se calmait pas, il serait certainement incapable de se rendre à l'académie, aujourd'hui. Il se connaissait bien trop pour savoir que toute la volonté du monde ne serait guère suffisante pour affronter la lumière et le bruit de l'extérieur s'il n'était pas pleinement reposé. Ce que c'était fatigant, d'avoir le sentiment de n'avoir aucun contrôle sur son propre corps.

Il avait pourtant promis à Kaveh de l'accompagner une nouvelle fois dehors, après les cours.

Kaveh...

Il se demandait parfois pourquoi quelqu'un comme le jeune homme aimait passer son temps avec lui. Ils étaient pourtant si différents. Kaveh était ô combien admiré, et lui profondément détesté. Le blond était fait de lumière, lui n'était qu'une ombre errante que l'on remarquait à peine. Kaveh était aussi resplendissant que le soleil, et lui aussi froid que la lune.

Le Son du SilenceWhere stories live. Discover now