Attraction, Tome 3 Nicolas (auto-édité)

Chapitre 5 - Daphné

Adam rayonne. Son visage, aux traits tirés de sa nuit mouvementée, m'exaspère. L'argent qu'il va toucher en jouant le rôle de cameraman n'est guère ce qui l'intrigue. Non, cette enflure sait pertinemment ce qu'il va se produire dans cinq minutes. Il a réussi son coup en contactant sa connaissance, Jessie Saurel, patron d'un bar. Comme par hasard. Lorsque je lui ai demandé des contacts, il m'a assuré qu'il s'en chargerait, jurant au passage qu'il délaissera le Ba'Bar.

Il s'est foutu de ma gueule. À la première occasion, il s'est arrangé pour que j'obtienne un rendez-vous vocal avec le patron. J'avoue que le PDG est gentil. Il a un côté rassurant qui m'a surprise. Mais dès l'or qu'il m'a proposé le bar de son ami, tout s'est éclairé. Je vais revoir le barman.

D'ailleurs, nous arrivons sur le parking. Adam se gare en exprimant son excitation.

- Tu verras, tu m'engageras, plaisante-t-il en mettant le frein à main.

- Dans tes rêves ! Puis, je pensais que tu appréciais ton boulot.

Adam grimace. Il extrait les clés du contact et entreprend de sortir. Il se ravise en braquant ses prunelles foncées dans les miennes.

- Bien sûr. J'ai juste besoin de m'aérer l'esprit. Parfois, c'est compliqué. Les patients sont tellement touchants... quand l'un d'entre eux décède, je ne te cache pas que ça me remue toujours. Je pensais qu'à mon âge, ces émotions seraient effacées, or, c'est de pire en pire. La mort m'angoisse, Daph.

Il envisage la mort à cinquante-quatre ans. Est-il fou à lier ? Complétement perdu dans sa vie ? Au point de penser à la fin, alors que le chemin est encore long ?

D'autant plus que ses mots font écho en moi. Des images apparaissent devant mes yeux et la panique me submerge. Mes muscles se tétanisent et ma respiration se coupe.

Adam remarque mon état. Connaissant mon passé, il s'empresse de me rassurer. Ses mots sont doux, la caresse de sa main sur mon crâne délicate.

- Désolé. Je ne voulais pas que tu repenses à Juliette. Tu n'es pas obligée de parler, mais tu sais que je suis là.

Il sait pertinemment que le prénom de mes filles m'est difficile à entendre. Je ne lui en tiens pas rigueur, sachant qu'il ne souhaite que m'aider.

- On va être en retard, soufflé-je en sortant du véhicule.

Il m'imite sans un mot. Repousser cette conversation est l'une des choses que je fais à la perfection. Adam est une crème. Il respecte mon mutisme et ne me le reproche jamais.

Nous marchons jusqu'au bar. Je repense à ce chemin que j'ai emprunté il y a trois semaines. Ce soir-là, le stress était à son comble. La publication de la vidéo de mercredi accaparait tout mon esprit. Et Juliette aussi. Mais je refoule une fois de plus ces pensées honteuses et déchirantes au sujet de ma fille.

Par bonheur, ma nouvelle série a plu. Les retours ont été positifs et on m'a proposé d'autres jobs. Vendeuse, pâtissière, graphiste, auteure ou même mécanicienne Un commentaire m'a interpellé. Barmaid. Voilà comment, épaulé par mes fidèles amis, j'ai changé d'avis. Mes abonnés ne s'attendront pas à ce métier. J'adore donner du suspens. Cela dit, je note toujours leur avis. Ils m'aident à évoluer avec leur œil externe.

Adam m'ouvre la porte. Il me laisse passer et mon regard tombe immédiatement sur le bar. Une femme aux cheveux bruns et aux yeux foncés est aux côtés de l'homme mystérieux. En me voyant, elle parle tout bas à son collègue qui est de dos, vers les bouteilles, puis nous sourit.

- Bonjour, Daphné ! Je m'appelle Mila. Nous sommes contents de vous recevoir.

Elle contourne le bar, non sans lancer un regard courroucé à l'homme de dos, et me tend sa fine main. Elle porte une bague à son annuaire et un bracelet en argent au poignet. Son charme est fascinant. Elle me regarde droit dans les yeux et m'envoûte avec son grand sourire.