55. Tendresse inconvenante

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HAZEL


Le soleil est déjà bien levé lorsque j'émerge des bras de Morphée. J'ai à peine le temps de cligner des yeux que je comprends que quelque chose diffère de d'habitude. C'est lorsque je tente de rouler sur le côté et qu'une douleur sourde irradie de mon dos que je me rappelle brusquement de tous les événements de la veille.

Choqué, je me redresse d'un coup, les joues brûlantes et le cœur battant la chamade, puis grimace lorsque la pointe dans mon dos se rappelle à moi. En dépit de la gêne qu'elle me procure, je la remercie presque d'exister et de prouver que la soirée d'hier n'était pas une création de mon esprit. Tout cela a beau me sembler être un rêve, Sethy et moi avons bel et bien couché ensemble. Et je ne m'en remets pas.

Soudain, je remarque que la place à mes côtés est vide et mon regard balaie frénétiquement la pièce à la recherche de celui qui aurait dû s'y trouver.

Rien.

Mon cœur rate un battement. Mon estomac se crispe.

Merde, il est vraiment parti comme un voleur, sans me dire au revoir ?

Agacé par mes propres pensées, je passe une main rageuse dans mes cheveux puis ferme les yeux. Est-ce que je peux seulement faire semblant d'être surpris ? Évidemment que Sethy est parti, pourquoi il serait resté ? A quoi je m'attendais ? Je croyais réellement que nous allions nous réveiller blottis l'un contre l'autre, qu'il me serrerait dans ses bras et qu'il me dirait que tout irait bien maintenant, qu'il ne me quitterait plus jamais ? Je suis putain de pitoyable.

La gorge nouée, je sors du lit et manque de glisser sur un des préservatifs échoués par terre. Mon estomac se contracte à nouveau. Combien de fois exactement l'avons-nous fait la nuit dernière ? Je ne me souviens que de son corps s'enfonçant inlassablement dans le mien, me soutirant des gémissements plus incompréhensibles les uns que les autres et me transformant entièrement en boule de plaisir. Je n'avais jamais connu ça. Jamais.

Je me traîne jusqu'à l'évier sur lequel je m'appuie lourdement, le corps fourbu, le cul douloureux. Mes yeux s'accrochent péniblement au reflet que me renvoie le miroir fêlé et je ne peux que froncer mon nez emplâtré en apercevant mes yeux bouffis, ma tignasse emmêlée et mon corps parsemé de marques de morsures. En dépit de leur inutilité, je souhaiterais qu'elles ne disparaissent jamais.

Alors que je me passe le visage sous l'eau, j'entends un bruit sourd derrière moi puis une voix retentit, me pétrifiant sur place.

— Bordel, y a pas moyen de trouver une seule putain de boulangerie dans cette ville de merde, j'ai dû aller à l'autre bout du monde et... Hazel ? Ça va pas ?

Les mains crispées sur le rebord de l'évier, je dévisage le nouvel arrivant comme si je n'en croyais pas mes yeux. Débout près de l'entrée, le manteau boutonné jusqu'au menton et un sac plastique à la main, Sethy m'observe en fronçant les sourcils, l'air soupçonneux.

Sans pouvoir me retenir, je me mets à trembler de tous mes membres et tente de ravaler la boule douloureuse qui obstrue mon œsophage. A cette vision, Sethy fronce davantage les sourcils puis fait un pas en avant, sûrement décontenancé par ma réaction quelque peu excessive.

Alors je craque.

Je sais que je ne devrais pas faire cela, que c'est ridicule et que cela ne mènera à rien. Je sais que je devrais respecter cet accord tacite entre nous et faire comme si de rien n'était, ne pas dépasser les bornes, mais je n'en suis plus capable.

En trois secondes, mes bras s'enroulent autour de sa nuque et mon corps encore poisseux de nos ébats de la veille se colle au sien. Sethy se fige immédiatement, les bras ballants, et contracte les épaules en réflexe défensif.

Raz de maréeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant