47. Flocons d'indices

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SETHY

Le sucre se désagrège lentement dans mon café. D'un air distrait, je remue les derniers petits cristaux en regardant par la fenêtre. Il neige. La pluie glaciale a fini par se transformer en épais flocons qui virevoltent autour des passants et viennent délicatement se poser sur les toits des voitures. Dehors, des enfants crient et courent en tirant la langue. Des couples s'enlacent. Des jeunes glissent sur les trottoirs. Des policiers patinent désespérément dans leur enquête.

Un soupir brise la barrière de mes lèvres et je plonge mon regard dans mon café qui tourbillonne calmement. Si seulement le flot de mes pensées pouvait être aussi paisible !

Devant moi, l'écran de mon ordinateur reflète le dossier d'Andreï Baranov, aka Till Ebner, aka l'homme que j'ai actuellement le plus envie de foutre derrière les barreaux. Et des informations sur lui, on en a ! L'homme est connu des services de police depuis deux mille un, soit l'année de son intégration à la Dolgoproudnenskaïa. Les données datant de cette époque sont éparses, sûrement trafiquées pour la plupart, mais elles ont le mérite de retracer le parcours de vie de ce fils de pute. Et de m'offrir de jolies petites photos de son minois.

Ce sont ces dernières que je fais actuellement défiler tout en buvant mon café. Baranov y apparaît en noir et blanc, l'air féroce et le regard perçant. Sur certaines images, de grands parrains de la mafia russe apparaissent à ses côtés, immenses, solennels, dangereux. La totalité d'entre eux figure en haut des listes de recherche d'Interpol et se terre quelque part sur le globe, bien à l'abri de ceux qui veulent leurs têtes. Je ne peux me permettre de laisser s'échapper Baranov une seconde fois.

Alors que j'observe des photos datant de deux mille douze, un visage hâlé aux cheveux gominés et à l'air arrogant me saute aux yeux. Mon cœur loupe un battement et mon curseur s'immobilise sous le menton de l'homme. Aucun doute : il s'agit bien de Bariva, le patron de l'Ozone, posant fièrement à côté de Baranov et de Mikhaïl Gouriev, l'un des chefs de la Dolgoproudnenskaïa. La photo a été prise aux alentours de Podolsk en plein hiver et les trois hommes semblent détendus.

Mes lèvres se tordent en un petit sourire victorieux. Cette fois, j'ai une vraie pièce de chantage pour faire parler Bariva. Si c'est une chose d'organiser des orgies dans les vestiaires de sa boîte de nuit, c'en est une autre de faire partie d'une mafia russe. Peut-être que cet imbécile pourra me dire où se trouve Baranov ou, à défaut, me révéler le nom de la fille qui l'accompagne.

Satisfait de ma trouvaille, je m'apprête à rendre visite à Bariva lorsque Hans déboule dans la pièce, l'air déterminé.

— J'ai enfin retrouvé la trace de ce connard ! s'exclame-t-il en jetant une clé USB sur mon bureau. Regarde-moi ça !

Je hausse un sourcil intrigué avant d'insérer la clé dans mon ordinateur. Une vidéo s'affiche et, dès qu'elle se lance, je comprends qu'elle provient d'une caméra de vidéosurveillance, située plus précisément dans une station-service à en croire l'alignement de pompes à essence qui apparaît sur l'écran. Pendant quelques secondes, deux véhicules se relaient, sans intérêt, puis une Porsche Carrera GT noire fait son apparition.

— Regarde bien qui va en sortir, jubile Hans en appuyant son gros doigt sur mon écran.

Je claque la langue d'un air agacé mais mon collègue ne s'en formalise pas, trop heureux de sa découverte. Et je finis par comprendre qu'il y a de quoi ! Tout à coup, une longue chevelure blonde s'extirpe vivement de la voiture et se précipite vers la station en arrière-plan. Une seconde après, Andreï Baranov ouvre la porte côté conducteur et court après la jeune fille qu'il récupère avant qu'elle n'atteigne la boutique. Sa passagère se débat et s'apprête à crier quand il plaque une main contre sa bouche et la tire à l'écart des passants – inexistants à cette heure tardive de la nuit.

Raz de maréeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant