51. Terreur nocturne

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SETHY


Les collègues de Marbourg ont un nouveau jeu : faire, dès qu'ils en ont l'occasion, des allusions au fait que Hans et moi ne quitterons jamais la ville. Encore ce matin, j'ai à peine eu le temps d'allumer la machine à café et de récupérer mon gobelet en carton qu'un collègue a passé la tête hors de son bureau pour me lancer « Eh, va falloir que tu penses à investir dans une vraie tasse, maintenant que tu restes avec nous » avant de ricaner bêtement pendant cinq minutes. Que quelqu'un me retienne, je pense que certaines têtes vont finir dans la Baltique avant mon départ.

Comme si cela ne suffisait pas, hier, nous avons écumé tous les commerces de Marbourg susceptibles d'avoir été contactés par Baranov pour embaucher sa protégée, mais aucun ne nous a répondu favorablement. La seule chose que nous avons réussi à apprendre est qu'un violent accrochage entre deux filles avait déjà eu lieu en centre-ville, deux semaines avant la mort de Leila. Alors que l'une d'entre elles rentrait tard le soir, elle aurait été abordée par l'autre qui voulait une cigarette. Lorsqu'elle lui a expliqué qu'elle n'en avait plus, l'inconnue l'aurait rouée de coups puis se serait enfuie en courant. Et là, au-delà de cet incident tragique qui révolterait plus d'un parent inquiet, moi je demande : comment avons-nous pu ne pas être au courant de cela ? Pourquoi n'y a-t-il aucune trace de cet accrochage ?

Hans et moi avons alors décidé de rendre visite à la jeune fille qui s'est faite agressée et cette dernière nous a révélé ne pas avoir voulu porter plainte parce que ça ne servait à rien. Que la police n'écoutait jamais. Qu'on allait la traiter de folle. Que de toute façon, elle n'avait pas vraiment vu le visage de son agresseuse. Qu'est-ce que je suis censé répondre à tout cela ? Le seul indice qu'elle nous a fourni, c'est que la robe de la fille était couverte de plumes.

— Est-ce qu'elle travaille dans un putain de zoo ? grommelé-je entre mes dents en avalant rageusement la dernière gorgée de mon café.

A moins qu'elle ne soit danseuse de cabaret ? Par sécurité, Hans est retourné interroger toutes les danseuses de l'Ozone et faire le tour des bars pour récupérer la liste de leurs performeuses. Mais bon Dieu, cette histoire commence à me rendre fou.

Pour couronner le tout, l'autre fou de Thomas Koch est repassé en fin d'après-midi au commissariat pour gueuler qu'il fallait que l'on retrouve son ange, avant d'assurer que ce dernier pouvait marcher sur les nuages. Et encore une fois, je suis tellement dépité de ne pas trouver l'élément manquant de mon enquête que je commence à me demander si son histoire d'ange ne comporterait pas quelques indices. Après tout, les anges aussi ont des plumes, non ?

Mon front s'échoue sur mon bureau tandis que je grogne contre mon impuissance. Noël est dans une semaine et je n'ai pas été foutu de mettre la main sur Baranov. Est-ce trop demander que de recevoir un coup de fil salvateur qui me permettrait de résoudre l'enquête en un claquement de doigts ?

A cet instant, le téléphone sonne sur mon bureau et je le fixe de longues secondes, l'air de lui demander s'il se fout de ma gueule. Qui ça peut bien être encore à cette heure aussi tardive ?

Las, je décroche et appuie lourdement mon menton sur le dos de ma main.

— Inspecteur Lim.

— Oh putain mon Dieu, merci ! répond une voix féminine affolée. Faut qu'vous veniez ! Maintenant ! Je... Il bouge plus ! J'sais pas quoi faire, je...

— Attendez, attendez, la coupé-je en me redressant avec inquiétude. Qui ne bouge plus ? Et qui est à l'appareil ?

— C'est Karen ! Mais faut qu'vous veniez m'sieur, j'sais pas quoi faire, j'l'ai trouvé comme ça et...

Raz de maréeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant