CHAPITRE 5 | Lévi Hofferson

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Lévi Hofferson


"J'ai l'impression que rien, c'est tout ce qu'il me reste."
— 𝒟amso


PADDOCK DU CIRCUIT DE BARCELONE.
17 mars 2024, 11h00.
Jour d'essais libres.

— J'en peux plus, les gars... murmure-t-il.

Inattendue, sèche, et terrifiante ; la mort. Hugo l'a affronté et elle lui a laissé des séquelles.

Il se tient face à nous — face à dix-neufs pilotes. Certains pleurent, alors que d'autres comme moi tentent de retenir leurs larmes malgré la douleur qui s'enfonce un peu plus en nous à chaque millième de seconde.

La gorge serrée, la voix tremblante et le ton sec, Hugo Lake vient de nous raconter tout ce qu'il sait sur la récente mort de sa petite-amie. Rien de spécial. Tuée par balle, criminel encore inconnu... Mais l'état mental et physique du pilote Monégasque ne me laisse en aucun cas indifférent. Il est bien plus maigre qu'avant, son teint est pâle, ce qui fait ressortir ses cernes violettes dans le creux de ses yeux, et une ligne rouge à côté de son regard trace ses pleurs.

Je jette un coup d'œil aux autres pilotes près de moi ; Adrien, Théo, Leyt et Joseph sont assis par terre, leur combinaison mises et leurs genoux relevés pour caler leurs bras dessus. Raven, Ryo, Marc, Milles, Yuri, Nayrane et moi-même sommes installés sur des tables. Les plus stressés balancent leurs jambes, comme moi, et les autres écoutent attentivement, l'air inquiet. Puis tout le reste du groupe : Hamza, Benjamin, Aïzen, Loris, James, Luise, Arrow et Max sont sur des chaises à côté ou derrière nous, l'esprit focalisé sur les paroles du garçon.

Voyant des larmes dévaler sur les joues de Hugo, Nayrane appuie ses deux mains sur la table pour se lever et prendre dans ses bras le Monégasque.

— Elle était enceinte.

J'ai l'impression de sentir mon cœur s'arrêter. Merde...

— On voulait vous faire la surprise lors d'un repas tout ensemble, j'étais fier... explique-t-il le visage sur l'épaule de Nayrane, prêt à éclater en sanglot.

Je ne peux pas empêcher mes muscles de bouger et me lever de la table. L'autre pilote remarque ma présence, arrêtant son étreinte avec Hugo pour me laisser la place.

J'ai besoin de lui parler parce qu'il n'est pas le seul à traverser ça ; il a dix-neuf autre personnes un peu attardées sur les bords qui se fichent de mourir dans une monoplace à plus de 300 km/h, mais qui sont quand même là pour lui.

— Elle me manque, Lévi, chuchote-t-il. Tout me manque chez elle. Sa voix, ses mains, ses lèvres, ses cheveux, ses yeux... Je n'arrive pas à y croire. C'est elle qui a été tuée, pourquoi pas une autre ? Pourquoi est-ce qu'on ne peut pas la sauver, il y a bien un moyen, hein ?

Le déni.

La première étape du deuil. Peut-être la plus courte pour certains, mais la plus compliquée. Lors de cette période, nous sommes à tout prix persuadés que quelque chose peut sauver la personne envolée, qu'un miracle peut se produire, que tout va bien.

— On est là pour toi, d'accord ? Si tu as besoin de parler, va voir n'importe qui, on sera te comprendre. Si tu as besoin d'aide, si tu sens que ça ne va vraiment plus du tout, appelle-nous. Mais ne fais pas de conneries, s'il te plaît.

HOFFERSON | 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant